Il y a un an, notre association se lançait dans un grand Tour de France à la rencontre de ses sympathisants. À l’approche de l’élection présidentielle de 2022, nous avions recueilli leur avis sur la répression routière, l’état des routes, la formation à la conduite, la fiscalité, la transition écologique… Depuis, sur fond de réélection d’Emmanuel Macron, de guerre en Ukraine, d’envolée de l’inflation et des prix des carburants, la politique anti-voiture demeure omniprésente. Nous avons recontacté quatre de nos grands témoins, un an après notre première rencontre, pour connaître l’impact des événements de 2022 sur leur quotidien d’automobiliste et/ou de motard. Véronique est l'une d'entre eux. Cette retraitée qui réside non loin de la Zone à faibles émissions (ZFE) de Grenoble s'inquiète qu'une "grande majorité de véhicules vont se retrouver interdits de circuler".
Politique & automobile
Jugez-vous satisfaisante la place qu’a eue l’automobile dans les débats de la campagne présidentielle ?
Pas du tout. Personne n’en a parlé, mis à part quelques-uns. Ce n’est pas un sujet qui a été traité, ça ne doit pas être dans l’air du temps, ça ne plait pas aux écolos…
Trouvez-vous que la posture anti-voiture des politiques s’est encore renforcée ces douze derniers mois ? Si oui, comment le vivez-vous depuis notre rencontre ?
Ah oui ! On supprime des voies de circulation, des places de stationnement, on allonge le temps de parcours des automobilistes qui n’ont pas le choix, qui n’ont pas de transports en commun, qui ne peuvent pas se déplacer à vélo ou en trottinette. Oui, vraiment ça s’est accentué, c’est de pire en pire. La semaine dernière j’ai gardé mon petit-fils. Il n’habite pas loin. Avant il me fallait un quart d’heure pour aller le chercher, aujourd’hui il me faut une heure, voire une heure et demie. Il y a une volonté affichée d’emmerder ceux qui ont besoin de leur voiture. Or on n’a pas de report possible, c’est insupportable. Je suis à la retraite mais je plains les gens qui vivent ça au quotidien, il y a de quoi devenir dingue.
Répression & radars
Qu’avez-vous ressenti lorsque, suite à une question de la Ligue de Défense des Conducteurs, le ministère de l’Intérieur a révélé que 58 % des PV entrainant un retrait de point concernaient des excès de vitesse de moins de 5 km/h ?
C’est bien la preuve que la Sécurité routière est une tirelire. De toute façon, aujourd’hui l’automobiliste est une vache à lait sur qui on tire à la sulfateuse à PV.
Que vous inspire l’annonce par Gérald Darmanin de sa volonté de ne plus retirer de point pour les dépassements de moins de 5 km/h hors agglomération ? Souhaiteriez-vous comme la LDC qu’il n’y ait plus de sanction du tout, ni retrait de point ni amende ?
Évidemment, mais honnêtement j’y crois peu. On reste mobilisés en tout cas.
Des points de permis en moins depuis un an ?
Eh bien non. Je ne respecte pas forcément toujours les limites, mais on va dire que je suis passée à travers les mailles du filet.
Avez-vous croisé des voitures-radars privatisées sur votre route cette dernière année ? Plus généralement, avez-vous l’impression que vous avez croisé davantage de radars qu’avant ?
Pour l’instant je n’en ai pas repéré, pourtant je suis très vigilante. Le problème c’est qu’on passe plus de temps aujourd’hui à surveiller les limites de vitesse, les radars, les voitures-radars qu’à regarder la route.
Transition écologique
Aujourd’hui, est-ce que vous en savez davantage sur les ZFE en général, ou la ZFE la plus proche de chez vous ? Vous sentez-vous mieux informés qu’il y a un an ?
Pas du tout. Mais je pense que c’est volontaire de la part de l’État de mal informer les gens.
Il suffirait que nos politiques aillent voir dans beaucoup de quartiers, ou ne serait-ce que dans la circulation, et ils verraient qu’une grande majorité de véhicules vont se retrouver interdits de circuler. C’est terrible. En plus, cela va exclure tous les jeunes, qui auparavant pouvaient récupérer la voiture des parents ou des grands-parents, et qui maintenant devront se l’acheter avec le peu de moyens qu’ils ont. Tout ça pour des bénéfices minimes en matière de réduction de la pollution, et qui restent à prouver.
L’Union européenne a pris la décision d’interdire les ventes de véhicules à motorisation thermique neufs à partir de 2035. Qu’en pensez-vous ? Cela vous semble-t-il réaliste ?
Ils sont complétement hors-sol, ce n’est pas du tout réaliste. Aujourd’hui on nous explique comment cuire l’eau des pâtes pour économiser de l’énergie, et dans le même temps on nous vante les voitures électriques, il faudrait m’expliquer. Je ne suis pas contre l’innovation, mais laissons le temps au temps.
Pouvoir d’achat
Quel impact a la crise des carburants (prix, pénurie) sur vos déplacements, sur votre budget ?
Un impact terrible. Les prix sont stratosphériques mais comme je peux faire plus de 1 000 kilomètres avec un plein, je ne m’en suis pas trop mal tiré. En ce moment, c’est jackpot pour l’État. Il pourrait franchement baisser les taxes. C’est scandaleux, même les entreprises sont en difficulté.
Avez-vous renoncé à changer de voiture pour des raisons de coût ?
Non et j’ai justement changé de voiture récemment. Je viens d’acheter une Audi A5 Berline. J’en suis extrêmement satisfaite, elle est fantastique. Avec mon mari, ce sera notre dernière vraie voiture. J’ai failli prendre un modèle hybride. Mais pour 50 kilomètres d’autonomie en tout-électrique, il fallait 13 heures de charge, et 11 litres aux 100 km de consommation en mode thermique...
Quotidien du conducteur
Un an après notre rencontre, est-ce que quelque chose a changé dans votre rapport à la voiture ?
Non, je continue à adorer la voiture et je continuerai jusqu’au bout. Même si aujourd’hui c’est un cauchemar de se dire qu’on doit prendre son véhicule pour aller quelque part. Ce n’est plus forcément un moment de plaisir. Le 30 km/h, les ralentisseurs qui sont de véritables tremplins, les trottinettes et vélos dans tous les sens sans casque ni protections, etc… C’est épouvantable de devoir conduire aujourd’hui, nous ne sommes plus sereins. Ce qui me sauve c’est d’être en territoire de montagne. Dès qu’on s’éloigne un peu, ça redevient fabuleux, j’y ai gardé ma passion. J’ai ça dans la peau.
Avez-vous un message à faire passer à nos sympathisants, sur leur mobilisation, sur les efforts qui restent à produire pour qu’on se fasse encore mieux entendre ?
Les actions menées ont beaucoup apporté, il y a une bien meilleure visibilité, une bien meilleure lisibilité. Il faut continuer et ne rien lâcher.
Avez-vous un message à nous faire passer, à la LDC, pour qu’on se saisisse de sujets qui vous tiennent à cœur ?
Il faut continuer votre mobilisation pour qu’on aille vers une vraie politique de sécurité routière. En tant que piéton on est en danger, en tant qu’automobiliste on a l’impression d’être responsable des agissements d’une minorité, ce n’est plus possible. On ne prend jamais le problème dans sa globalité.