Forges, au sud de la Seine-et-Marne, son église, ses quatre cents habitants et son café, unique commerce du village. Nous sommes dans l’une des 33 000 communes de France considérées par l’Insee « peu ou très peu denses » (moins de 64 habitants au km2 ), qui rassemblent un tiers des habitants du pays . Nous y retrouvons Loïc, artisan dans le bâtiment, qui parcourt jusqu’à plus de 100 kilomètres par jour. « Ici de toute façon, pas moyen de faire sans voiture, nous raconte-til d’emblée, après les salutations d’usage. Pour emmener mon fils à l’école par exemple, il n’y a pas de service de bus, alors qu’elle est tout de même à quatre kilomètres de chez nous. Pareil pour faire les courses, le premier centre commercial est à neuf kilomètres… Sans compter que j’en ai absolument besoin pour mes déplacements professionnels. » Loïc se décrit en effet comme une sorte d’itinérant, qui doit visiter ses clients, ou encore se rendre sur des chantiers. Pour ces nombreux trajets indispensables du quotidien, notre sympathisant nous explique qu’il doit faire le plein une fois par semaine : « Ça me coûte à chaque fois entre 80 et 90 euros, avec un impact énorme sur mon budget. Mais à l’heure actuelle, franchement, vu mon kilométrage annuel, il n’existe pas vraiment d’alternatives pour remplacer mon moteur thermique. Je suis bien sûr très conscient des problèmes liés à l’environnement, mais par exemple, je ne me vois pas passer à l’électrique, vu l’autonomie des modèles d’aujourd’hui », regrettet-il. Sans compter tout le matériel que cet artisan peut avoir à transporter pour exercer son métier : « Je ne me vois pas utiliser un vélo cargo… De toute façon, mon Renault Kangoo diesel, dont je me sers tous les jours, plusieurs fois par jour, fait parfaitement l’affaire ».
Outre le carburant qui pèse sur son budget, Loïc subit bien d’autres contraintes liées à son obligation de se déplacer chaque jour en voiture et qui entravent fortement sa liberté de circuler. Il déplore notamment la fixation des pouvoirs publics sur la vitesse : « Prenez le 80 km/h, qui n’a rien changé en termes de sécurité. En revanche, mon Kangoo consomme plus, ça c’est sûr, j’en ai fait l’expérience, il y a un impact ». Pour son permis de conduire non plus, Loïc n’est pas rassuré : « Je fais partie des gros rouleurs, je pourrais perdre mes points très vite. Pour un petit kilomètre-heure au-dessus de la limitation de vitesse, je risque quand même 135 € d’amende et un point en moins sur mon permis. C’est énorme, alors que je ne mets personne en danger. » Parmi les engins en tout genre, capables de repérer le moindre mini dépassement de vitesse, il en est un qui fait sortir l’artisan de ses gonds : les voituresradars privatisées. « Je suis parfaitement d’accord avec votre association, s’énerve-t-il. Elles devraient être signalées ! Elles n’engendrent que du stress… Rien à voir avec la peur du gendarme. Toutes les voitures que je croise, je les scrute, j’essaye de repérer un signe distinctif, il y a cette angoisse qui s’est instaurée. Ce n’est pas pédagogique, ce n’est pas de la sécurité routière, pour moi je considère que c’est juste un piège. » Loïc est aujourd’hui convaincu que la politique de la répression automatisée a ses limites : « Trop de répression ce n’est pas bon, il faudrait plus jouer sur la pédagogie, quitte à faire des vrais stages de sensibilisation. Ça pourrait se faire avec les assurances, elles seraient parfaitement dans leur rôle. » L’infrastructure elle aussi passe à la moulinette : « C’est bien joli cette fixation sur la vitesse, mais quand je vois certaines routes, comme la Nationale 4 ou la N36, c’est une catastrophe, elles ne sont pas du tout entretenues et sont très accidentogènes… » En résumé, à l’approche de l’élection présidentielle, Loïc estime qu’il y a « pas mal à faire pour améliorer la sécurité routière ». Mais s’il estime que les candidats n’ont « pas de vraie politique au niveau automobile » l’artisan en est convaincu : « ça doit faire partie des programmes ! »