Permis de conduire et seniors : les vrais chiffres de l’accidentologie

La Commission transports du Parlement européen vient d’approuver le projet de suspension automatique du permis de conduire tous les 15 ans, avec des formalités médicales obligatoires pour pouvoir le récupérer. Dans son viseur, les « seniors », qui seraient autant de dangers au volant. À la Ligue de Défense des Conducteurs, on a donc décidé de publier les vrais chiffres de l’accidentologie des plus de 75 ans. Il est temps de remettre les pendules à l’heure.

Trente ans après le permis à points, voici bientôt le permis périssable ! C’est en tout cas le chemin que prend l’Union européenne, dont les députés de la Commission transport viennent d’approuver, à une voix près (22 voix pour, 21 contre et 2 abstentions), le projet de suspension automatique du permis de conduire tous les quinze ans... Pour le récupérer, il faudra passer par la case visite médicale.

Cette loi, qui menace d’être adoptée en séance plénière au Parlement européen le 5 février 2024 (selon nos sources), nous y voyons surtout une façon de compliquer la vie des seniors. D'autant qu'à partir de 65 ans, la fréquence des renouvellements pourrait s’accélérer et passer à dix ans, voire cinq ans, selon le bon vouloir de chaque gouvernement.

Le financement de cette mesure, qui sera plus que probablement pris en charge par l’État, représentera autant d’argent qui ne sera pas mis au service de la sécurité routière... dont les chiffres montrent, justement, que les conducteurs les plus âgés provoquent infiniment moins d’accidents graves que les jeunes dans l’Hexagone.

Le faux procès des seniors

Parlons responsabilité, donc. Car c’est bien là que résident les plus grands malentendus. Selon l’ONISR (Observatoire national interministériel de la Sécurité routière), si un conducteur de 75 ans et plus est impliqué dans un accident mortel, il en est responsable dans 81 % des cas. Mais, car il y a un mais d’importance, ces mêmes plus de 75 ans et plus ne causent que 9 % des accidents mortels. À titre de triste comparaison, lorsqu’ils sont à leur tour impliqués dans un accident mortel, les 18-24 ans en sont responsables à 80 %, eux aussi… En revanche, ils causent 19 % de ces accidents. Deux fois plus !

En résumé, les promoteurs des dispositions « anti-vieux » communiquent volontiers sur leur part de responsabilité dès lors qu’ils sont impliqués dans un accident mortel, sans préciser de manière claire que, en volume, le nombre d’accidents ainsi causés est le plus faible de tous.

Un autre chiffre interroge également. Ce même observatoire a constaté que les accidents mortels, toutes catégories confondues (de 2020 à 2022), sont dus à un malaise dans 27 % des cas pour les 75 ans et plus (et même 31 % pour les 65-74 ans). Or, comment peut-on prévoir qu’une personne, qu’elle soit âgée ou non d’ailleurs, pourra être victime d’un malaise à l’heure H et au lieu L d’un accident mortel ? Quelle visite médicale, la plus approfondie soit-elle, pourra le déceler ?

Certes, nous n’allons pas nier qu’à mesure que l’âge avance, la vision, l’audition ou les réflexes peuvent se dégrader. Mais au-delà d’une nouvelle liberté individuelle bafouée, au-delà de l’aspect humiliant de ce type de mesure, cette « date de péremption » du permis de conduire s’assimile à la péremption de l’automobiliste lui-même. Or, décider de continuer à conduire ou non appartient indiscutablement à la personne concernée et à sa famille, pas à l’État ! Surtout, ne plus pouvoir conduire sa propre voiture représente un premier pas vers la dépendance.

Ainsi, la loi en cours d'adoption s'apprête à priver, arbitrairement, des personnes n'ayant commis aucune faute et faisant même partie de la population provoquant le moins d'accidents mortels, de leur droit de circuler en voiture, moyen de transport qui leur est généralement indispensable. Inacceptable.

Même si Clément Beaune, ministre des Transports, s’est prononcé, plutôt qu’une visite médicale, en faveur d’une dérogation qui permettrait aux Français en phase de renouvellement de permis de procéder à une auto-évaluation de sa santé (attendons de voir ce que les assureurs en penseront…), il n’en reste pas moins que le Parlement européen s’apprête à voter cette loi.

 

Nous avons encore quelques semaines pour contre-attaquer. Votre signature à notre pétition « Non à la suspension automatique du permis de conduire tous les 15 ans » (déjà près de 300 000 signataires), notamment, pèsera lourd. N’hésitez plus ! Avec votre soutien, la Ligue de Défense des Conducteurs sera plus forte.