Début février, la Métropole du Grand Paris a annoncé le report de l’entrée en vigueur du bannissement des véhicules Crit’Air 3 dans sa Zone à faibles émissions à début 2023. De quoi permettre à d’innombrables Franciliens de souffler un peu, qu’ils roulent en voiture ou en deux-roues motorisé explique Arsène Vassy, rédacteur à la Ligue de Défense des Conducteurs.
Note : cet article a été initialement publié dans les colonnes de Moto Journal, où la Ligue de Défense des Conducteurs tient une chronique mensuelle.
Oui, les motards aussi sont concernés par le report de l’interdiction des véhicules Crit’Air 3 au sein de la Zone à faibles émissions (ZFE) de la Métropole du Grand Paris. Tout comme le parc automobile, celui des deux-roues motorisés (plus de 2,9 millions de véhicules) connait une tendance au vieillissement avec un âge moyen qui atteint 12,5 ans en 2019, selon les derniers chiffres disponibles de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), et va donc également subir de plein fouet les mesures de restrictions de circulation édictées par les ZFE. Peu importe que de par leurs caractéristiques propres (fluidité, faible consommation, faible encombrement), les deux-roues motorisés, « majoritairement utilisés pour des déplacements domicile-travail » toujours selon l’ONISR, soient une solution à l'engorgement des villes. La mise en place de la ZFE du Grand Paris n’est pas à une contradiction près.
Seulement voilà, la Métropole a bien du mal à respecter son propre calendrier. Après des années à faire du zèle, désormais, elle diffère : elle a commencé par le report, annoncé au mois de décembre, de la vidéoverbalisation qui devait démarrer dès la fin de l’année 2021 et qui ne démarrera que le 1er janvier 2023, c’est l’interdiction de circuler faite aux deux-roues classés Crit’Air 3 qui est cette fois-ci repoussée. Pour rappel, depuis le 1er juin 2021, les motos et scooters classés Crit’Air 4, immatriculés avant 2004, n'ont plus le droit de circuler dans la ZFE du lundi au vendredi de 8h à 20h ainsi que les jours fériés. La suite, ce devait être le bannissement des deux-roues motorisés Crit'Air 3, donc immatriculés avant le 1er janvier 2007, initialement prévu au 1er juillet 2022. Ce sera finalement début 2023.
Faut-il pour autant croire que la Métropole du Grand Paris a fini par entendre les conclusions de l’étude publiée par la Ligue de Défense des Conducteurs en juin 2021, intitulée « ZFE, la grande cacophonie » ? Nous y préconisions notamment la mise en place d’un moratoire avant l’instauration de ces zones interdisant la circulation en leur sein aux véhicules trop anciens. En effet, leur calendrier d’application beaucoup trop rapide ne manquera pas d’entrainer dégradation de la liberté de se déplacer, mise au ban des ménages les plus modestes et assignation à résidence. Amis motards, vous n’y êtes pas du tout : la cause, c’est le retard pris par le dispositif du contrôle sanction entièrement automatisé, le nerf de la guerre.
En effet, dès les prémices de la ZFE de la Métropole du Grand Paris, l’objectif était de pouvoir s’en remettre rapidement à des contrôles intégralement automatisés. C’est plus dissuasif et moins chronophage que la simple vidéoverbalisation. D’ailleurs, si l’on en croit les propos d’un responsable du Cerema recueillis par Challenges (06/01/2022), il ne sera pas question d’une caméra chargée de distinguer la présence et le type de vignette Crit’Air, car le taux d’erreur d’un tel appareil serait bien trop élevé. Surtout, si cela s’avère compliqué pour les voitures, cela pourrait relever de l’impossible pour les deux-roues motorisés. On imagine mal en effet qu’une caméra, aussi perfectionnée soit-elle, puisse repérer la vignette Crit’Air qui serait placée sur la fourche ou le réservoir d’une moto. On aura donc droit à la bonne vieille lecture automatique de plaques d’immatriculation.
Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos motos et scooters. Certes, ces six mois de plus pour souffler sont toujours bons à prendre, mais cela ne résout pas le problème de mobilité des conducteurs franciliens de deux-roues motorisés aux budgets les plus serrés. Et ce n’est pas l’aide financière de la Métropole du Grand Paris pour l’achat d’un deux-roues, trois-roues, quadricycle forcément électrique (contrairement à l’automobile, les moteurs thermiques ne sont pas subventionnés pour nous), plafonnée à 1 400 euros maximum et sous conditions de revenus, qui nous permettra de changer de guidon, alors que les tarifs affichés chez BMW ou Zero Motorcycles dépassent les 12 000 euros, et que les autres « gros » constructeurs (Suzuki, Honda, Ducati, etc.) ne proposent aucun véhicule « watté ». Il y a bien quelques petits scooters électriques 50cc ou 125cc, mais qui irait échanger sa BMW R 1200 GS de 2004 pour un Super SOCO TC Max incapable de dépasser le 100 km/h ? Résultat, ceux qui sont dans l’incapacité financière de remplacer rapidement leur engin (la durée de détention moyenne d’un deux-roues motorisé est de six ans), recevront eux-aussi très bientôt ces « PV pour pauvres », lorsque le contrôle sanction automatisé les frappera aveuglément.