Enfin, un coup de projecteur sur les premiers facteurs responsables d’accident sur autoroute ! Et devinez quoi : il s’agit de la somnolence et de la distraction au volant… et non pas de la vitesse, comme aime à le marteler le gouvernement. Un constat réalisé par l’Observatoire des experts de la mobilité MAP, lors d’un atelier sur le thème « Somnolence et distraction au volant », auquel la Ligue de Défense des Conducteurs s’est rendue.
Au volant, nous avons tous connu ce petit coup de fatigue qui nous fait cligner des yeux, ou cette tentation de regarder le SMS qui vient d’apparaître sur notre smartphone… Le drame, c’est que sur autoroute, somnolence et distraction sont responsables de près de 40 % des accidents mortels, contre 14 % pour la vitesse1. Un comble, quand on sait que les autoroutes sont 5 fois plus sûres que les autres voies de circulation ! 70 % des Français utilisent même leur téléphone en conduisant2, alors que, selon la Sécurité routière, une conversation téléphonique multiplierait le risque d’accident par 3, voire par… 23, lors de la lecture d’un SMS. Ces comportements dangereux engendreraient des manœuvres à risques : 21 % des poids lourds débordent sur la bande d’arrêt d’urgence suite à des épisodes de somnolence ou de distraction. Ainsi, chaque semaine, en moyenne, 2 véhicules d'intervention sont heurtés sur le réseau autoroutier et 58 % des accidents sur le personnel en intervention sur autoroute sont dus à l'inattention des conducteurs : il est temps, pour le gouvernement, d’arrêter de s’acharner sur la vitesse et de faire de la prévention à propos de la distraction et de la somnolence au volant !
Auto-contrôle
Ne nous voilons pas la face, le smartphone est devenu un prolongement de nous-même. On parle même aujourd’hui de nomophobie, cette phobie liée à la peur d’être séparé de son portable. Laurent Karila, psychiatre, souligne notre « hyperconnexion », quand Thierry Tricard, sociologue des comportements, se désole de voir combien les conducteurs sont de moins en moins connectés à la conduite…
Cette dépendance extrême nous mène à une schizophrénie encouragée par l’Etat, qui verbalise les conducteurs surpris avec le téléphone à la main ou portant à l’oreille un dispositif audio de type écouteurs, oreillette ou casque. Mais pas ceux qui téléphonent via un dispositif intégré au véhicule…
Comment, par des mesures simples, réduire les risques et améliorer sa sécurité et celle des autres sur autoroute ? Par exemple, mettre son smartphone en mode « avion » ou « conduite », désactiver les notifications, sonneries et autres alertes ou, plus radicalement, le ranger dans un endroit inaccessible. Prévoir des pauses lors du trajet, pour consulter ses messages et téléphoner à l’arrêt. Avec un double effet bénéfique, puisqu’on en profite pour se relaxer et se reposer !
La somnolence au volant, elle, se détecte aisément : rigidité de la nuque, mouvements de paupières lents, tête lourde… Les recommandations sont connues, mais il ne faut pas hésiter à les répéter : bien se reposer avant de prendre la route, éviter les créneaux horaires propices à la survenue d’un accident mortel dû à la somnolence (4h-8h et 14h-16h d’après l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière), faire une pause de 20 minutes toutes les deux heures et faire une pause dès que la vigilance faiblit.
Mal manger, une cause méconnue d’hypovigilance
Frédéric Saldmann, médecin cardiologue et nutritionniste, auteur de nombreux best-sellers consacrés à l’hygiène de vie, a abordé un sujet méconnu lors de cet atelier : l’importance de l’alimentation et de l’hydratation, avant et au cours du trajet. Ses propos sont appuyés par les recherches menées sur des « cobayes » ayant soit jeûné, soit avalé 500 calories, soit 1 500 calories, avant de prendre le volant. Les résultats sont sans appel : « Un repas trop copieux engendre de la somnolence, augmente les distances de freinage et diminue la vigilance, certifie-t-il. Tout le contraire d’un jeûne ! Lorsqu’on conduit, je recommande par ailleurs de proscrire l’usage de boissons énergisantes ou d’aliments trop sucrés ou trop gras, car ils engendrent eux aussi un risque de somnolence. Enfin, le manque d’hydratation génère de la somnolence. Prévoyez toujours de l’eau pour les longs trajets ! »
La répression routière s’acharne sur la vitesse
Cet atelier très édifiant est une parfaite occasion pour rappeler que la vitesse n’est que le sixième facteur responsable d’accident mortel sur autoroute, loin derrière, donc, ces problèmes de distraction et de somnolence au volant. Ce qui n’empêche pas le gouvernement de mener sa politique répressive avec le déploiement massif de nouveaux radars toujours plus perfectionnés. Derniers en date, les radars tourelles ! Pour intensifier le déploiement de ces machines redoutables, le gouvernement a même décidé d’y consacrer un budget de 190 millions d’euros dans son Projet de loi de finances pour 2020…
Forcément, à la différence de la somnolence ou de la distraction, l’excès de vitesse est mesurable, facile à sanctionner et il rapporte ! Rappelons qu’après avoir analysé les rapports de l’Observatoire interministériel de la sécurité routière et en épluché les localisations géographiques des radars, la Ligue de Défense des Conducteurs s’est aperçue que les radars les plus flasheurs sont situés sur le réseau autoroutier, réseau où la mortalité routière est la plus faible, et où la vitesse est loin d’être le premier facteur responsable d’accident mortel.
Et la formation alors ?
Même la lieutenante-colonelle Maddy Scheurer, porte-parole de la Gendarmerie Nationale, présente à cet atelier, concède : « Au-delà de la sanction, il faut faire de la prévention ». Un avis partagé par le député de la Sarthe Damien Pichereau, qui insiste lui aussi : « Il faut faire de la prévention, éduquer, former dès le plus jeune âge ».
Du pain bénit pour la Ligue de Défense des Conducteurs, qui a toujours milité pour une conduite responsable. Nous attendons que le gouvernement mette un terme à sa politique de répression de la vitesse à outrance et lance, enfin, un plan massif de formation et de prévention des comportements dangereux.
Pour en savoir plus
La technique au service du conducteur
De nombreuses start-up et spécialistes de la mobilité travaillent sur la réduction des risques de somnolence au volant. Le système français Toucango propose ainsi d’installer une jolie petite caméra sur le tableau de bord, couplée à un système d’analyse faciale, qui détecte la somnolence et renvoie des feedbacks au conducteur pour l’alerter si son niveau de somnolence devient trop sévère (www.toucango.com). Les lunettes connectées, avec leur multitude de capteurs qui mesurent également le degré de somnolence du conducteur, sont d’ores et déjà au point (à partir de 289 €). À partir du relevé des différentes données physiologiques disponibles, les lunettes renseignent le conducteur sur son état de somnolence (www.ellcie-healthy.com).
1 ASFA, Chiffres clés accidents mortels sur autoroutes concédées, 2018.
2 AXA Prévention, 15 ans de comportements dangereux sur la route, pas vu, pas pris. Comment les Français jouent avec leur vie et celle des autres ?, juin 2019.