Attaquer les SUV est un sport électoralement dangereux, estime Alexandra Legendre, porte-parole de la Ligue de Défense des Conducteurs. Car c’est oublier que ces véhicules sont plébiscités par des millions de Français.
Note : cet article a été initialement publié le 28 septembre 2021 sur le site Capital.fr, où la Ligue de Défense des Conducteurs tient une tribune libre bimensuelle.
Ceux à qui les SUV posent problème seraient sans doute incapables de donner la définition de cette catégorie de voitures. Et pour cause, il s’agit d’une appellation fourre-tout dans laquelle on range toutes les automobiles un tant soit peu rehaussées. On y trouve en effet d’authentiques « Sport Utility Vehicles » (Porsche Cayenne, BMW X5, Renault Kadjar…), descendants directs des tout-terrain d’antan, dont la fonction de « franchisseurs » a été plus ou moins délaissée au profit d’une vocation routière et familiale. Leurs racines remontent aux années 1960 aux États-Unis et aux années 1970 en Europe, même si le Mercedes ML de 1997 est en réalité considéré comme le vrai point de départ de la vague SUV. Cette année-là, la désignation américaine est officiellement intronisée et n’a jamais été traduite en français, comme l’avait été « minivan » dans les années 1980, en devenant « monospace ».
Une appellation surexploitée pour mieux vendre
Mais aujourd’hui, la catégorie des SUV accueille aussi des modèles bien moins imposants, dont les plus populaires en France sont les Renault Captur, Peugeot 2008 et autres Citroën C3 Aircross. En tout cas, c’est dans cette famille que les départements marketing de ces marques ont souhaité intégrer ces véhicules, histoire de surfer sur cette fameuse vague. Voici donc ces citadines, juste un peu plus hautes et typées que leurs jumelles plus consensuelles (Clio, 208, C3), tout aussi conspuées qu’un Audi Q7 ou un BMW X7, alors qu’elles mesurent à peine plus de 4,20 mètres de long.
Le pire, c’est que les SUV d’aujourd’hui remplissent les mêmes fonctions familiales que les monospaces d’hier… et partagent, grosso modo, la même habitabilité et des valeurs aérodynamiques proches. Vous souvenez-vous pour autant avoir entendu une voix s’élever contre eux à l’époque, quand les Scénic et Picasso étaient au faîte de leur popularité ? Sûrement pas.
Reste le poids. Certes, plus un engin est volumineux, plus il risque d’être lourd. Mais remontons à la source de l’engouement pour les SUV. Chez Peugeot par exemple, ceux qui achetaient autrefois des berlines familiales (406, 407, 508…), catégorie en pleine déliquescence (3 % des ventes de voitures neuves en 2020), s’en sont détournés au profit du SUV maison, le 3008… lequel appartient à la gamme inférieure et dont le poids est comparable à celui d’une 508. Avant de crier « haro sur les SUV », leurs détracteurs seraient avisés de réaliser une analyse de l’évolution du marché automobile, leur point de vue serait éclairé et leurs propos apparaîtraient moins caricaturaux.
Des arguments qui manquent de poids
Lorsque Sandrine Rousseau, candidate à la primaire de l’écologie en vue de l’élection présidentielle, lance son appel au boycott des SUV, « inutiles dans une société de transformation écologique », parce que « on ne peut pas se déplacer avec 1,5 tonne de fer et les consommations énergétiques qui vont avec », elle affiche un dogmatisme qui ne résiste pas, là non plus, à une analyse un peu poussée. Outre les équipements de sécurité et de confort dont personne ne souhaiterait se passer de nos jours (ABS, ESP, clim’…) mais qui ont bel et bien alourdi les voitures, rappelons que les motorisations les moins émettrices de CO2 sont aussi les plus lourdes. Ainsi, lorsqu’un Captur à motorisation thermique pèse 1 182 kg ou un Volkswagen T-Roc 1 294 kg, la petite Zoé 100 % électrique accuse, elle, 1 502 kg sur la balance et l’ID.3, sa concurrente allemande, 1 697 kg. La variante hybride rechargeable du Peugeot 3008, elle, pèse 40 % de plus qu’une version essence standard.
Balayer d’un revers de main la catégorie des SUV,
c’est procéder à un raccourci
caricatural et peu expert
Quant aux émissions de CO2, soulignons simplement que le nouveau Renault Arkana, dans sa version essence 140 TCe, émet 131 grammes de CO2 par km. C’est 10 g de moins que le Scénic équivalent, et pas un gramme de plus que la berline compacte Mégane. De son côté, l’énorme 4 x 4 américain Ford Explorer hybride rechargeable, avec ses 5,05 m de long, émet 71 g de CO2/km. C’est près de 40 % de moins qu’une Twingo à moteur thermique !
Balayer d’un revers de main la catégorie des SUV, par ailleurs plébiscitée par les acheteurs – ces véhicules comptent pour 40 % des ventes de voitures neuves –, c’est procéder à un raccourci caricatural et peu expert. Mais nous ne sommes pas dupes : l’idée, pour les politiciens les plus acharnés, est surtout de faire le buzz. Dommage qu’on n’entende pas autant les gens sérieux qui travaillent, derrière, à détricoter leurs fake news.