En France, 750 000 personnes roulent sans assurance. Quasiment autant de gens conduisent sans permis. Vu les conséquences gravissimes de ces situations en cas d’accident, il est urgent de réformer une des causes des pertes de permis : la politique du tout-radar qui entraîne des retraits de points en masse.
En France, environ 750 000 véhicules ne sont pas assurés[1]. Un tel chiffre fait frémir quand on en connaît les conséquences : certes, dans un premier temps, les victimes d’un conducteur non assuré sont indemnisées par le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO). Mais ensuite, le conducteur sans assurance, qui ne peut prétendre à aucune indemnisation pour ses propres blessures, devra rembourser le FGAO des dépenses de ce dernier envers les victimes (119 millions d’euros au total en 2018)[2]. Au vu des sommes en question, le remboursement peut durer toute une vie[3]. Or en 2018, le FGAO a pris en charge 30 873 victimes d’accidents dus à des conducteurs non assurés[4]… Avec une telle occurrence, le défaut d’assurance fait courir un risque à toute la société.
En outre, environ 680 000 personnes rouleraient actuellement sans permis de conduire[5]. Le délit de défaut de permis est d’ailleurs en hausse de 0,9 % en 2017, avec 112 888 cas relevés (ONISR)[6].
Se pose alors une question : s’agit-il des mêmes personnes qui roulent sans permis ni assurance ? Un élément de réponse réside dans des estimations du Ministère de la justice, d’où il ressort que « ces infractions relatives à l’absence de permis de conduire et au défaut d’assurance se constatent fréquemment à l’occasion d’autres infractions et sont, de ce fait, souvent associées entre elles ou à d’autres infractions au sein d’une même condamnation » (ONISR)[7].
Le gouvernement, responsable de la politique de sécurité routière, doit donc sortir d’une logique financière face à ces statistiques qui traduisent la marginalisation d’une part si importante des usagers de la route : la question n’est pas seulement de trouver des ressources pour maintenir à flot le FGAO mais bien de faire en sorte que moins de gens roulent sans permis ni assurance.
Alors, par où commencer ? Certes, les causes des défauts de permis et d’assurance sont multiples et découlent de difficultés sociales profondes. Cependant un levier d’amélioration est facilement identifiable et accessible pour les autorités : il est possible d’agir sur une des causes des pertes de permis, celle qui naît de la perte successive de points. En 2017, 61 714 permis ont ainsi été invalidés pour défaut de points (ONISR)[8].
Si vous pensez que c’est impossible aujourd’hui, tellement la répression par radar est ancrée dans le paysage, détrompez-vous ! En 2010, notamment pour « restreindre les cas de conduite sans permis », un amendement du Sénat propose que, pour les infractions qui entraînent le retrait d’un seul point, le délai de récupération de ce point passe d’un an à six mois, à condition qu’aucune autre infraction n’ait été commise durant ce délai[9]. Cet amendement a été adopté et figure ainsi dans la loi LOPPSI 2 (loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure) du 14 mars 2011. C’est donc par l’action du Parlement que le délai de six mois est entré dans le Code de la route (art. L. 223-6)[10]. La Ligue de Défense des Conducteurs a soutenu de toutes ses forces ce processus législatif jusqu’à son aboutissement victorieux[11].
Or aujourd’hui, la répression routière devient écrasante, avec plus de 15 millions de points retirés en 2017, en hausse de 14,9 %[12]. La Ligue de Défense des Conducteurs a donc interrogé ses sympathisants sur leurs souhaits, face à cette situation qui semble hors de contrôle. À partir des réponses des conducteurs, l’association appelle les parlementaires à ouvrir le débat sur une légitime modification du barème des sanctions relatives aux excès de vitesse. Et elle se tient prête à soutenir de nouveau les parlementaires courageux qui déposeront une proposition de loi en ce sens.
[1]Thévenin (Laurent), « Toujours plus de victimes d’accidents causés par des conducteurs non assurés », Les Échos, 21/03/2019.
[2] Cassel (Boris) et Plichon (Odile), « Automobilistes non assurés : la facture des accidents explose », Le Parisien, 21/03/2019, page 8.
[3]Thévenin (Laurent), « Toujours plus de victimes d’accidents causés par des conducteurs non assurés », Les Échos, 21/03/2019.
[4] « Baromètre 2018 de la non-assurance routière », Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), mars 2019, page 3.
[5] La sécurité routière en France. Bilan de l’accidentalité de l’année 2017, op. cit., p. 87 (estimation).
[6] La sécurité routière en France. Bilan de l’accidentalité de l’année 2017, op. cit., p. 109.
[7] La sécurité routière en France. Bilan de l’accidentalité de l’année 2017, op. cit., p. 112.
[8] La sécurité routière en France. Bilan de l’accidentalité de l’année 2017, op. cit., p. 111.
[9] Amendement No 28 rect. ter, Projet de loi LOPPSI (1ère lecture) (no 518, 517, 480, 575), article additionnel après article 28, 7 septembre 2010, présenté par Alain Fouché et alii, Cf. http://www.senat.fr/amendements/2009-2010/518/Amdt_28.html
Voir aussi https://www.autoplus.fr/actualite/permis-points-recuperation-Senat-amendement-1430388.html
[10] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000023718484&cidTexte=LEGITEXT000006074228
[11] https://www.liguedesconducteurs.org/qui-sommes-nous/nos-victoires
[12] La sécurité routière en France. Bilan de l’accidentalité de l’année 2017, op. cit., p. 110 : 15 148 554 points retirés en 2017.