Un « objectif initial qui n’est plus atteint » et une « existence qui ne semble plus justifiée ». L’analyse du Compte d’affectation spéciale lié aux recettes du contrôle routier par la Cour des comptes est sévère. Il est toujours impossible par exemple d’identifier clairement la part des recettes des amendes qui est affectée à des actions de sécurité routière. Un scandale qu’à la Ligue de Défense des Conducteurs, nous dénonçons depuis plusieurs années.
L’argent des radars est-il vraiment réinvesti dans des actions de sécurité routière ? Certainement pas dans sa totalité. C’était pourtant l’objectif initial. Quant à savoir quelle part lui est consacrée, le mystère reste quasi insondable. C’est en substance la polémique que soulève l’analyse 2022 de l’exécution budgétaire de la Cour des comptes, parue mi-avril 2023. Car si les recettes des amendes forfaitaires des radars non majorées atteignent 707 millions d’euros en 2022, en hausse de 8 % par rapport aux 655 millions encaissés en 2021, l’honorable institution critique sévèrement l’usage qui est fait de cet argent et le manque de transparence.
« Certaines dépenses n’ont aucun lien avec la sécurité routière »
Dans son viseur, le Compte d’affectation spéciale (CAS), dont le principe de fonctionnement stipule notamment qu’une dépense spécifique doit être couverte par une recette elle aussi spécifique. Créé en 2006, celui portant sur le « contrôle de la circulation et du stationnement routier » avait pour but de rendre acceptable la politique de contrôle automatisé. Il fallait donner au public la preuve que le produit des amendes issu du contrôle automatisé était bien affecté à la politique de sécurité routière. Or, dans leur analyse, les Sages notent en premier lieu que seulement 86 % des recettes des amendes ont bel et bien été affectées au CAS. Les 14 % restants ? Dans les caisses de l’État.
C’est ensuite que ça se complique : la Cour des Comptes semble avoir le plus grand mal à identifier les crédits réellement affectés à des actions de sécurité routière et précise que « certaines dépenses imputées sur le CAS n’ont aucun lien avec la sécurité routière ». Si elle annonce que 63 % des dépenses engagées par le CAS y étaient consacrées l’an passé, en réalité c’est le flou puisque « les nombreux documents budgétaires ne permettent pas de retracer de manière lisible et suffisamment détaillée l’usage des crédits issus des amendes ». À la Ligue de Défense des Conducteurs, nous estimons, nous, que cette part excède rarement les 10 %...
Années après années, la Cour des Comptes formule des critiques de plus en plus sévères…
Ce constat ne date pas d’hier puisque cela fait plusieurs années que la Cour souligne la complexité du CAS, qui ne « répond plus aux objectifs qui ont justifié sa création ». Malgré ces alertes répétées, les Sages notent « qu’au cours de l’année 2022, aucune mesure n’est venue améliorer la visibilité du périmètre ou de l’architecture du CAS ». Pire, « les indicateurs du Compte d’affectation spéciale ne sont pas liés à la performance du contrôle automatisé, mais à la performance de ses moyens (disponibilité des radars, taux de transformation des messages d’infraction…). Ainsi, il est difficile de faire le lien entre le nombre de morts sur les routes, indicateur-clé de la mission « Sécurité », et l’utilisation des crédits du CAS ».
Des reproches qui poussent la Cour des Comptes à aller, une fois de plus, jusqu’à demander la suppression pure et simple du Compte d’affectation spéciale, estimant que ce dernier est devenu « trop complexe, peu lisible et non conforme aux règles de la loi organique relative aux lois de finances ». Les Sages proposent de le remplacer par « une annexe budgétaire unique dans laquelle figurerait l’ensemble des dépenses de sécurité routière et les recettes issues des amendes de circulation ». Contrairement à Bercy, la Délégation interministérielle à la Sécurité routière et le ministère de l’Intérieur ne veulent pas entendre parler de cette solution.
… Mais l’État continue d’y trouver son compte
Dans les faits, les amendes des radars servent donc principalement à l’achat de nouveaux appareils et à l’entretien et la maintenance de ceux existants. Ces coûts d’entretien ont d’ailleurs explosé, passant de 35 millions en 2021 à 45 millions d’euros en 2022. Ce qui n’empêche pas qu’au 31 décembre 2022, 4 530 radars (avec notamment 195 nouveaux radars tourelles) étaient déployés sur les routes françaises, contre un objectif initial de 4 700. De plus, 13 nouvelles voitures-radars ont encore été lâchées sur les routes. Leur nombre atteint désormais 498 véhicules, dont 59 % sont conduits par des chauffeurs de sociétés privées. Une part plus que conséquente des recettes des radars sert également au désendettement de l’État. En 2022, cela représentait 569 millions d’euros, soit 37 % des dépenses du Compte d’affectation spéciale ! Pas étonnant que la Cour des comptes observe « un recul de l’acceptation des amendes par les contrevenants ». Et pour cause ! Nous sommes face à un système dont le but est de sans cesse financer l’achat de nouveaux appareils de contrôle, dans l’optique d’augmenter les recettes des amendes, le tout afin d’éponger les dettes de l’État. L’idée selon laquelle les radars sont des « pompes à fric » a de beaux jours devant elle.
Résultat, l’impression d’être pris pour des « vaches à lait » n’a jamais été aussi forte parmi nos sympathisants. Il ne se passe pas un jour sans ce que ces derniers, de plus en plus outrés, ne nous fassent part de leur exaspération quant à la prolifération incessante de radars en tout genre et la politique de répression routière. Ce nouveau rapport de la Cour des comptes prouve une fois de plus que l'État tape allègrement dans la caisse de vos contraventions pour se renflouer, tout en n’oubliant pas d’entretenir et de déployer ses radars. Le tout sous couvert d’agir pour la sécurité routière bien sûr.