Parmi les mesures entrées en vigueur en janvier dernier, l’une d’entre elles, passée relativement inaperçue, fait pourtant froid dans le dos. En 2021, le contrôleur électronique de vitesse, qui détermine en permanence la vitesse du véhicule et son emplacement exact, entrera en action. Pour l’heure imposé aux conducteurs sous le coup d’une suspension de permis, suite à un excès de vitesse de plus de 40 km/h, cette mesure constitue néanmoins un premier pas des plus inquiétants vers un contrôle permanent de l’ensemble des conducteurs.
Parmi les 18 mesures sur la sécurité routière annoncées le 9 janvier 2018, la huitième prévoit de « donner la possibilité à un conducteur contrôlé en excès de vitesse de plus de 40 km/h et faisant l’objet d’une suspension de permis de continuer à conduire, à condition de ne conduire qu’un véhicule équipé d’un contrôleur électronique de vitesse. » Dans un flot de mesures répressives, celle-ci paraît, sur le papier, aujourd’hui inoffensive ; le Premier ministre semble même y faire une fleur aux conducteurs : à première vue, on dirait qu’il lance une bouée de sauvetage aux auteurs d’importants excès de vitesse. Mais la réalité à long terme de cette mesure risque d’être tout autre.
Un « bracelet électronique » pour les conducteurs
Pour mémoire, un excès de vitesse de plus de 40 km/h peut entraîner jusqu’à trois ans de suspension de permis. En pareil cas, le conducteur aux abois peut donc, de prime abord, voir d’un bon œil tout dispositif qui lui permette de conduire encore. Mais l’usage du contrôleur électronique de vitesse se révèle un vrai « bracelet électronique du conducteur ».
En effet, cet appareil collecte, en permanence, trois types de données : la vitesse effective du véhicule, la localisation de celui-ci et la vitesse maximale autorisée sur la route en question. En cas de contrôle par les forces de l’ordre, ces données du véhicule sont ainsi utilisables immédiatement pour sanctionner le conducteur : au moindre excès de vitesse relevé, le permis sera suspendu ou retiré. Concrètement, dès le lendemain, le conducteur ne pourra plus conduire. Et la contrainte ne s’arrête pas là : que le conducteur soit dans son véhicule personnel ou dans un véhicule de location ou simplement prêté, il devra être muni de son contrôleur électronique de vitesse ; sinon, ce sera la même sanction : retour à la case piéton ! Oui, même s’il n’a commis aucun excès de vitesse. Vu sous cet angle, le contrôleur de vitesse prend tout de suite des airs de faux ami.
Un premier pas vers le contrôle permanent de tous les conducteurs
Pour l’heure, le contrôleur de vitesse est réservé aux conducteurs sous le coup d’une suspension, après un dépassement des limitations de plus de 40 km/h. Mais qu’en serait-t-il demain, si le contrôleur électronique de vitesse venait à être étendu à des excès de vitesse moins importants ou si, de fil en aiguille, il était un jour installé de série sur tous les véhicules ?
De quoi instaurer une véritable laisse électronique pour l’ensemble des conducteurs, surveillés en permanence durant le moindre de leur déplacement, comme dans le pire scénario d’un « 1984 » ou d’un épisode de « Black Mirror »... pourtant à portée de main technologique, et maintenant, législative, avec cette première introduction discrète.
Si vous pensez que pareil risque est peu vraisemblable, rappelez-vous que le contrôleur électronique de vitesse n’est pas le premier projet d’utilisation des données du véhicule à des fins de sanction du conducteur : en mai 2016, les députés avaient inséré dans le projet de loi de modernisation de la justice du XXIème siècle un amendement qui prévoyait d’autoriser les forces de l’ordre à accéder à l’ensemble des données embarquées des véhicules. Pour rechercher et constater une infraction, les autorités auraient donc pu donc se brancher sur votre ordinateur de bord pour vous sanctionner directement.
Face à ce projet liberticide de contrôle permanent des conducteurs, notre mobilisation rapide et les 294 561 signatures à notre pétition « Non au contrôle permanent des conducteurs » ont permis d’empêcher le pire : le 29 juin, les députés de la Commission des Lois ont modifié le texte. Les autorités pourront seulement contrôler que les pièces ou le véhicule lui-même n’ont pas été volés ou recelés. Le 12 juillet 2016, c’est cette nouvelle rédaction de l’amendement qui est adoptée par les députés. Si le champ d’application a été restreint, ce qui nous protège pour le moment du contrôle a posteriori, l’épée de Damoclès pèse toujours au-dessus de nos têtes.
La Ligue de Défense des Conducteurs reste donc mobilisée pour empêcher que demain le législateur ne décide d’élargir le champ d’application d’un tel dispositif de contrôle pour le transformer en outil de surveillance permanente de l’ensemble des conducteurs.