Le Sénat a donné son feu vert : l’État ne sera plus le seul à pouvoir installer et gérer les radars automatiques. Les communes, métropoles et départements seront eux aussi habilités à le faire ! Voilà qui promet une nouvelle déferlante de cabines à flashs… Reste un seul espoir pour que cette initiative délirante soit rejetée : que les députés fassent barrage, à la rentrée. La Ligue de Défense des Conducteurs a les arguments pour les convaincre.
Ils seront 4 700 sur nos routes d’ici à la fin de l’année, mais apparemment, ce n’est pas assez. « Et si on ajoutait encore plus de radars partout ? » semble proposer, provocateur, l’article 10 du projet de loi 3 DS (différenciation, décentralisation, déconcentration, simplification), tout juste validé par le Sénat. Lequel permettra aux collectivités locales (communes, métropoles et départements) d’en installer là où bon leur semble.
Du point de vue de ces dernières, la perspective est alléchante : cette possibilité qui leur est offerte pourrait constituer une manne de revenus, les PV – ou plus exactement le pourcentage qui leur reviendra – venant augmenter leurs recettes de manière inespérée.
En revanche, pour les conducteurs, cette initiative ouvre la porte à tous les débordements : déferlante des contraventions, perte de points, source de stress exacerbée particulièrement en ville, environnement qui nécessite encore plus qu’ailleurs une attention de chaque instant au volant… sans compter qu’en parallèle, avec les Zones à faibles émissions, l’État promet déjà de nous noyer sous les PV pour cause de non-respect de la vignette Crit’Air, grâce au miracle de la vidéoverbalisation !
Les limites du tout-radar déjà identifiées
À la Ligue de Défense des Conducteurs, pas question de nous laisser fliquer à chaque kilomètre. Ni de laisser s’imposer l’idée selon laquelle la politique du tout-radar est une fin en soi et constitue une réponse automatique, semblable à une « valeur refuge », aux problématiques de sécurité routière.
Même la Cour des comptes a pointé du doigt, à plusieurs reprises, les limites de l’efficacité de cette stratégie, qui vise davantage notre portefeuille que notre sécurité. Son dernier rapport sur le sujet, publié début juillet 2021, souligne ainsi la nécessité de lever le pied sur la répression. Notre association, qui s’est toujours fermement mobilisée contre ce recours forcené au contrôle automatisé, en est de toute façon convaincue depuis le début : la courbe de la mortalité routière s’était déjà largement infléchie vers le bas avant fin 2003, année où les radars automatiques ont commencé à proliférer. La qualité du réseau routier, les progrès des véhicules en matière de sécurité active et passive ou encore la rapidité des secours à intervenir pèsent infiniment plus lourd que la chasse à la vitesse… surtout si l’on rappelle que 96 % des excès sont inférieurs à 20 km/h. Les magistrats de la Cour des comptes incitent entre autres l’État à appliquer le « système sûr » associant le triptyque « comportement, véhicule, infrastructure » qui s’assure qu’en cas de défaillance d’un de ces trois éléments, les deux autres soient en mesure de compenser et de limiter les dégâts. Enfin, un discours raisonnable !
Par ailleurs, puisque nos élus ont besoin de piqûres de rappel, n’hésitons pas à leur rafraîchir la mémoire avec ces chiffres, communiqués par le ministère de l’Intérieur : en décembre 2018, en pleine crise des Gilets jaunes, alors que 60 % des radars étaient hors service, la Sécurité routière a fait état de 292 décès sur les routes, contre 311 en moyenne pour les mois de décembre 2015, 2016 et 2017. Une expérimentation grandeur nature de mise en veille de ces équipements n’aurait pas mieux fait ! Ces statistiques officielles apparaissent comme un désaveu du tout-radar, puisque lorsqu’ils ne fonctionnent pas, le nombre de décès régresse.
Les radars, une idée fixe
Paradoxalement, fin 2020, les députés avaient enterré un premier projet de loi similaire, qui visait à autoriser les maires à installer des radars anti-vitesse dans leur commune. Inspiré par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur qui, à l’occasion d’une interview dans Ouest France, avait envisagé d’offrir la possibilité aux maires « d’installer des radars fixes sans l’autorisation des préfets », l’amendement n°1217 au projet de Loi globale avait fait chou blanc. Il faut dire qu’à la Ligue de Défense des Conducteurs, on n’était pas restés les bras croisés ! En quelques jours, notre pétition « Non à la prolifération des radars en ville » avait récolté près de 48 000 signatures. Un vrai plébiscite, dont nous avions aussitôt informé le ministre de l’Intérieur, à qui nous avions demandé de retirer du projet de loi. Nous avions procédé de même avec les députés qui avaient déposé l’amendement. En parallèle, notre association avait alerté tous les médias, afin de les sensibiliser à cette nouvelle tentative d’intimidation visant, une fois de plus, tous les détenteurs d’un permis de conduire.
Si nous n'avions pas boudé notre plaisir, à l’époque, en constatant le refus de l’Assemblée nationale d’accéder à cette demande, nous ne doutions cependant pas que cette proposition referait surface.
Ça n’a pas tardé, puisqu’elle a ressurgi du néant dans le projet de loi 4D, rebaptisé entretemps 3DS ! Seule « concession » des sénateurs par rapport au projet initial : les demandes d’installation de radars devront être validées par les préfets… qui seraient bien mal avisés de ne pas le faire, puisque l’État, lui non plus, ne manquera pas de prélever sa part de recettes lorsque les PV, qui resteront traités par l’Antai (Agence nationale de traitement automatisé des infractions), tomberont de plus belle !
Objectif compensation des pertes ?
C’est qu’il s’éloigne, le record de rentabilité des radars automatiques. En cause, la crise des Gilets jaunes, immédiatement suivie de la crise sanitaire… En 2017, celle-ci plafonnait à plus de 1 milliard d’euros, pour redescendre à 864 millions en 2018 (- 15 %), 760 millions en 2019 (- 12 %) et 553 millions en 2020 (- 27 %). Soit, entre 2017 et 2020, une baisse totale des recettes de 45 % ! Tous les moyens semblent donc bons pour relancer la machine.
Le coût d’installation pour les collectivités locales (donc pour nous), la modalité de contrôle des radars, le partage du gâteau entre les parties concernées, tous ces « détails » ont été survolés. Comme s’ils n’étaient pas fondamentaux…
Ce qui est sûr, c’est que si les nouvelles étapes de décentralisation de notre pays passent par la capacité de tous les élus d’implanter des radars là où bon leur semble, notre vie d’automobilistes ou de motards, qui plus est à bord de véhicules de plus en plus connectés, sera scannée à chaque mouvement, ce qui est strictement intolérable dans une démocratie… et ce que la Ligue de Défense des Conducteurs ne peut laisser faire ! Notre riposte ne tardera pas, comptez sur nous.