Les données définitives sur les accidents de la route en 2020 viennent de tomber. C’est logique et c’est tant mieux, de nombreuses vies ont été épargnées en cette année de crise sanitaire et de confinement, les statistiques ayant chuté de manière historique. À la Ligue de Défense des Conducteurs, nous ne perdons toutefois pas de vue que la politique de sécurité routière reste largement inadaptée.
Avec 2 780 décès, l’année 2020 connaît une baisse de la mortalité de 21 % par rapport à 2019, et même moins 36 % par rapport à 2010. L’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, qui vient de publier son bilan annuel Accidentalité 2020, données définitives, impute évidemment cette baisse historique à la crise sanitaire. Pour une fois, pas un mot sur « l’efficacité » de la répression ! Une pudeur historique elle aussi, dont l’ONISR ne manquera pas de s’affranchir l’an prochain, alors que les accidents de la route repartiront immanquablement à la hausse, si 2021 reste épargné par les mesures de confinement que nous avons connues l’an passé. Ce qui ne l’empêche pas d’enfoncer les portes ouvertes dans son rapport, qui stipule : « Cette évolution s’explique en grande partie par les effets de l’épidémie mondiale de la Covid-19. La soudaineté […] de cette baisse suggère qu’elle ne peut pas s’expliquer uniquement par des évolutions des comportements des usagers de la route. » Ah bon, vous êtes sûrs ?
La logique du « pas de déplacement, pas d’accident » s’est en effet révélée implacable. N’oublions pas cependant que durant cette période d’assignation à résidence forcée, que les Français ont d’ailleurs remarquablement comprise et respectée, tous les conducteurs sont restés chez eux. Bons ou mauvais. Maintenant qu’ils reprennent la route, l’enjeu n’est donc pas, pour garder de bonnes statistiques, de réprimer encore plus les conducteurs à coups de radars. Il est, au contraire, d’aider tous les conducteurs, quel que soit leur talent, à arriver à bon port. Pour cela, l’entretien des routes et de la signalisation constitue un levier essentiel. Et cela passe par la formation du conducteur, comme notre association le martèle sans cesse.
La crise sanitaire a également mis en évidence un véritable fait de société : les Français ont fui les transports en commun, leur préférant des transports individuels dès qu’ils ont pu le faire ; pourtant, hors agglomération, la baisse de mortalité en voiture (1 243 morts, - 23 % par rapport à 2 019) est plus forte que celle des autres modes de déplacement (motos, cyclos, piétons…). Une voie d’avenir ne devrait donc pas consister à réduire la place de la voiture – tarte à la crème des politiques de déplacement – mais à conforter la sécurité des axes de déplacement, quel que soit le moyen de transport employé.
Pareille approche devrait aussi mener à une prise de conscience : les engins de déplacement personnel motorisé (EDPm, à savoir trottinettes électriques, monoroues, gyropodes et hoverboards) ont connu, en 2020, une augmentation de 40 % de leur nombre de blessés (774 contre 554 en 2019). Il importe donc de cesser de les qualifier de « modes de circulation doux ». En effet, leurs usagers ne sont pas protégés par une carrosserie et encourent d’autant plus d’accidents qu’ils n’ont qu’une maigre connaissance des règles de sécurité routière. En outre, le port du casque leur est recommandé mais pas obligatoire. D’ailleurs, si l’on regarde les chiffres sur une décennie (nombre de personnes tuées cumulé sur 12 mois établi en décembre 2020 et pourcentage par rapport à 2010), les cyclistes et les EDPm subissent 185 décès, en hausse de 26 %. Certains de leurs utilisateurs sont d’ailleurs soumis à une pression professionnelle qui peut altérer leur conduite. Il s’agit, entre autres, des livreurs à vélo payés à la tâche, ce qui les oblige à enchaîner les courses.
Pour la Ligue de Défense des Conducteurs, l’essentiel est donc de sécuriser les trajets par l’entretien des routes et de concentrer la répression sur les comportements vraiment dangereux. Par exemple, le bilan de l’ONISR fait ressortir un pourcentage qui reste alarmant : dans 32 % des accidents mortels, un conducteur au moins est alcoolisé. Une fois les actions préventives posées, la formation des usagers de la route peut également être un catalyseur des bonnes pratiques de sécurité routière, afin de sauver toujours plus de vies, quel que soit le contexte de circulation.