Plus d’un an après son inauguration, l'autoroute A79, soi-disant une révolution avec son péage à flux libre, se trouve sous les projecteurs pour des raisons peu glorieuses, provoquant une vague de colère chez des milliers de conducteurs. Entre erreurs de compréhension, impayés et complexité du système, l'A79 n’est pas au point.
Reliant Montmarault (Allier) à Digoin (Saône-et-Loire), cette première autoroute à péage sans barrière, vantée comme une révolution, est aujourd'hui au cœur d'une controverse grandissante. Au-delà du gouffre financier (2,2 milliards d’euros pour 92 kilomètres, soit près de 24 millions d’euros le kilomètre) le système de péage à flux libre révèle des failles inquiétantes. En un an, près de 180 000 impayés enregistrés témoignent des difficultés rencontrées par les usagers : ce n’est pas qu’ils refusent de s’acquitter du péage, ils n’ont simplement pas compris qu’il fallait payer ! L’absence de portail de télépéage laisse en effet à penser que ce tronçon est gratuit… sauf que pas du tout.
Complexité du processus de paiement, manque de communication, toutes les conditions sont réunies pour que cette ambiguïté s’installe. « Le paiement du péage en soi ne pose pas de problème, témoigne l’un de nos sympathisants sur la page Facebook de la LDC. Cependant, l'absence totale d'informations concernant le concept de péage flux libre crée une confusion. Qu'est-ce que cela implique exactement ? Aucune explication n'est fournie au moment de l'utilisation de la route ou lors du paiement. Cette situation est regrettable. » Si, pour les détenteurs d’un badge de télépéage, l’opération se révèle « transparente » – leur compte sera automatiquement prélevé des 90 centimes d’euro que coûte ce trajet – et si, pour les habitants résidant autour de l’autoroute, l’information a été assimilée, il en va différemment pour les usagers qui s’engagent sur l’A79 pour la première fois.
Certes, un panneau expérimental (ci-contre) a été conçu pour l’occasion, mais il est peu clair si on n’a jamais entendu parler de « flux libre ». Encore moins lorsqu’on roule à plus de 100 km/h. Les critiques pointent également du doigt le manque de signalisation en amont, laissant les conducteurs peu avertis dans l'incertitude. Comment comprendre que pour payer, il faut s’arrêter sur une aire de repos et donc, perdre bien plus de temps qu’à une barrière de péage ? On peut aussi s’acquitter de la somme a posteriori, en créant un compte sur le site internet du concessionnaire (Aliae). Mais encore une fois, uniquement si on a compris qu’il faut passer à la caisse… Or, en cas de non-paiement dans les 72 heures, les usagers, dont les coordonnées auront été retrouvées grâce au scan de leur plaque d’immatriculation sur le tronçon, risquent une amende de 90 euros, en plus du montant du péage ! Cette somme peut grimper jusqu'à 375 euros en l'absence de règlement sous 60 jours.
Face au mécontentement dont témoignent les médias ou les pages consacrées au sujet sur les forums, le concessionnaire se retranche derrière des chiffres, affirmant que le taux d'impayés reste minime par rapport aux millions de trajets enregistrés. La Ligue de Défense des Conducteurs souligne toutefois la nécessité d'une signalétique plus visible et plus compréhensible, afin d'éviter ces trop nombreux désagréments. Si l’idée à l’origine de ce concept est de fluidifier le trafic (si on avait l’esprit mal tourné, on pourrait penser qu’il s’agit aussi d’économiser sur les barrières de péage et les employés), il serait pertinent de le déployer avec davantage de transparence.
Alors que le prix des péages en France vient d’enfler de 3 % en moyenne depuis le 1er février 2024 (sachant que le gel tarifaire imposé par l’État en 2015 a pris fin en 2023), plusieurs sociétés d’autoroutes ont annoncé leur volonté de développer le « flux libre » (notamment l’A13 et l’A14 sur le trajet Paris-Normandie, dès juin 2024). Conception d’un panneau de signalisation clair, mais surtout information des usagers, devraient en l’occurrence constituer un préalable obligatoire.