La mise en place d’un moratoire sur les Zones à faibles émissions, que la Ligue de Défense des Conducteurs, demande depuis d’un an, n’a jamais semblé aussi urgente. Notre association n’a cessé de vulgariser et de faire connaitre ce dispositif, qui interdira, à terme, l’accès aux 45 plus grandes agglomérations françaises aux véhicules jugés les plus polluants. Surtout, nous avons immédiatement identifié la potentielle casse sociale que ces zones de restrictions de la circulation pourraient engendrer quand les premiers PV tomberont. L’heure est désormais à la prise de conscience, aussi bien parmi les candidats à l’élection présidentielle que parmi les médias. Il était temps !
« Les Zones à faibles émissions, vont-elles survivre à la campagne présidentielle ? » C’est par cette interrogation que le journal Le Monde ouvrait un article sur le sujet le 22 mars 2022. Signe que le dispositif, créé par la loi d’orientation des mobilités de 2019 (LOM) puis accentué par la loi Climat-Résilience de 2021, s’est enfin invité dans le débat public, tout en étant remis en cause par certains candidats. L’enjeu est de taille : selon une étude de l’institut CSA menée fin mars 2022[1], 79% des véhicules amenés à circuler dans les Zones à faibles émissions (ZFE) n’ont pas droit à la vignette Crit’Air les y autorisant. Pour rappel, celles-ci sont numérotées de 1 à 5, 1 étant le niveau le moins polluant. Le classement Crit’Air comprend aussi une vignette spécifique aux véhicules électriques et une « non-classé » pour les plus anciens.
En janvier et février 2022, il s’est vendu davantage de voitures d’occasion de plus de 15 ans que de voitures neuves
Or en 2021, plus de 15 millions de véhicules Crit'Air 3, 4, 5, et non classés circulaient en France, et, toujours selon l’étude CSA, 36 % de leurs propriétaires, qui seront les premiers à être exclus des ZFE, affirment qu’ils n’ont pas le moindre euro à consacrer à une nouvelle voiture mieux classée. En cause, un pouvoir d’achat en berne, qui n’a augmenté que de 8 % entre 2006 et 2020 quand, dans le même temps, le prix des voitures neuves s’envolait de 36 %.
Difficile donc de demander aux Français d’investir dans des véhicules 100 % électriques qui coûtent entre 25 à 60 % de plus que leur équivalent thermique. Selon les constructeurs, cette disparité ne s’effacera pas avant 2026 au mieux, plus probablement d’ici la fin de la décennie. Surtout quand on sait que durant les deux premiers mois de 2022, il s’est vendu davantage de voitures d’occasion de plus de 15 ans que de voitures neuves.
Les ZFE remises en cause, à droite comme à gauche
Alors que la campagne présidentielle bat son plein, certains candidats semblent enfin avoir pris conscience de l’enjeu des ZFE. Lors de leur journée d’audition face à la filière automobile, à laquelle nous assistions, ou lors de nos rendez-vous avec les équipes des candidats, notre équipe a constaté que nombreux sont ceux, à droite comme à gauche, à s’être attaqués à ce dispositif. Ils rejoignent ainsi certains de nos constats, exposés dans notre étude du mois de juin 2021, intitulée « ZFE : la grande cacophonie ».
C’est donc Xavier Bertrand, représentant Valérie Pécresse (LR), qui craint, tout comme nous, que la mise en place de ces « ZFE et l’interdiction du diesel nous mènent vers une crise des gilets jaunes puissance 10 », arguant que « les calendriers sont intenables pour une partie de nos concitoyens ».
Jacques Baudrier, membre de l’équipe de Fabien Roussel (PCF), nous a quant à lui expliqué lors d’un entretien qu’il était d’accord avec notre proposition de moratoire, craignant que l’actuel dispositif mène à une situation « insupportable et invraisemblable ». Jean-Philippe Tanguy, conseiller de Marine Le Pen (RN), assure pour sa part que cette dernière « supprimera immédiatement les ZFE ». Enfin, Éric Coquerel, l’émissaire de Jean-Luc Mélenchon (LFI), plaide pour leur suppression « dans leur forme actuelle ».
À la Ligue de Défense des Conducteurs, nous prenons acte de cette prise de conscience, qui arrive pourtant bien tard. Nous n’avons pourtant cessé d’alerter sur les risques sociaux, économiques et politiques que les Zones à faibles émissions, véritable machine à écarter des grandes villes les Français aux budgets les plus serrés vont engendrer : assignation à résidence, aggravation de la fracture sociale ou encore dégradation de la liberté de se déplacer. En plus de notre étude mentionnée ci-dessus, notre association a lancé une vaste campagne d’information et de sensibilisation sur les Zones à faibles émissions auprès de nos plus de 1 million de sympathisants, débouchant sur une pétition intitulée « Pour un moratoire sur les ZFE, zones de restriction massive de circulation », signée par plus de 80 000 personnes et adressée directement au chef du gouvernement.
La Ligue de Défense des Conducteurs a rempli son rôle de vigie et permis de pallier le manque de communication des pouvoirs publics sur les ZFE, qui toucheront pourtant des millions de Français d’ici 2025 et, particulièrement, les ménages les plus modestes. Le chemin est encore long et on ne saurait crier victoire trop tôt, mais l’urgence à reporter les ZFE, que nous avions perçue dès le début, semble enfin être prise en compte par certains responsables politiques. Il était temps, et à l’approche de l’élection présidentielle, la question se pose donc de savoir si les ZFE vont lui survivre. Réponse d’ici quelques mois.
[1] Pour retrouver l’intégralité de l’étude CSA : https://csa.eu/news/barometre-des-zones-a-faibles-emissions/