À la suite de notre entretien avec le maire d'Illkirch, dans le Bas-Rhin, qui organise un référendum auprès de ses concitoyens sur le thème de la Zone à faibles émissions de Strasbourg, laquelle englobe sa ville, le média spécialisé autoactu.com interroge la Ligue de Défense des Conducteurs sur les dangers sociaux qu'impliquerait une mise en place trop précipitée de ces ZFE en France. Avec son aimable autorisation (l'article étant normalement réservé aux abonnés d'Autoactu), nous reproduisons ci-dessous cet article dans son intégralité.
Alors que le sujet des ZFE reste encore très loin des préoccupations des Français, la Ligue de défense des conducteurs lance une campagne de sensibilisation de ses adhérents sur les conséquences de cette mesure dans leur quotidien. L’association a relayé hier l’initiative du maire d’Illkirch-Graffenstaden, ville intégrée à la ZFE de l’Eurométropole de Strasbourg, qui organise le 27 juin 2021 un référendum sur l’interdiction de circulation des véhicules Crit’Air 2.
Auteur : Florence Lagarde
Directrice de la rédaction et Directrice de la publication
Le 29 avril 2021
"Avec les ZFE, on touche à des droits fondamentaux. Tant que ce n’est pas dans leur quotidien, les gens ne réalisent pas ce que concrètement ils seront obligés de faire ou empêchés de faire. Le sujet deviendra concret quand les premiers PV arriveront et il sera trop tard", nous a dit Alexandra Legendre, responsable Pôle études et communication de la Ligue de défense des conducteurs.
L’association a donc décidé d’alerter ses adhérents et de soutenir "toutes les propositions sensées, visant à permettre aux Français de changer leurs véhicules et leur permettre de pouvoir continuer à circuler partout où ils le souhaitent".
Alors que 11 ZFE sont déjà prévues (*), la loi Climat votée en première lecture par l’Assemblée nationale en prévoit 35 supplémentaires soit toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants. Ce même texte prévoit un calendrier d’interdictions de circuler (a minima) au plus tard le 1er janvier 2023 pour les véhicules Crit’Air 5 (soit les Diesel Euro 2 et les non classés et Euro 1), le 1er janvier 2024 pour les Crit’Air 4 (soit les Diesel Euro 3), le 1er janvier 2025 pour les Crit’Air 3 (soit les Diesel Euro 4 et essence Euro 2 et 3).
La loi Climat n’impose pas d’interdiction pour les véhicules Crit’Air 2 qui comprennent notamment tous les véhicules Diesel immatriculés après le 1er janvier 2011 (Euro 5 et 6) et notamment ceux commercialisés actuellement.
En même temps, le texte laisse une marge de manœuvre aux élus locaux qui pourront décider d'aller plus vite que ce calendrier et plus loin. C’est le cas notamment de la mairie de Paris et de la métropole du Grand Paris qui annoncent à ce jour l’interdiction des Crit’Air 2 en janvier 2024. L’Eurométropole de Strasbourg prévoit également une interdiction des Crit’Air 2 en 2028.
Thomas Philipps (LR), maire d’Illkirch-Graffenstaden, refuse "d’être plus royalistes que le roi". "Il faut que des villes se mobilisent en alertant leurs citoyens. C’est un sujet d’importance et les gens ne mesurent pas encore tout à fait l’impact que cela aura sur leur vie quotidienne", a-t-il dit dans une interview à la Ligue de défense des conducteurs. La consultation qu’il a organisé dans sa commune montre, explique l’élu, que "84 % de [ses] concitoyens souhaitent un référendum sur le sujet",.
Celui-ci aura lieu le 27 juin, en même temps que le deuxième tour des élections départementales et régionales. Si la participation dépasse 50% la décision s’appliquera sur la commune d’Illkirch et dans l’hypothèse où le non à l’interdiction des Crit’Air 2 l’emporte, il restera possible de circuler dans la ville en véhicule Crit’Air 2 même si ce ne sera pas le cas ailleurs dans la métropole.
Pour la Ligue de défense des conducteurs, cette loi montre également les limites de la décentralisation, surtout s'agissant de la mobilité des citoyens. "Nous ne disons pas qu’il ne faut pas organiser la vie des gens pour qu’on pollue le moins possible. Mais dans ce cas pratique, ce sera une vraie cacophonie au niveau national car les interdictions ne seront pas les mêmes partout. Chaque ZFE appliquera la loi à sa manière. Ce sera illisible et incompréhensible", explique Alexandra Legendre. "A un an des présidentielles, le gouvernement ne se rend pas compte de la cocote minute qu’il est en train de mettre en place. Les gens risquent d’avoir le sentiment, un peu comme un "délit de sale gueule" d’un "délit de pauvreté" : trop pauvre pour avoir la bonne voiture pour avoir le droit de circuler", ajoute-t-elle.
A cet égard, les discussions sur le "prêt à taux zéro" lors du débat à l’Assemblée nationale ont montré que le gouvernement (qui a refusé la création d'un PTZ automobile) et sa majorité étaient peu au fait du pouvoir d’achat automobile des Français estimant que les ménages modestes pouvaient consacrer 6.000 ou 8.000 euros à l’achat automobile.
Dans la réalité, presque la moitié des véhicules d’occasion achetés par les particuliers ont plus de 10 ans soit une valeur moyenne plutôt autour de 3.000 euros. A ce prix-là, il leur sera difficile de trouver un véhicule dans les critères ZFE.
"Si tout le monde s’accorde pour convenir de réduire émissions et particules fines, le calendrier de mise au rebut des modèles les plus polluants doit être calculé en fonction de la capacité des Français à les remplacer", estime l’association.
(*) Les 11 premières ZFE sont Lyon, Grenoble, Métropole du Grand Paris et Paris (dans une démarche volontaire) et Aix-Marseille-Provence, Nice-Côte d’Azur, Toulon-Provence-Méditerranée, Toulouse, Montpellier-Méditerranée, Strasbourg et Rouen-Normandie (créées par décret en septembre 2020). La loi Climat votée en première lecture par l'Assemblée en prévoit 35 supplémentaires avec les agglomérations de plus de 150.000 habitants.