Dans le cadre des Assises nationales de l’automobile, organisées par Ouest France avec l’Automobile-club de l’Ouest début novembre 2021, la Ligue de Défense des Conducteurs a pu poser trois questions à Pierre Guignot, directeur de la division automobile de Honda en France. Clients hésitants, hybrides non subventionnés s’ils ne sont pas rechargeables, réglementations confuses : si notre quotidien de conducteur n’est pas facile en pleine transition écologique, celui de vendeur ne l’est pas forcément plus !
LDC : En tant que directeur de la division automobile de Honda en France, vous êtes directement concerné par la révolution en cours : nouvelles consignes de consommation boostant la vente de véhicules électriques ou hybrides, « bashing » de la voiture… Comment vos acheteurs vivent-ils cette drôle d’époque ?
Pierre Guignot : Une enquête que nous avons diligentée au début de cette année révèle que 85 % des conducteurs français sont préoccupés par le changement climatique… mais qu’il existe un gros décalage entre les ambitions écologiques et leurs actes d’acquisition. Par exemple, plus de la moitié des 1 000 personnes interrogées pensent que leur prochaine voiture sera hybride, mais 69 % considèrent qu’elles et ils ne maîtrisent pas assez le sujet pour franchir le pas. Une des explications de cette hésitation, c’est la profusion des informations, qui aboutit à une véritable saturation. Avant, décider d’acheter une voiture essence ou diesel, c’était rassurant. On avait déjà eu l’une ou l’autre avant, on savait où on allait. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La conséquence, c’est que nous perdons des acheteurs. Ils préfèrent garder leur véhicule.
Selon vous, quel est le risque de ce basculement vers l’électrification à marche forcée ?
Là où on fait une erreur terrible, c’est de passer si brutalement du couple essence-diesel au tout-électrique [note de la LDC : le big boss japonais de Honda a annoncé la fin des motorisations thermiques d’ici à 2040, ce qui donne effectivement plus de marge que chez d’autres constructeurs]. On manque pourtant de recul sur tout ce que ça implique : changement des packs de batterie, recyclage, etc. Avec la technologie hybride, la transition serait plus douce… les véhicules, eux, sont plus abordables. Or, les incitations pour acheter des hybrides en France se limitent aux seuls véhicules rechargeables de moins de 50 000 €, à condition qu’ils puissent rouler au moins 50 kilomètres en tout électrique. La subvention est alors de 1 000 €. Mais rien pour les hybrides non rechargeables. Or, que je sache, ces véhicules contiennent encore un réservoir et l’État est toujours heureux d’encaisser les taxes sur le carburant. De toute façon, chez Honda, on ne critique aucune technologie : notre priorité reste avant tout de répondre aux attentes des clients.
À votre sens, comment aider les conducteurs ?
Des actions concrètes ne seraient pas très compliquées, comme statuer sur des règles communes. Prenons les vignettes Crit’Air : leur graduation de 1 à 5 a été réalisée à l’échelle française, pas européenne… Résultat, ce n’est pas parce que la vignette de votre voiture est tolérée à Paris ou Lyon qu’elle est acceptée à Bruxelles ! C’est un comble. Là où on manque de visibilité aussi, c’est pour le marché de l’occasion. Un véhicule dont le carburant n’a plus bonne presse, que devient sa valeur ? Je ne suis pas là pour renier le progrès, mais ce que nous vivons aujourd’hui, ce n’est pas une transition, c’est une rupture.