Rendez-vous exclusif de la Ligue de Défense des Conducteurs avec la Déléguée interministérielle à la Sécurité routière

« Je ne suis pas uniquement focalisée sur la vitesse ». N’escomptez pas, dans cette déclaration de la Déléguée interministérielle à la Sécurité routière en poste depuis mi-2020, entrevoir une volonté d’abandonner le 80 km/h en France ou d’assouplir le contrôle automatisé de la vitesse. Marie Gautier-Melleray, dans un entretien exclusif accordé à la Ligue de Défense des Conducteurs, s’affiche comme un bon soldat de la République qui appliquera la politique de l’État sans faillir, en particulier en matière de répression.

Nos points de discorde n’allaient pas manquer d’être nombreux. Mais la Ligue de Défense des Conducteurs tenait absolument à établir le dialogue avec Marie Gautier-Melleray, nommée Déléguée interministérielle à la Sécurité routière en juillet 2020. Héritière des lourds dossiers de son prédécesseur, Emmanuel Barbe, elle n’a eu que quelques mois pour se familiariser avec le 80 km/h, le contrôle automatisé, les radars… Cependant, même si elle se révèle plus accessible et plus ouverte à d’autres sujets, cette docteure en droit public ne dérogera pas à la règle du tout répressif.

L’entretien d’une heure qu’elle a accordé à notre association se résume comme suit :

  • Pas question de revenir sur le 80 km/h, même si de plus en plus de départements font la démarche de rehausser la vitesse sur leur réseau
  • Pas question de ralentir sur le contrôle de la vitesse
  • Seul point d’accord avec la Ligue de Défense des Conducteurs : renforcer le travail de l’État sur les autres causes d’accidents de la route

1/ Sur la suite à donner à la mesure du 80 km/h, sept mois après la fin de son expérimentation 

Marie Gautier-Melleray : « Ma position est assez simple. C’est celle de l’administration dans une démocratie, elle est donc très respectueuse de la représentation nationale. Il y a une loi, la loi d’orientation des mobilités (LOM), qui a voté un texte qui est l’état du droit que nous appliquons sans état d’âme. Avec, effectivement, d’une part le maintien de droit commun de la vitesse sur les voies bidirectionnelles sans séparateur central à 80 km/h et la possibilité pour les départements, sous certaines conditions, de repasser à 90 km/h. »

L’avis de la Ligue de Défense des Conducteurs : Chaque kilomètre qui retombe dans l’escarcelle du 90 km/h en France est un désaveu de la mesure imposée par l’État en juillet 2018 et alimente le doute quant à l’efficacité de la réduction de la vitesse sur la baisse de l’accidentologie routière. Trente-cinq départements, malgré les conditions draconiennes imposées par le gouvernement et la consigne donnée aux préfets de s’opposer systématiquement au rehaussement de la vitesse autorisée dans le cadre des Comités départementaux de la Sécurité routière, ont ainsi abandonné, sur tout ou partie de leur réseau, le 80 km/h. Et ce n’est pas fini : aux 32 500 kilomètres déjà repassés à 90 km/h viendront immanquablement s’en ajouter beaucoup d’autres. Nous y travaillons.

2/ Sur le contrôle automatisé de la vitesse et le parc de radars 

Marie Gautier-Melleray : « Je ne suis pas uniquement focalisée sur la vitesse, mais pour réduire les accidents sur la route, c’est d’abord sur le comportement des usagers qu’il faut jouer. Neuf accidents sur dix sont liés à un comportement d’usager et parmi eux, quasiment un tiers sont liés à la vitesse. On ne peut pas ne rien faire ! À partir de 2003, alors qu’on avait atteint un palier, on constate une chute assez brutale :  l’introduction des radars a eu une incidence forte sur l’accidentalité routière. Cependant, notre objectif n’est pas d’en augmenter le nombre. Notre objectif est de les moderniser. Certains de nos concitoyens ont aidé à ce que certains appareils arrivent un peu plus vite que prévu à obsolescence, donc il y a un objectif de remplacement du parc radar, c’est certain. »

L’avis de la Ligue de Défense des Conducteurs : Sachant que l’objectif est d’atteindre 4 400 radars en état de fonctionner cette année, apprendre que leur nombre restera stable n’est pas plus rassurant que cela. D’autant que leur technologie ne cesse de s’améliorer et qu’ils sont de plus en plus implacables… Sans compter les voitures-radars privatisées, conduites par des chauffeurs salariés par des entreprises privées, qui auront colonisé toute la France d’ici à fin 2021 et seront amenées à circuler 24 heures sur 24. Donc, même sans être « focalisée sur la vitesse », Marie Gautier-Melleray se retrouve à la tête d’un arsenal répressif toujours plus performant.

Quant à l’efficacité des radars et du fameux « palier » de 2003, systématiquement mis en avant par les porte-parole de la Sécurité routière au fil du temps, un simple graphique (ci-dessous) démontre que l’arrivée des radars n’a eu aucun effet « accélérateur » sur la courbe déjà alors – heureusement – descendante de la mortalité routière. La technologie des véhicules, le bon état des routes (lequel, faute d’entretien suffisant, se dégrade depuis), la rapidité d’intervention des secours… avaient déjà largement initié cette tendance et ont continué à le faire après l’arrivée des radars.

                                            Evolution mortalit routire France avec radars 1970 2020

3/ Sur le travail de l’État sur les autres causes d’accidents de la route 

Marie Gautier-Melleray : « Nous souhaitons effectuer davantage de contrôles d’alcoolémie ou de stupéfiants. Lesquels sont plus compliqués à organiser. La vitesse, on peut la contrôler automatiquement, pas le reste. Peut-être qu’un jour ce sera possible. Cela ne veut pas dire qu’on ne fait pas un effort… Par exemple, ce matin, j’ai signé une convention pour des recherches sur un volant qui fait aussi éthylotest. Le téléphone au volant est aussi l’une de nos préoccupations majeures aujourd’hui. »

L’avis de la Ligue de Défense des Conducteurs : On ne peut que saluer l’effort que Marie Gautier-Melleray s’engage à fournir pour davantage effectuer de contrôles d’alcoolémie et de stupéfiants ou de lutter contre l’utilisation du téléphone au volant. Mais lorsque nous avons abordé le sujet de la formation à la conduite (l’apprentissage des manœuvres d’évitement ou du freinage d’urgence, entre autres), notre association s’est trouvée confrontée à l’argument massue : ça coûte cher… En effet, mais cela aussi, c’est de la sécurité routière ! Et si on piochait dans la manne des recettes des radars ? Mais ceci est un autre problème…