Radars « collectivités » : les maires dans les starting-blocks

Quelle meilleure occasion pour les fabricants de radars que le Salon des maires et des collectivités locales organisé cette semaine à Paris, pour faire la pub de leur matériel high tech ? D’autant qu’une loi de 2022 autorise ces élus à en installer à volonté sur leurs routes et dans leurs rues. Autant dire que chacun piaffe d’impatience, pour des raisons différentes. On vous explique comment cette avalanche de flashs ne va pas tarder à vous tomber sur la tête.

D’un côté, vous avez des mairies et autres collectivités locales à la situation financière très contrainte : « L’effet de ciseaux pesant sur le bloc communal frappe les budgets des communes : leurs recettes n’augmentent que de 3,3 % alors que leurs dépenses augmentent de 5,7 % » indique notamment « L’analyse financière du bloc communal » effectuée par l’Association des maires de France (AMF). Les mairies et communautés de communes composent surtout avec une forte baisse des droits de mutation à titre onéreux, selon l’étude de l’AMF. Plus clairement, ceux-ci, que l’on connait plutôt sous le nom de frais de notaire, ne rapportent plus assez : « Après une baisse de plus de 20 % en 2023, [leur] produit s’effondre d’environ 20 % supplémentaires en 2024, soit 0,7 milliard d’euros de pertes pour les communes en 2024 », souligne encore le rapport de l’AMF.

De l’autre côté, une réalité bien concrète qui va s’imposer en 2025 encore plus qu’avant : si elles veulent continuer à investir, les mairies doivent trouver de nouvelles sources de financement. En effet, « Près de 10 milliards d’euros de restrictions [seront] imposées aux collectivités locales », toujours d’après l’AMF. Car le gouvernement de Michel Barnier a demandé à tout le monde de se serrer la ceinture, le déficit de l’État atteignant désormais le niveau d’alerte maximal. Or, la loi de décentralisation 3DS de 2022 permet désormais aux collectivités territoriales d’installer des radars, en plus de ceux déjà prévus par le programme étatique. Si les mairies n’ont pas encore franchi le pas pour l’instant, c’est pour des raisons purement administratives. Mais ça nous pend au nez, comme vous allez le découvrir…

Un appel d’offre qui viendra de l’Ugap

Dans les faits, les mairies ne pourront pas directement se fournir en radars auprès des fabricants. Elles devront acheter leurs cinémomètres auprès de l’Ugap, la centrale d’achat de l’administration. Et pour proposer des radars aux collectivités locales, celle-ci doit d’abord lancer un appel d’offres qui détaillera point par point ce qu’elle en attend : « L’appel d’offres devrait arriver dans les six mois à venir », prévient un dirigeant de Parifex, l’une des principales sociétés fabricantes de radars en France, lors de sa conférence organisée pendant le Salon de maires. Même son de cloche auprès de Vitronic ou encore de Jenoptik, qui fournissent déjà des radars à la France : l’appel d’offres serait proche, mais personne ne sait quand il interviendra…

Les sociétés fabricantes de radars sont cependant déjà prêtes à y répondre, dans le sens où elles ne proposeront pas de radars innovants pour la fourniture des collectivités locales. Parifex promet « des produits maîtrisés, connus », selon son directeur général opérationnel, autrement dit des radars qui ne sanctionneront pas autre chose que la vitesse ou le franchissement de feu rouge. L’idée de verbaliser par contrôle automatisé le non-port de la ceinture ou encore le téléphone tenu en main, émise par l’État à l’occasion de la publication du projet de loi de finances 2025, ne devrait pas pouvoir être mise en application dès l’an prochain : « Homologuer les appareils, c’est entre 12 à 24 mois », clament en chœur les marchands de radars, qui connaissent bien leur donneur d’ordres.

Des maires qui veulent déjà passer commande

La lenteur de l’administration offre donc un court répit aux automobilistes. Mais selon Parifex et consorts, bien des maires sont déjà venus les solliciter avec l’idée précise d’installer un radar à tel ou tel endroit ! L’affaire ne pourra de toute façon pas être aussi simple : pour implanter un radar dans une collectivité locale, il conviendra de fournir une étude d’accidentalité, de recueillir un avis favorable du préfet et de la commission de la sécurité routière départementale, etc. Un formalisme que nous surveillerons de près, à la Ligue de Défense des Conducteurs.

Un dernier point reste aussi à éclaircir : quelle sera la répartition du convoité produit des amendes des radars déployés par les collectivités locales ? Rien n’indique en effet que 100 % des recettes iront dans la poche de la commune qui les a installés. Même à l’échelle locale, l’opacité de mise concernant les juteux revenus générés par les radars s’impose déjà, comme à l’échelle nationale.

Alors que ce déploiement débridé de nouveaux radars ne va pas tarder, nous vous invitons à signer notre pétition « Empêchez la prolifération des radars locaux ! », qui a déjà dépassé les 51 000 participants. Il en faudra davantage pour bloquer cette future manne pour les villes, qui auront beau jeu d’avancer des enjeux de sécurité routière pour piocher dans votre portefeuille, une fois de plus !