Le Conseil d’État confirme qu'en implantant des ralentisseurs illégaux, les élus engagent leur responsabilité pénale

Paris, le 23 avril 2025Le recours de l’association Pour Une Mobilité Sereine et Durable, soutenu par la Ligue de Défense des Conducteurs et portant sur l’impact des ralentisseurs sur la pollution atmosphérique, les risques d’accidents et l’absence de mise en œuvre effective de la destruction des ralentisseurs non conformes, vient d’être rejeté par le Conseil d’État… à un énorme détail près. En effet, ce dernier confirme implicitement que les dispositifs en question ne sont pas conformes au décret n°94-447 de 1994 régissant leur implantation. Concrètement, cela signifie que les responsables d’infrastructures routières – en résumé, les élus – s’exposent désormais à une mise en cause de leur responsabilité civile et pénale en cas d’accident.

Le guide de la discorde, c’est ainsi que l’on aurait pu intituler le catalogue de recommandations « Coussins et plateaux », non réglementaire et non normatif, publié en 2010 par le CEREMA (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, ex-CERTU). C’est à cause de lui qu’à partir de cette date, des centaines de milliers de ralentisseurs ont poussé sur nos routes, s’affranchissant allégrement du décret 94-447 du 27 mai 1994, qui limite très strictement l’implantation de ces dispositifs et ce, pour une bonne raison : l’amélioration de la sécurité routière. Malin ce guide : en évitant soigneusement d’utiliser l’adjectif « trapézoïdal » (autrement dit, qui a la forme d’un trapèze), qui caractérise pourtant la forme des ralentisseurs, au profit de « coussin berlinois », « plateau ralentisseur », « plateau surélevé », « plateau traversant »…, il surfe habilement autour du décret et passe entre les gouttes de la réglementation depuis de trop nombreuses années.

Le retour à la réalité pour les responsables d’infrastructures routières, élus et fonctionnaires, se fait aujourd’hui. Paradoxalement, à la suite du rejet tout récent par le Conseil d’État du recours de l’association Pour Une Mobilité Sereine et Durable (PUMSD), qui portait sur la pollution atmosphérique, les risques d’accidents et l’absence de mise en œuvre effective de la destruction des ralentisseurs non conformes dans le département du Var. C’est sur ce dernier point qu’il faut se concentrer : la plus haute juridiction administrative n’a pas remis en cause le caractère « non conforme » des ralentisseurs concernés. Lequel avait été reconnu par la Cour administrative d’appel de Marseille le 30 avril 2024 dans le cadre d’un arrêt qui, depuis, fait jurisprudence avec un effet rétroactif sur trente ans…

Pour faire court, il résulte de ce « silence assourdissant » du Conseil d’État que les gestionnaires de voirie ne peuvent plus justifier l’implantation de ralentisseurs, sous quel que nom que ce soit (plateaux ralentisseurs, plateaux traversants, plateaux surélevés, dos d’ânes, coussins berlinois, coussins lyonnais, etc.), sur la base du guide du CEREMA. Autre conséquence, ces responsables s’exposent à une mise en cause de leur responsabilité civile et pénale en cas de sinistre ou d’accident, au titre de la mise en danger délibérée d’autrui par personne dépositaire de l’autorité publique, avec circonstances aggravantes.

Par ailleurs, la responsabilité des entreprises de travaux publics peut elle aussi être engagée lorsque, en tant que professionnels sachants, elles ont exécuté des travaux manifestement contraires aux prescriptions légales, sans exercer leur devoir de conseil ni leur obligation, en tel cas, de refus. Dès lors, le coût de suppression ou de remise en conformité des infrastructures illégales, estimé entre 5 et 7 milliards d’euros, ne saurait peser uniquement sur les finances publiques. Les collectivités disposent d’un délai de dix ans à compter de la réception des travaux pour engager la responsabilité des entreprises concernées. 

« À l’issue de cette très longue procédure, il ressort enfin que l’on ne peut plus s’affranchir des conditions d’implantation des ralentisseurs, gage de sécurité pour tous les usagers de la route, se félicite Thierry Modolo-Dominati, porte-parole de PUMSD. La jurisprudence est donc désormais opposable. Il s’agit d’un signal fort adressé à tous les élus, qui pourraient se retrouver poursuivis en cas d’accidents liés à ces aménagements. J’attire d’ailleurs leur attention sur le fait que cette jurisprudence a déjà été invoquée dans plusieurs contentieux. Notamment par le Tribunal administratif de Toulon, dans sa condamnation du Conseil départemental du Var le 11 juillet 2024, et par le Tribunal administratif de Grenoble, dans la condamnation de la commune dAllinges en Savoie, le 14 août 2024. »

« Ce combat contre les ralentisseurs illégaux, nos deux associations le mènent depuis des années, conclut Nathalie Troussard, secrétaire générale de la Ligue de Défense des Conducteurs. Malheureusement, la norme Afnor NF P 98-300 relative aux caractéristiques géométriques de construction des ralentisseurs, à laquelle le décret 94-447 se réfère sans la décrire en détail, ne constitue pas un élément opposable aux ralentisseurs illégaux. Mais cette jurisprudence, si ! Alors savourons cette décision qui met fin au grand n’importe quoi, régissant depuis trop longtemps l’implantation de ces dispositifs. Gageons que les entreprises de travaux publics seront plus attentives, elles aussi, à l’application de ce décret malmené depuis trop longtemps. »

Nos deux associations, Pour Une Mobilité Sereine et Durable et la Ligue de Défense des Conducteurs, sont parfaitement conscientes de la problématique qui se pose en particulier aux maires, dont la principale préoccupation en matière de sécurité routière consiste à faire ralentir les véhicules dans les rues des villes. Mais attention : en faisant fi des conditions d’implantation, très clairement définies dans ce fameux décret 94-447 de 1994, mais mises à mal depuis 2010 par le CEREMA, ces gestionnaires de voiries – élus ou fonctionnaires – s’exposent désormais à une mise en cause de leur responsabilité civile et pénale en cas de sinistre ou d’accident.

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