110 km/h sur autoroute : les Français sont pour, vraiment ?

Si nous sommes prêts à renoncer au 130 km/h sur autoroute, c’est uniquement pour faire des économies de carburant, recadre Alexandra Legendre, porte-parole de la Ligue de Défense des Conducteurs.

Note : cet article a été initialement publié le 8 juillet 2022 sur le site Capital.fr, où la Ligue de Défense des Conducteurs tient une tribune libre bimensuelle.

Chapeau ! L’association “Agir pour l’environnement”, commanditaire du sondage IFOP sur la réduction de la vitesse à 110 km/h sur l’autoroute, mériterait un Trophée de la communication. En tronquant une partie de la question qui a réellement été posée aux personnes interrogées pour présenter les résultats de son enquête, ce collectif est parvenu à un admirable bourrage de crâne, complaisamment relayé par une foultitude de médias : il paraîtrait donc que 63 % des Français seraient désormais favorables à l’abaissement de la vitesse limite sur autoroute.

Sauf que la question complète, c’était : “Vous personnellement, seriez-vous prêt à réduire votre vitesse sur l'autoroute à 110 km/h, spécifiquement dans le but de réaliser des économies de carburant ?” Une précision qui change tout, en cette période de flambée des prix du carburant et de pouvoir d’achat en berne. Mais qui relève aussi du truisme : bien sûr que si on cherche à moins engloutir d’argent dans l’essence ou le gazole, la solution c’est de rouler moins vite.

C’est comme ça avec l’énergie (continuons à enfoncer les portes ouvertes) : en réduire la consommation, c’est faire des économies ! Ça vaut aussi pour le chauffage qu’on baisse à la maison ou la lumière qu’on éteint derrière soi. L’ennui, c’est qu’en titrant sur le fait que plus de 6 Français sur 10 ont suffisamment de jugeote pour comprendre qu’en conduisant sa voiture à 110 km/h au lieu de 130, on dépense moins à la pompe, les retombées médiatiques se seraient comptées sur les doigts d’une main. Alors que là, le résultat dépasse certainement les espérances des commanditaires du sondage.

C’est aussi une démarche extrêmement maligne, puisqu’elle installe dans nos esprits une supposée acceptation du 110 km/h sur autoroute. Voilà qui prépare le terrain à un gouvernement dont la patronne, Elisabeth Borne, s’est déclarée favorable à cette réduction de la vitesse à titre personnel. Son boss à elle, Emmanuel Macron, échaudé par les Gilets jaunes vent debout contre le 80 km/h, avait de son côté écarté cette proposition émise par la Convention citoyenne pour le climat, voilà deux ans.

Mais, avec la guerre en Ukraine et la crise énergétique en toile de fond, incitant à la sobriété, sans oublier la pression de l’Europe pro-abaissement des limitations (dont l’Allemagne, de son côté, n’a que faire, puisqu’elle vient de confirmer qu’elle ne reviendrait pas sur la vitesse libre sur les deux tiers de ses autoroutes), la tentation est grande de remettre le sujet sur le tapis.

"La sécurité routière sera la grande perdante"

Notre association n’est pas là pour défendre les intérêts des concessionnaires d’autoroutes. En revanche, ceux des conducteurs, si. Or, au 110 sur autoroute, nous identifions trois problèmes majeurs les concernant directement. D’abord, la tentation justifiée de ne plus payer de péage pour rouler au ralenti, et tant pis si le réseau autoroutier est cinq fois plus sûr qu’ailleurs. La sécurité routière sera donc la grande perdante, puisqu’automobilistes et motards se retrancheront sur les routes secondaires, où les accidents sont beaucoup plus fréquents.

Autre risque non négligeable, la somnolence au volant, première cause de mortalité sur autoroute, qui ne manquera d’être exacerbée à 110 km/h. Enfin, la menace planant sur les points de permis de conduire, qui s’envoleront encore plus vite à 110 qu’à 130. Juste pour rappel, huit des dix radars les plus flasheurs de France sont situés sur autoroute. Ne resterait plus qu’à installer des palanquées de cabines sur ce réseau pour toucher le jackpot !

Le micro-bénéfice environnemental à l’échelle de la planète associé à l’abaissement de la limitation de vitesse (0,01 % d’émissions de CO2 en moins, selon nos estimations) apparaît bien falot comparé aux risques qu’une telle décision provoquerait sur notre quotidien de conducteurs.

Face au sondage biaisé qui nous est présenté, la Ligue de Défense des Conducteurs oppose, elle, 200.000 signataires de notre pétition “Non à l’abaissement de la vitesse sur autoroute”. Derrière chacune d’entre elles, un opposant bien réel au 110 km/h… et ce n’est qu’un début. N’hésitez pas à la signer !

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