Deux milliards d’euros : c’est la somme astronomique que les amendes routières ont rapportée à l’État en 2023. Principaux contributeurs, sans surprise, les radars automatiques. La Cour des Comptes, qui a fait ses calculs, s’interroge sur la contribution effective de ce magot à la politique de sécurité routière, tout en dénonçant l’opacité grandissante qui règne autour du partage de cet appétissant gâteau. À croire que l’honorable institution a calqué ses doutes sur ceux de la Ligue de Défense des Conducteurs.
Aux oubliettes, les années noires des Gilets jaunes ou du Covid. L’État peut retrouver le sourire : les 2,08 milliards d’euros engrangés grâce aux amendes routières en 2023 constituent un record historique, en hausse de 10,8 % par rapport à l’année précédente !
Ce jackpot, initialement destiné aux seules actions de sécurité routière et constitué d’un côté par les amendes radars non majorées (747 millions €) et de l’autre par les amendes majorées et hors radars (1 329 millions €), attise bien des convoitises. La preuve, avant même qu’il atterrisse sur le Compte d’affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » censé dispatcher les recettes, il se trouve d’emblée amputé de 15 % par l’État pour financer le fonds d’investissement pour la santé, l’agence de financement des infrastructures de transport (tiens, un peu d’argent pour les routes… mais pas que, puisque le train, les voies navigables et autres programmes de protection du littoral piochent aussi dans cette bourse-là) et, enfin… le budget général. Hop, 282 millions d’euros envolés. Le pillage ne s’arrête pas là. Sur les 1,79 milliard d’euros bel et bien affectés à ce fameux CAS, l’État continue de se servir généreusement : 691 millions sont consacrés à son désendettement… Il ne reste déjà plus que 53 % des 2,08 milliards initiaux pour, enfin, pleinement, se consacrer à la sécurité routière.
Enfin, sur le papier. Parce que ce n’est évidemment pas le cas. Continuons à étudier le partage du gâteau : 366 millions d’euros filent directement dans la case « radars » (achat, entretien, déploiement, Agence nationale du traitement des infractions…), auxquels on peut ajouter 26 millions pour le développement du PV électronique. Les collectivités, elles, se répartissent 646 millions d’euros, destinés à contribuer à « l’équipement en transports en commun » et à la « sécurité routière ». Sauf que dans les faits, ces recettes sont « enregistrées dans la section investissement du budget des collectivités », souligne la Cour des Comptes. Laquelle regrette que « ces crédits qui ne représentent d’un très faible pourcentage des dépenses d’infrastructure routière des départements sont globalisés sur des opérations d’infrastructure dont le lien avec la sécurité routière n’est ni démontré, ni contrôlé ».
C’est imparable : selon le calcul que nous avons réalisé, à la Ligue de Défense des Conducteurs, ce serait donc plutôt 10 % des recettes initiales qui seraient consacrées, pour de vrai, à la sécurité routière. Quelle vaste blague !
Cinglante, la Cour des Comptes déplore, une fois de plus, que « les nombreux documents budgétaires ne permettent pas de retracer de manière lisible et suffisamment détaillée l’usage des crédits issus des amendes au sein d’une politique transversale « Sécurité routière ». Problème : chaque année, l’État répond à la Cour des Comptes par un silence assourdissant… Espérons, au contraire, que ces éclaircissements vous donneront envie, à vous chers sympathisants, de vous exprimer en nous faisant connaître votre opinion sur le sujet ! Lequel vous motive particulièrement, si l’on en croit vos plus de 100 000 signatures récoltées l’automne dernier par notre pétition « Plus un euro pour les radars »…
À noter qu’après une analyse attentive, le Compte d’affectation spéciale ne permet pas de garantir une transparence totale sur la répartition des amendes routières, avec 65 millions d’euros dont l'utilisation reste non tracée.