Xavier Bertrand, Président de la Région Hauts-de-France depuis décembre 2015, est un responsable politique sensible à la place de la voiture et à l’importance du permis de conduire dans la vie quotidienne des conducteurs. À l’échelle de sa région, il a mis en place des mesures pour aider le pouvoir d’achat des habitants qui utilisent leur voiture pour aller travailler. Entretien avec Xavier Bertrand.
Xavier Bertrand, Président de la Région des Hauts-de-France
- Dans votre région des Hauts-de-France, vous avez mis en place l’opération « En route pour l’emploi ». Pour deux euros par jour, des personnes peuvent utiliser un véhicule prélevé sur les surplus du parc de la Région pour se rendre à leur travail. Cette pratique pourrait-elle être généralisée à l’ensemble du territoire malgré les positions hostiles de nombreux élus sur la voiture ?
« En route pour l’emploi » part d’un constat que l’on ne peut accepter : près d’un Français sur 4 a déjà refusé un travail pour des raisons de mobilité. Dans les Hauts-de-France, nous avons fait de l’emploi le fil conducteur de notre action. Nous avons mis en place une aide au transport de 20€ par mois pour les personnes qui font plus de 30km avec leur voiture pour se rendre au travail. Nous avons aussi lancé « En route pour l’emploi » en février 2017 : la Région met à disposition des personnes qui retrouvent un travail une voiture du parc automobile de la Région pour 2€ par jour pendant la période d’essai. Nous avons mis 30 voitures à disposition pour commencer. Avec Toyota, qui est aujourd’hui partenaire de la Région, nous amplifions l’opération pour aider davantage de demandeurs. Ce sont des solutions de bons sens pour que les personnes qui veulent travailler puissent réaliser leur projet.
- Avez-vous d’autres priorités pour l’automobile dans votre région ?
Avec la fusion des Régions (Nord-Pas-de-Calais et Picardie), nous avons voulu la même taxe sur la carte grise des voitures pour atteindre le tarif de 33 € pour l’ensemble des conducteurs en 2021. Nous serons donc la région la moins chère avec la Corse pour la carte grise. Nous voulons aussi aider les jeunes dans le financement du permis de conduire. Aujourd’hui, le financement reste un obstacle important pour de nombreuses familles de la Région. Des jeunes ne peuvent pas accepter un apprentissage, une alternance, parce qu’ils n’ont pas le permis. A partir de 2018, la Région les aidera en ce sens, concrètement et massivement.
- À la suite de votre élection, vous aviez annoncé plusieurs projets concernant les infrastructures routières de votre région. Quelles solutions avez-vous pour préserver, entretenir et moderniser le réseau routier des Hauts-de-France malgré la baisse continue des subventions de l’État et compte tenu du retrait par l’Etat, lors des Assises de la mobilité, de l’enveloppe de 450 millions d’euros prévue ?
Les routes ne sont pas de la compétence directe de la Région. En revanche, j’ai bien conscience de l‘importance de la voiture dans la mobilité du quotidien. C’est pour cela qu’il faut davantage penser à son utilisation intelligente. La Région a mis en place une plateforme web de covoiturage, Pass Pass, (www.passpasscovoiturage.fr), qui permet à chacun de proposer des trajets. Nous participons également au financement de pôles d’échange multimodal pour permettre de se garer facilement pour emprunter un bus ou un train pour se rendre au travail. La clef, c’est de simplifier le quotidien : si elles sont faciles et pratiques, si elles répondent bien à leurs besoins, les gens utiliseront de plus en plus les nouvelles solutions que nous mettons à leur disposition.
- Vous avez déclaré que vous êtes une région « pro-automobile », qu’est-ce que ça veut dire ?
Ca veut dire que les Hauts-de-France sont la première région pour l’industrie automobile et que nous entendons le rester ! C’est pourquoi, nous mobilisons des fonds importants, qui se comptent en millions d’euros, pour moderniser les sites industriels de notre région, PSA, Toyota, Renault, et rester compétitifs. Derrière ces entreprises, ce sont des milliers emplois, et des familles. Par ailleurs, je n’oublie pas l’importance de tous les sous-traitants qui font la force de la filière industrielle. Quelle soit autonome, connectée, ou plus propre, je crois à l’avenir de l’automobile.
- Le nombre de zones à circulation restreinte se multiplie sur le territoire français. Dans votre région, Lille est concernée puisqu’il faut désormais une vignette Crit’air pour y circuler. En tant qu’élu et pour ne pas pénaliser les conducteurs qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler, pourriez-vous soutenir des alternatives comme la mise en œuvre de filtres à particules, d’aspirateurs à particules issues du freinage ou encore de freins à induction électromagnétique ?
La pollution de l’air est un problème et cela a été une vraie prise de conscience lors du dernier pic de pollution dans notre région. Néanmoins, je suis conscient que nous ne devons pas pénaliser ceux qui n’ont que leur voiture pour aller travailler. Je pense aux habitants de zones rurales, qui n’ont pas accès aux transports en commun. Si nous soutenons autant l’industrie automobile dans notre région, c’est pour qu’elle réponde aussi aux défis écologiques du 21ème siècle. C’est la gamme hybride de Toyota produite à Onnaing dans notre région. Je crois aussi beaucoup au potentiel de la voiture à hydrogène. Notre rôle est d’accompagner cette modernisation. Par ailleurs, nous nous battons pour le projet du Canal Seine Nord qui est aussi une réponse écologique au problème : 13 000 poids lourds circulent sur l’autoroute A1 quotidiennement. Le canal permettra le passage de péniches transportant l’équivalent de 200 camions qui passent sur cette route.
- Depuis trois ans, les chiffres de la mortalité routière sont en hausse. Pourtant, dans les accidents mortels, 37 % des causes ne sont pas élucidées. Les programmes « Enquêtes comprendre pour agir » permettent de mieux comprendre les raisons d’un accident et d’en identifier les différents facteurs. Pourtant, elles sont de moins en moins actives. En votre qualité de Président de région, pourriez-vous impulser la mise en place systématique de ces enquêtes qui sont désormais pilotées par les collectivités territoriales ?
Je souhaite qu’avec l’Etat et les collectivités qui gèrent les routes, nous puissions mettre en lumière les points les plus accidentogènes dans la région : c’est sur cela que nous devons d’abord concentrer nos efforts avec, bien sur, la formation.
- En 2010, vous aviez soutenu un amendement qui a été adopté et qui réduisait le délai de récupération d’un point à six mois au lieu d’un an. 96 % des excès de vitesse représentant de petits dépassements, seriez-vous favorable à la suppression de la double peine (amende et retrait de points) pour des petits dépassements commis hors agglomération ?
J’avais soutenu cet amendement car des personnes sont dépendantes de leur voiture, tous les jours, pour aller au travail. C’est pour cela que la Région a mis en place des aides directes pour les accompagner. Pour certains, la voiture est considérée comme un outil de travail. Un tel délai peut avoir des conséquences dramatiques pour ces personnes. Je suis aussi favorable à ce qu’on puisse ouvrir le débat sur la pénalisation des petits dépassements hors agglomération.
- Quelle serait, selon vous, une bonne politique de sécurité routière ?
Au delà de ce qui a déjà été fait, les marges de progrès se trouvent dans la pédagogie, la formation, ainsi que la réalisation de travaux pour résorber les points noirs les plus accidentogènes.