Le 8 juin 2022, 339 eurodéputés ont voté pour la fin du moteur thermique en Europe en 2035. 249 ont voté contre, 24 se sont abstenus. Ces 339 députés ont décidé d’une partie de votre vie sans avoir manifestement sérieusement étudié le problème, ni les conséquences de l’orientation radicale qu’ils veulent imposer.
L’Europe a tranché : à partir de 2035, les voitures neuves vendues sur notre continent devront toutes être totalement électriques. Cette décision va impliquer de très lourdes contraintes, pour les usagers comme pour l’industrie et l’économie… pour un résultat totalement dérisoire. Un simple calcul permet en effet d’évaluer l’impact de cette mesure au niveau de la planète, aucun autre continent n’ayant prévu, pour l’heure, une mesure aussi radicale. Seule la Chine l’évoque, mais sans précision et, par ailleurs, rappelons que ce pays est une dictature.
Notre démonstration ne prend pas en compte tous les paramètres certes, mais elle ne cherche pas non plus à trancher en défaveur des modèles électriques. Voyez plutôt : 12 % des émissions de CO2 étant engendrées par les voitures particulières en Europe, et le marché automobile européen représentant environ 18 % du marché mondial, la mesure concerne donc 18 % de 12 % des émissions mondiales de CO2, soit 2,16 %. Une vingtaine d’années étant nécessaire au parc pour se renouveler entièrement et une voiture électrique n’étant écologiquement plus “vertueuse” qu’une voiture thermique qu’à partir de 50 à 70 000 kilomètres (sa fabrication étant plus polluante), soit environ cinq ans d’utilisation, il faut donc partir de l’année 2035 visée par l’Europe, y ajouter ces cinq ans puis vingt ans, pour estimer que l’on aura, en 2060 donc, baissé de 2,16 % les émissions de CO2 au niveau mondial. Cela signifie que chaque année, la réduction au niveau planétaire sera de l’ordre de 0,11 %, dont 0,015 % de contribution de la France. Avec ça c’est certain, la planète est sauvée ! Certes, on pourra dire que c’est déjà ça. Mais au prix de quels sacrifices et de quelles contraintes ?
Un marché électrique artificiel car sous perfusion
Il faut ici évoquer le peu d’intérêt que portent les clients d’automobiles à l’électrique : pour l’heure, malgré l’esprit euphorique de certains, peu aptes à savoir analyser les chiffres de ventes, la voiture électrique est un bide. Elle représente cette année en France, 12 % des immatriculations. Ce qui signifie que 88 % des ventes sont encore effectuées par des non-électriques. Le chemin est long ! En outre, ces 12 % sont obtenus artificiellement : 6 000 € de prime gouvernementale pour les voitures de moins de 45 000 € c’est, comme on dit, incitatif ! Et le réseau pousse aussi à la consommation. Car les constructeurs sont lourdement sanctionnés par l’Europe s’ils n’atteignent pas leurs objectifs d’émissions de CO2. Du coup, les vendeurs ont l’obligation d’inciter à l’achat de voitures électriques, sous peine de voir leurs primes sauter. Voici qui booste les chiffres, et probablement pas qu’un peu. Aucun sondage n’a permis d’évaluer combien de personnes, qui ont payé leur Renault Zoé 26 100 € avec l’aide de l’État, auraient quand même effectué leur achat à 32 100 €, c’est-à-dire plus cher qu’un Arkana, le dernier SUV en vogue de la marque. Il est probable que, sans ces aides, le marché s’en tiendrait à une poignée de pour cent. 3 % ? 5 % Sans doute pas davantage. Sur tous les marchés du monde en tout cas, la part des électriques est directement liée aux incitations financières : lorsqu’il n’y a aucune aide, il n’y a pas de marché. L’État n’ose d’ailleurs déjà pas réduire cette prime, ne serait-ce que de 6 000 à 5 000 €… Pourtant donc, malgré ces aides, le marché plafonne depuis plusieurs mois à 12 %, alors que l’offre est en pleine expansion : pratiquement tous les constructeurs s’y étant mis, on trouve des petites voitures, des familiales, des SUV de toutes tailles et des voitures de luxe.
Le piège se referme sur les consommateurs
Voici donc qu’aujourd’hui, l’Europe décide que l’énorme majorité des gens qui ne sont pas convaincus par l’électrique, ou qui n’ont pas de raison d’y passer (à ce jour, le manque de polyvalence de ces modèles peut être inadapté à certaines utilisations, sans compter le nombre toujours faible de points de recharge rapide), devront le faire. Obligatoirement, autoritairement. À partir de 2035, interdiction totale d’acheter une voiture thermique ! Sur les autres continents, ce sera possible, mais pas en Europe. Certes, on peut imaginer qu’à l’horizon 2035, les voitures électriques auront davantage d’autonomie, pourront être rechargées plus rapidement, coûteront moins cher et qu’il y aura des bornes partout. Simples suppositions, qui ne reposent sur aucune vérité technique, sans aucune certitude que tous ces paramètres soient effectivement améliorés notablement d’ici à cette échéance. En outre, même si les coûts de fabrication parviennent à baisser, il est évident qu’à partir du moment où il n’y aura plus que de l’électrique à vendre, l’État n’aura plus à maintenir d’aide financière. Voilà qui assure, au final, des prix de vente plutôt à la hausse qu’à la baisse.
Un autre problème, et non des moindres, est de devenir dépendant d’une seule énergie, l’électricité. C’est, stratégiquement et économiquement, un véritable piège, qui se refermera à terme sur les consommateurs. Rappelons déjà que, chaque hiver, on nous menace de pénurie d’électricité dès le moindre coup de froid. Que se passera-t-il lorsqu’entre 18 heures et 20 heures, trente millions de voitures seront mises à recharger au moment même où des millions de foyers allumeront leur chauffage et leurs appareils électro-ménagers ? Pour augmenter la production d’électricité, on peut certes développer l’éolien, qui n’est pas anodin non plus écologiquement parlant (des masses d’oiseaux migrateurs s’y font broyer par les pales géantes et bruyantes auprès desquelles il est difficile d’habiter), ou les panneaux solaires (il y a des vallées entières en Chine recouvertes de panneaux photovoltaïques, c’est magnifique !) et bien sûr, développer le nucléaire. Petit rappel ici concernant l’EPR de Flamanville, la supposée Rolls-Royce des centrales nucléaires : celle-ci accuse retard de livraison de onze ans, avec un coût porté de 3,3 à 12,7 milliards… pour le moment.
Taxes et pénuries à venir
Ce qui est triste, navrant même, c’est que, grâce à l’offre élargie des voitures électriques et alors qu’on aurait aussi pu développer intelligemment les modèles fonctionnant au gaz (il est presque impossible de faire le plein de gaz naturel en France), on était justement parvenu à ne plus dépendre que du pétrole, ni d’une énergie en particulier. Ce qui constituait un vrai progrès. Les automobilistes seront à terme à la merci des hausses du prix de l’électricité, sans plus aucune solution alternative. Et cela aura bien sûr aussi une incidence sur la facture de leur consommation domestique, qu’ils aient ou non une voiture. Aujourd’hui, l’État ramasse plus de 40 milliards d’euros par an grâce aux taxes sur le carburant. Il ne pourra pas se payer le luxe de s’en passer. Il faudra bien reporter ces taxes et vous pouvez ainsi être assuré qu’un jour, et sans doute pas si lointain, le prix du kilomètre parcouru sera au moins aussi cher en voiture électrique qu’il ne l’est actuellement avec une voiture thermique. On ne peut pas non plus estimer à ce jour le ravage que cela entraînera sur l’économie des marchés automobiles. Mais il est certain que sur les 88 % de personnes qui, aujourd’hui, n’achètent pas d’électrique, une partie (peut-être non négligeable) conservera le plus longtemps possible son modèle essence ou diesel, entrainant une chute des ventes de voitures neuves. Cette obligation du tout électrique ne prend pas non plus en compte l’éventuelle pénurie de matériaux dont l’exploitation va exploser. Carlos Tavares, le patron de Stellantis (Peugeot, Citroën, Opel, Fiat, Jeep…) évoque pourtant, déjà, un problème d’extraction de lithium dès… 2024 !
Les Chinois nous disent merci !
Les constructeurs chinois profitent en tout cas de l’aubaine : grâce à la volonté d’aider les voitures électriques, ceux-ci, dont les moteurs thermiques ne sont pas aux normes européennes, trouvent ici une belle porte d’entrée. MG, Aiways ou encore Link & Co n’auraient pas posé leurs roues en France sans les aides de l’État. Même le best-seller actuel du marché électrique français, la Dacia Spring, est fabriquée en Chine…
On peut désormais espérer que, lorsque les différents pays européens verront le carnage sur leurs marchés automobiles, cette loi absurde soit modifiée, éventuellement reportée, et s’ouvre au moins aux modèles hybrides. Il faudra bien, à un moment donné, que l’on fasse un peu appel au bon sens, pour ne pas dépendre du diktat de 339 eurodéputés qui ne pensent pas plus loin que le bout de leur bureau.