Effarant, le témoignage d’un chauffeur de voiture-radar « repenti », publié dans le quotidien L’Alsace, fin mars 2023. Comportements poussant les automobilistes à la faute, conditions de travail exécrables et véhicules mal entretenus… Selon l’État, ce dispositif vise à améliorer la sécurité routière. En nous montrant tout ce qu’il ne faut pas faire, ironise Alexandra Legendre, porte-parole de la Ligue de Défense des Conducteurs ?
Note : cet article a été initialement publié le 11 avril 2023 sur le site Capital.fr, où la Ligue de Défense des Conducteurs tient une tribune libre mensuelle.
« Certains chauffeurs roulent moins vite que de raison pour obliger les automobiles à doubler et à commettre un excès de vitesse ». L’ancien conducteur de voiture-radar privatisée interrogé par L’Alsace, dans un article publié fin mars, ne fait que dramatiquement confirmer les informations que les sympathisants de notre association nous ont déjà communiquées. Exemple avec David qui, depuis l’Eure-et-Loir, nous indiquait récemment qu’il « circule tous les jours sur la N10 », où les voitures-radars roulent « moins vite que le flux, donc soit on double aux limitations et on met trois heures à doubler, soit on perd des points… » Bref, ce comportement provocateur n’est pas le fait d’une seule région ou d’un seul chauffeur ! Le respect du Code de la route semble aussi régulièrement bafoué : Guy, autre sympathisant de la LDC, rapportait sur notre page Facebook sa rencontre avec une Peugeot circulant sur l’autoroute A87 entre La-Roche-sur-Yon et Cholet, « qui omet systématiquement de mettre son clignotant lorsqu’elle double. Arrivant à son niveau, je remarque que c’est une voiture banalisée avec radar embarqué. Pour info, le défaut de clignotant c’est 35 euros et 3 points ! » Voici donc ce qui arrive lorsque ce ne sont plus les forces de l’ordre qui conduisent ces véhicules, mais des chauffeurs employés par des sociétés privées…
Le témoin entendu par le quotidien alsacien en ajoute une couche, décrivant l’état déplorable des véhicules. « Les voitures-radars sont des dangers, explique-t-il. Au point qu’il m’est arrivé d’espérer me faire arrêter par les forces de l’ordre ». Le journaliste qui l’interviewe a eu accès à des photos et captures d’écran édifiantes. Il raconte : voitures avec 300 000 km au compteur, pneus lisses, plaques d’immatriculation non conformes… La liste est longue ! Ébahis, nous découvrons aussi dans l’article que les chauffeurs sont « chargés d’amener eux-mêmes les voitures chez le réparateur ».
Les conditions de travail de ces « travailleurs du radar » se révèlent par ailleurs très difficiles. Trois horaires différents dans la semaine, pouvant osciller entre 5 h 30 et 3 h du matin, ça vous bouscule l’horloge interne ! Éviter de conduire quand on est complètement épuisé, encore une consigne de la Sécurité routière dont s’affranchissent les entreprises employant ces salariés. Lesquels, pour un « salaire net de 1 833 € pour 300 à 500 km sur la route par jour », ont évidemment conscience du caractère ingrat de leur profession. Insultes, promesses d’en découdre physiquement avec des chauffeurs décrits comme des traîtres… Les autres automobilistes n’ont guère de considération pour eux ! Mi-2021, Marlène Schiappa avait publiquement reconnu ce souci devant le Sénat. L’ex-ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté, déplorait alors que « des actes malveillants à leur égard sont régulièrement constatés dans les régions concernées, prenant parfois la forme d'actes dangereux, dont certains ont donné lieu à dépôt de plainte ou de main courante. » Au point que c’est le risque encouru par ces chauffeurs qui a notamment conduit l’État à rejeter une proposition d’une soixantaine de députés que notre association avait soutenue, à savoir signaler ces voitures-radars avec un gyrophare ou tout autre moyen d’identification (tout comme on signale les radars fixes avec des panneaux positionnés en amont) : trop dangereux pour eux.
À quel moment ces véhicules qui, dans plus de neuf cas sur dix, « immortalisent » un petit dépassement de vitesse inférieur à 20 km/h (sachant que le réseau secondaire est leur terrain de chasse privilégié et qu’ils ne posent quasiment jamais leurs roues en agglomération), agissent-ils positivement sur la sécurité routière ? À la Ligue de Défense des Conducteurs, la réponse a toujours été évidente : jamais. Rappelons aussi que contrairement aux forces de l’ordre, ces salariés ne sont pas missionnés pour intervenir en cas de comportement dangereux au volant… ni de contrôler l’alcoolémie ou la prise de stupéfiants. Tout ce qu’on leur demande, c’est d’espionner leur prochain pour piéger le moindre kilomètre-heure en trop. Tout PV est bon à prendre pour remplir les caisses. Laissons en effet le témoin de L’Alsace conclure cette chronique. Croyant « œuvrer pour la sécurité routière », il avait finalement l’impression, avant de jeter l’éponge, de « participer à une politique du chiffre ». Ah bon ?
PS. Vous aussi, vous pensez ces voitures-radars privatisées n'ont pas lieu d'exister ? Regardez cette vidéo et soutenez-nous pour qu'ensemble, on obtienne leur suppression.