Alors même que les Zones à faibles émissions (ZFE) se mettent en place, le système de verbalisation n’est toujours pas prêt. Ainsi, hormis quelques opérations coup de poing menées par les forces de l’ordre, le non-respect des restrictions de circulation n’est pas sanctionné. Non pas par mansuétude : le problème c’est que la technologie ne suit pas… À la Ligue de Défense des Conducteurs nous avons plus d’infos.
Gros scoop de la Ligue de Défense des Conducteurs en fin d’année 2021, lorsque la Métropole du Grand Paris nous confirme que la verbalisation des véhicules circulant à l’intérieur de l’autoroute A86 en violation des restrictions de la Zone à faibles émissions était reportée. C’est que d’ordinaire, elle est plutôt prompte à faire du zèle en la matière, en excluant par exemple les véhicules diesel dès 2024… Nous avions donc du mal à croire au cadeau de Noël fait aux automobilistes et aux motards. En vérité, il s’agissait d’un retard pris dans la mise en œuvre du système de verbalisation, le nerf de la guerre.
Un retard qui ne semble pas près de se résorber. Au contraire, si l’on en croit les propos tenus le 29 juin 2022 lors des Rencontres Internationales des Véhicules Écologiques (RIVE) par Laurent Michel, directeur général de la Direction générale de l’Énergie et du Climat qui confirme « un retard dans la mise en œuvre » et préfère évoquer prudemment 2024 pour que le dispositif soit au point. C’est toujours ça de gagné.
Mais d’ailleurs, de quel dispositif parle-t-on ? Aucune solution technique pour assurer le contrôle sanction automatisé n’a été arrêtée. La loi LOM parle de constatation sur site par agent, de vidéoverbalisation et de contrôle automatisé. Sauf que ça ne parait pas si simple de choisir :
-La première solution est actuellement la seule qui permet de verbaliser le non-respect des restrictions de circulation puisque le « défaut de vignette lors d’un contrôle physique par exemple, que leur véhicule bénéficie ou non d’une dérogation », entraine une amende forfaitaire de 68 € pour les véhicules légers et de 135 € pour les poids lourds. Mais elle nécessite beaucoup trop de moyens humains pour être pleinement efficace.
-La deuxième ne serait d’ores et déjà plus envisagée, si l’on en croit les propos d’un responsable du Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) recueillis par Challenges (06/01/2022), car le taux d’erreur d’une caméra chargée de distinguer la présence et le type de vignette Crit’Air serait bien trop élevé. De plus, comme le fait remarquer le Sénat dans un rapport d’information discrètement publié le 24 mai 2022, la vidéo-verbalisation s'avèrerait très chronophage : un agent devrait utiliser la caméra, vérifier l'absence de vignette Crit'Air adéquate, lire la plaque d'immatriculation avant de s'assurer que le véhicule ne fait pas partie des véhicules bénéficiant d'une dérogation et, enfin, rédiger le procès-verbal.
-La troisième solution serait donc de mettre à contribution les véhicules LAPI (Lecture automatique des plaques d’immatriculation), déjà en charge du contrôle du stationnement. Le système d’attribution des vignettes Crit’Air reposant principalement sur le type de véhicule et la date de 1ère immatriculation, la lecture des plaques minéralogiques pourrait faire l’affaire. C’est bien la peine de nous faire acheter des vignettes Crit’Air si elles ne servent in fine qu’à orner nos pare-brise...
C’est cette dernière solution qui semble avoir la préférence des sénateurs si l’on en croit le même rapport d’information mentionné plus haut. La technologie LAPI permettrait effectivement de lire les plaques d'immatriculation à partir d'un algorithme de traitement d'image, puis de croiser cette information avec un fichier recensant les véhicules autorisés à circuler. Simple, non ? Eh bien pas du tout.
Car comment constituer un tel fichier ? Il faudrait une base de données où seraient pris en compte à la fois le classement Crit’Air d’un véhicule contrôlé, les différentes règles de circulation, plages horaires et dérogations, sachant qu’il n’y a aucune harmonisation entre les différentes Zones à faibles émissions à l’échelle du pays. Par exemple, en janvier 2023 un véhicule classé Crit’Air 3 sera autorisé à circuler dans la ZFE de la Métropole de Strasbourg, mais pas dans celle du Grand Paris… sauf entre 20h et 8h en semaine. Ce même véhicule pourrait bénéficier d’une dérogation à Paris, mais qu’en sera-t-il s’il se rend à Rouen, Reims ou Grenoble ? Ce genre de situation, à multiplier par le nombre de Zones à faibles émissions - elles seront 45 à terme -, a sûrement de quoi donner des maux de tête même aux meilleurs programmateurs qui seront en charge de créer ledit fichier.
En attendant, malgré nos sollicitations auprès de la Métropole du Grand Paris et de l’ANTAI (Agence nationale de traitement automatisé des infractions), pas moyen d’en savoir plus. Cela étant, soyons honnêtes, ce retard pris dans la mise en place du contrôle sanction automatisé est surtout synonyme de répit pour tous les « oubliés » de la transition écologique, qu’un budget trop serré contraint à ne pas changer de voiture. Un scandale que nous avions dénoncé l'an passé avec notre étude "ZFE, la grande cacophonie", à lire d'urgence en cliquant ici si vous ne l'avez pas encore fait.