Colloque de la LDC : un électrochoc pour la sécurité routière

Notre colloque à l’Assemblée nationale du 20 mars 2024, consacré au bilan de la politique de sécurité routière menée par les gouvernements successifs et les vraies pistes d’amélioration, a réuni de nombreux experts. Les analyses et les propositions des experts que nous avions sollicités vont-elles réveiller le ministère de l’Intérieur ? Elles le devraient. Pour que vous puissiez en juger, lisez les Actes du colloque, ou regardez les vidéos de cet événement majeur pour notre association.

Comment susciter un électrochoc pour qu’enfin, la politique de sécurité routière en France prenne un autre chemin que celui de la répression pure et dure ? C’était la mission que s’était fixée la Ligue de Défense des Conducteurs, en organisant ce colloque à l’Assemblée nationale le 20 mars dernier. Tout d’abord, en consacrant une première table ronde aux limites de la poursuite quasi obsessionnelle de la vitesse au travers des radars automatiques, dont la prolifération n’arrive pas à enrayer la mortalité sur la route. Puis, lors d’une deuxième table ronde, en offrant une tribune aux vrais acteurs de terrain de la sécurité routière, experts en prise en charge des victimes, en sécurité des véhicules et en qualité des infrastructures routières. Enfin, la troisième table ronde a consisté à lister des actions concrètes, dont la mise en place améliorerait très concrètement la sécurité routière…

Alors que nous publions l’intégralité des propos qui ont été échangés dans les Actes du colloque, ainsi que les vidéos des trois tables rondes sur notre page Youtube, nous vous proposons ici un florilège de phrases-chocs prononcées par nos intervenants lors de ces trois tables rondes. Des intervenants soigneusement choisis par nos soins pour leur pertinence, comme nous vous l’expliquons également.

TABLE RONDE 1

La politique de sécurité routière peut-elle encore longtemps se focaliser sur la vitesse alors que la mortalité stagne ?

Avec Olivier Amrane, Bernard Darniche et Rémy Josseaume

C’est le président du Conseil départemental de l’Ardèche, l’un des sept départements dont la totalité des routes est repassée à 90 km/h, qui ouvre le ban. Le crédo d’Olivier Amrane : adapter sa politique de sécurité routière à la réalité de terrain et pointer du doigt le décalage entre le 80 km/h, imposé par Paris en 2018, et les contraintes de mobilité de ses concitoyens. Il déclare notamment, au sujet de son rejet de l’abaissement de la vitesse généralisé (dont il n’a pas observé d’effet probant sur ses routes avant qu’il ne rehausse la limitation) : « C’est nous qui avons une connaissance fine de nos routes, nous avons déjà identifié les zones dangereuses, elles sont sanctuarisées »Bernard Darniche, dont le palmarès en compétition automobile (champion d’Europe des rallyes) et la profonde connaissance de la sécurité routière parlent pour eux-mêmes, demeure très engagé dans la formation et la prévention. Expliquant pourquoi il vient de cofonder un Pôle de prévention des risques routiers, il promeut une « mobilité sereine et durable », mais n’a pas sa langue dans sa poche, rappelant entre autres que « L’endroit où on est autorisés à rouler le plus vite, les autoroutes, c’est là où il y a le moins d’accidents. De temps en temps, il faudrait que ça percute, ça, quand même », s’insurgeant contre le fait que « Les règles, aujourd’hui en France, bien malin celui qui dit « je les respecte et je les décrypte toutes ». C’est juste impossible »Son souhait le plus cher, déplacer le débat : « Tant qu’on ne déconnectera pas la sécurité routière du monde politique, on sera dans un système qui ne marche pas ». Pour conclure cette première table ronde, Rémy Josseaume, avocat au barreau de Paris et président de l’Automobile-club des avocats, constate « tous les jours qu’il vaut mieux être un délinquant de droit commun qu’un délinquant routier devant un tribunal ». Mais rappelle aussi une évidence : « Oui, la sécurité routière coûte, mais en matière de santé publique, c’est peut-être la seule, avec le tabac, qui rapporte de l’argent. Beaucoup d’argent ».

TABLE RONDE 2

Qualité des secours portés aux victimes d’accidents, sécurité active et passive des véhicules, infrastructures : les grands oubliés de la sécurité routière

Avec Jean-Michel Constantin, Jean-Max Gillet et Jean-Yves Le Coz

Alors que l’État attribue quasi sans nuance la baisse du nombre de morts sur les routes, nous avons souhaité donner la parole à des professionnels trop rarement occupés à faire leur autopromotion, en matière de sécurité routière…  Durant ces dernières décennies, l’amélioration des interventions des secours sur les lieux d’accidents et à l’hôpital a ainsi sauvé des milliers de vies. Un constat que fait Jean-Michel Constantin dans son service de réanimation, qui accueille cependant de plus en plus de victimes des « mobilités douces » : « On dit « mobilités douces, » mais quand on regarde les crash-tests, l’état des victimes, cette mobilité n’est pas douce », observe-t-il alors qu’il se félicite des progrès effectués par les voitures, protégeant de mieux en mieux leurs occupants mais aussi les personnes alentour. Ce que confirme lors de son exposé Jean-Yves Le Coz, médecin, spécialiste en rééducation et réadaptation fonctionnelles, enseignant en biomécanique à l’École nationale supérieure d’Arts et Métiers, sans oublier le laboratoire d'accidentologie de PSA/Renault qu’il a dirigé : « Entre les véhicules équipés de systèmes de sécurité active et passive et ceux qui n’en ont pas, on obtient moins 70 % de risques de blessures graves et mortelles »Jean-Max Gillet, venu parler de l’état des routes (dont la qualité et le degré d’adhérence sont des facteurs-clés pour faire baisser l’accidentologie), fait de son côté un constat amer : « En France, les infrastructures sont l’angle mort de la politique de sécurité routière ».

TABLE RONDE 3

Les axes à privilégier pour vraiment améliorer la sécurité routière

Avec Karine Bonnet, Ludovic Da Mota et Patrice Bessone

Ces tables rondes ayant aussi pour but d’être constructives, nous avons décidé de conclure nos débats avec des envies et espoirs concrets, portés par trois professionnels de la filière automobile. Ainsi, Karine Bonnet, tout en rappelant le rôle préventif du contrôle technique des véhicules, voudrait aussi privilégier deux pistes : « L’humain et la prévention c’est essentiel. Il faut faire preuve de pédagogie et informer », explique-t-elle. Surtout à l’heure du partage de la chaussée, en milieu urbain… Selon elle, la France pourrait adopter de nombreuses initiatives pour améliorer la sécurité routière observées dans le monde : « Tout passe vers la connaissance des uns et des autres, de notre part de responsabilité, du respect de l’autre ». De son côté, Ludovic Da Mota, organisateur d’événements contribuant à sensibiliser le public aux aspects sécuritaires de la moto et promouvoir une pratique responsable, notamment par le biais ludique de la cascade, est effaré par l’impact des vidéos montrant des comportements dangereux en deux-roues sur les plus jeunes… et le dénonce. « Vous pouvez être le meilleur pilote au monde, vous ne savez jamais ce qui arrive dans la rue », insiste-t-il, en appelant de ses vœux une attitude plus responsable des modérateurs sur les réseaux sociaux. Enfin, Patrice Bessone, patron d’auto-écoles et porte-parole du métier au sein de Mobilians (organisation patronale représentant la filière des services de l’automobile), déplore le retard pris par la France en matière de pédagogie pour apprendre à conduire : « Tout ce qu’on a expliqué sur le coercitif, ça ne marchera jamais ». Il propose notamment de « rendre le Compte personnel de formation portable et transmissible », des parents vers les enfants.

Notre colloque a déjà porté ses fruits : quelques jours seulement après l’événement, le député Pierre Cordier a déposé une proposition de résolution à l’Assemblée nationale (n° 2419), « tendant à la création d’une commission d’enquête sur la politique nationale de sécurité routière ». La Ligue de Défense des Conducteurs se félicite de cette initiative, en parfaite adéquation avec nos propres attentes. En effet, une telle enquête révélera non seulement les excès de la répression routière automatisée, mais également tous les manquements de l’État pour véritablement améliorer l’accidentologie routière ces vingt-cinq dernières années.

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