Périphérique parisien : les vrais chiffres du 50 km/h

L’automne dernier, trois recours ont été déposés contre l’abaissement de la vitesse sur le périphérique de Paris. Celui de la Ligue de Défense des Conducteurs, celui de la Fédération Française des Motards en Colère (FFMC) et, enfin, le recours collectif de la plateforme créée par les avocats Riposte juridique. Alors que le Tribunal administratif de Paris a clos l’instruction, ces derniers ont publié une analyse pointue des résultats du 50 km/h après huit mois de mise en place. Édifiant.

Dans le combat idéologique lancé par la mairie de Paris à l’encontre de l’automobile, le périphérique tient une place de choix. À tel point qu’en septembre 2024, l’exécutif parisien a imposé une nouvelle baisse de la vitesse maximale pour des motifs qui ne supportent pas la discussion : « L’abaissement de la vitesse devrait bénéficier aux 550 000 personnes qui habitent à proximité : une vitesse réduite entraînerait une réduction du bruit et permettrait une amélioration de la qualité de l’air », soulignait alors l’Hôtel de ville. Sûre de son coup, la mairie avançait des chiffres sans même utiliser le conditionnel : « Par exemple, la réduction de la vitesse de 70 km/h à 50 km/h permettra une baisse de 2,3 à 2,8 décibels » était-il précisé, tandis que la majorité municipale ne se privait pas non plus de souligner que le nombre d’accidents allait aussi  mécaniquement s’orienter à la baisse grâce à sa politique.

Afin d’appuyer sa démonstration, Paris a décidé de publier chaque semaine sur Internet un « Bulletin du périphérique » censé livrer des données objectives : évolution de la pollution, des vitesses pratiquées, des embouteillages, etc. Un bulletin effectué sur la base de seulement cinq jours ouvrés. La Région Île-de-France, pour sa part, réalise un bilan mensuel des mêmes paramètres via son « Baromètre du boulevard périphérique parisien ». Les avocats de la plateforme Riposte juridique ont donc pu s’emparer sans mal des chiffres divulgués… Et leur interprétation, vous vous en doutez, est à des années-lumière de celle de la bande d’Anne Hidalgo. En vérité, la mesure d’abaissement de la vitesse est inefficace sur la pollution, les accidents, et apporte une avancée insignifiante sur le bruit.

  • Aucun effet sur l’accidentalité

L’exécutif parisien, après huit mois d’abaissement de la vitesse, se satisfait ainsi des 14 % de baisse de l’accidentalité sur le périphérique. Maître Séverine Manna, de Riposte juridique, que nous avons interrogée, rétorque : « A minima, depuis 2007, le nombre d’accidents sur le boulevard périphérique diminue en moyenne de 16 % par an » indique-t-elle. Donc, observer une baisse de 14 % sur les 8 derniers mois « est parfaitement dans la norme observée depuis 18 ans ». De toute façon, cette donnée sur l’accidentalité est vraiment à manier avec des pincettes, tant les chiffres peuvent profondément varier en fonction des événements. Selon le dernier Bulletin du périphérique en ligne, qui couvre la période du 19 au 23 mai dernier, les accidents sur le périphérique sont en hausse de 14 % par rapport à la même période il y a un an, après une hausse de 69 % la semaine précédente ! Et ce, en dépit de la baisse de la vitesse.

  • La pollution n’a pas diminué

L’abaissement du bruit et de la pollution sont les deux arguments phares de la mairie de Paris pour expliquer ses choix. Sur ce second item, tirer des conclusions sur des périodes d’étude courtes relève d’une sacrée audace. Si l’on s’en tient à la lecture stricto sensu des chiffres de pollution au dioxyde d’azote (NO2) et aux particules fines PM10 de ces huit derniers mois, la sentence est la suivante : la pollution a augmenté ! La pollution aux NO2 est bel et bien orientée à la baisse en octobre 2024 et en janvier 2025, mais à l’inverse pour tous les autres mois, note Riposte juridique. Qui livre une explication : « Les mois au cours desquels une baisse substantielle des émissions de NO2 a été observée sont ceux ayant connu les précipitations les plus importantes (octobre 2024 et janvier 2025). Réciproquement, les hausses d’émissions de NO2 ont été constatées durant les mois les moins pluvieux (février, mars et avril 2025). » Le même schéma se répète avec les particules PM10. Durant les sept derniers mois, leur concentration mensuelle a évolué à la hausse comme à la baisse : « Les conditions météorologiques apportent l’explication », note Maître Séverine Manna. En octobre et décembre 2024, mais aussi en janvier 2025, le vent a augmenté de 3 à 13 % par rapport à l’année précédente. Les particules se sont donc mieux dispersées dans l’atmosphère, ce qui va dans le sens de la mairie de Paris. Hélas, le vent a molli de 7 % à 32 % sur les autres mois étudiés. Conséquence, « des augmentations substantielles de pollution aux PM10 comprises entre 44 % et 86 % ». Le vent joue donc un rôle aussi déterminant dans la dispersion de la pollution que dans celui de l’argumentaire développé par le cabinet de la maire.

  • La baisse du bruit est imperceptible

Les nuisances sonores du périphérique sont bien orientées à la baisse, tous les chiffres l’affirment. Le souci tient au fait que l’exécutif parisien en fait un peu trop sur ce thème. Selon lui, la baisse observée serait de 3 décibels, notamment la nuit. La réalité est un peu plus nuancée : « Sur la globalité de la journée, la diminution est de 1,9 décibel, soit 2 % de baisse », pointe Maître Séverine Manna. La plus forte chute d’intensité sonore intervient la nuit avec -2,3 décibels, ce qui constitue « 3 % de baisse » selon l’avocate de Riposte juridique. Si toutes ces valeurs ont le mérite d’être orientées à la baisse, elles sont toutefois insuffisantes : « Une baisse de 1,9 décibel est imperceptible par l’oreille humaine, dont le seuil d’audibilité est de 3 décibels ». Ainsi, même la nuit, les riverains du périphérique ne bénéficient pas vraiment de la réduction de la vitesse maximale. Riposte Juridique avance d’ailleurs une autre piste pour expliquer la baisse observée de 2,3 décibels : la circulation s’est restreinte de 9 % sur la période, ce qui engendre des émissions sonores moindres, tout simplement…

Alors que le Tribunal administratif de Paris a bouclé l’instruction du recours le 3 juin, les avocats de Riposte juridique ont déposé juste avant un « mémoire complémentaire » détaillant tous les faits exposés ci-dessus. La mairie de Paris n’ayant pas réagi à ce jour, le collectif d’avocats entend bientôt rédiger une lettre au tribunal afin de réclamer la tenue d’une audience. Riposte juridique entend obtenir l’annulation de l’arrêté de la mairie de Paris sur les 50 km/h pour « erreur manifeste d’appréciation ». Évidemment, du côté de la LDC, dont le recours est bien entendu toujours d’actualité, on soutient complètement cette démarche !

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