Une étude portant sur l’évolution de l’insécurité routière en Haute-Saône révèle que les tronçons de routes départementales n’ont jamais été aussi sûrs que depuis qu’ils sont à nouveau limités à 90 km/h. Ou comment prouver par A+B que le passage à 80 km/h n’a strictement aucune influence sur la sécurité routière, n’en déplaise aux « scientifiques » mandatés du Cerema.
Édouard Philippe restera dans l’histoire comme le tout premier Premier ministre du président Macron, mais aussi comme l’homme qui a imposé, en 2018, les 80 km/h maxi sur les routes nationales dénuées de séparation centrale. S’il revient aux historiens de juger si le maire du Havre a marqué Matignon de son empreinte, d’autres se sont récemment attelés à tirer les leçons de sa brillante idée de baisser la vitesse à 80 km/h ; et pour le coup, l’étude n’émane pas d’un cabinet privé, mais bel et bien de la Direction des services techniques et des transports du département de la Haute-Saône, qui a rédigé son rapport à l’intention du président du conseil départemental. Lequel rapport, trois ans après l’analyse objective et factuelle de notre association (« Dans 49 % des départements, la mortalité routière a stagné ou augmenté après l’instauration du 80 km/h »), arrive à un constat comparable concernant l’inefficacité de la mesure pour lutter contre l’insécurité routière.
Les conclusions de la Haute-Saône, dont pourtant moins de 500 kilomètres sont repassés à 90 km/h, soit 13 % du réseau (pour connaître la situation dans les départements qui vous intéressent, cliquez sur ce lien vers notre Observatoire du 90 versus 80), sont en effet sans ambigüité : « On constate que durant les 15 premiers mois où la VMA* à 90 km/h a été instaurée, l'accidentalité n'a pas augmenté, mais qu'au contraire, elle a diminué alors que les vitesses pratiquées restent sensiblement les mêmes », explique le rapport. « Depuis le relèvement de la VMA à 90 km/h, le taux moyen des accidents a diminué de 29,8 % », est-il même encore précisé. Tronçon par tronçon, l’étude apporte des chiffres tout à fait concrets : par exemple, sur la D10, le nombre moyen d’accidents était de 0,75 par an lorsqu’elle était limitée à 80 km/h. Depuis le passage à 90 km/h, ce taux est de 0,67. Même constat pour la D438D, la D919, etc. : « On observe une baisse significative de la moyenne des accidents par année, sur la période d'abaissement de la VMA à 80 km/h, puis sur les 18 mois où la VMA est repassée à 90 km/h », continue le rapport, qui avoue que ce taux moyen annuel de baisse des accidents était de 20 % lorsque la vitesse était limitée à 80 km/h, puis de 11 % depuis le retour à 90 km/h. La preuve qu’il est plus sûr de rouler moins vite ? Pas du tout. Les auteurs de l’étude n’oublient pas de faire remarquer que les années de Covid et de confinement ont eu un impact exceptionnellement bénéfique lorsqu’il s’est agi de mesurer l’accidentalité des tronçons de route limités à 80 km/h !
Alcool et mauvais comportements, comme toujours
Les services techniques et des transports de la Haute-Saône n’affirment pas pour autant que plus de vitesse engendre plus de sécurité. Leur analyse est bien plus fine que cela : « On peut en déduire que le relèvement de la VMA à 90 km/h n'a, en moyenne, pas eu d'impact sur le nombre d'accidents, sauf sur les RD 417, RD 486, RD 619, RD 70 et RD 9, impactées, notamment, par des problèmes comportementaux (alcool, stupéfiants, vitesse…) », précise encore l’étude. Sur les 14 accidents étudiés de près depuis que la vitesse est repassée à 90 km/h, seuls deux sont attribués au motif « vitesse », sachant que l’un des deux comporte aussi une alcoolémie positive.
Il est toutefois un domaine où la limitation à 80 km/h a été extrêmement efficace. Au jeu de « qui prendra le plus de PV », les Haut-Saônois ont été gâtés. Sur la RD 438D par exemple, au niveau de la commune d’Héricourt, le radar enregistrait une moyenne mensuelle de 450 infractions lorsque la vitesse était limitée à 80 km/h. Après remontée de la vitesse maximale, ce même radar a flashé seulement 71 fois par mois ! Sur la RD 474, dans la commune de Villers-Chemin-et-Mont-lès-Étrelles, la moyenne mensuelle des flashs est ainsi passée de 1 086 à 475 lorsque la vitesse a été relevée ! « On constate un nombre très élevé d'infractions de moins de 20 km/h, lorsque la VMA est de 80 km/h et une réduction considérable (- 41,5 %) de ces mêmes infractions avec la VMA à 90 km/h », souligne encore l’étude.
Mauvaise foi
En juillet 2020, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) avait publié un rapport commandé par le gouvernement où il était indiqué que 349 tués avaient été évités sur les routes en vingt mois grâce à l’abaissement de la vitesse maximale sur les routes nationales dépourvues de séparateur central. Résultats qu’à la Ligue de Défense des Conducteurs, nous avions aussitôt contestés. D’abord parce que l’étude d’accidentologie ne concernait pas uniquement des voies passées de 90 à 80 km/h, mais quasiment l’ensemble des réseaux pour des problèmes de « données disponibles », mais aussi parce qu’y étaient compilées des informations sur des accidents n'ayant aucun rapport avec la baisse de la limitation de vitesse (état des routes, alcool, etc.). Cette nouvelle étude du département de la Haute-Saône nous donne, une fois de plus, raison.
*VMA = vitesse maximale autorisée