La commission de l’infraction
Le délit de refus d’obtempérer est constitué conformément aux dispositions de l'article L. 233-1 du Code de la route par le « fait pour tout conducteur d'omettre d'obtempérer à une sommation de s'arrêter émanant d'un fonctionnaire ou agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité ».
L'incrimination s’applique sur toutes les voies publiques ou privées ouvertes à la circulation publique même si la circulation est interdite (ex : Cass.crim., 21 juillet 1998, Bull. crim. 1998 n° 219 p. 635 : le conducteur qui circule sur une voie du domaine forestier fermée à la circulation, commet le délit lorsqu'il refuse d'obtempérer à une injonction de s'arrêter délivrée par un agent assermenté de l'Office national des forêts, régulièrement muni des signes distinctifs et apparents de sa fonction).
Différent du délit de fuite
Souvent confondu, le délit du refus d’obtempérer se distingue du délit de fuite.
Ce dernier est constitué par le fait, pour tout conducteur sachant qu'il vient de causer ou d'occasionner un accident, de ne pas s'arrêter et de tenter ainsi d'échapper à la responsabilité pénale ou civile.
Le refus d'obtempérer s'apprécie indépendamment de la réalisation d'un accident et se caractérise par l'omission d'obéir à une sommation de s'arrêter et/ou à un refus de se soumettre aux vérifications imposées par des agents de la force de l'ordre.
Une appréciation factuelle
L’étude de la jurisprudence révèle que le contrôle de l’infraction par les juges est avant tout factuel, le juge appréciant souverainement les éléments tant matériels qu'intentionnels de l’infraction pour la caractériser en tous ses éléments.
L’intention délictuelle
Pour être caractérisé, le délit de refus obtempérer suppose que soit démontrée la volonté consciente et intentionnelle du conducteur de refuser de s'arrêter pour échapper au contrôle policier.
Cette infraction ne s’applique ainsi qu’au conducteur qui comprend et apprécie l’ordre qui lui est destiné et qui sciemment se soustrait aux injonctions qui lui sont faites, dès lors qu’elles sont manifestes et expressément reconnaissables.
L'intention délictuelle doit être sans équivoque.
Aussi, un prévenu doit être relaxé du délit si l'intention d'échapper aux contrôles n'est pas clairement caractérisée.
La jurisprudence relaxe ainsi l'automobiliste qui a pu se méprendre quant à la présence des forces de l'ordre parce que les tenues spéciales de sécurité pouvaient l’induire en erreur sur la qualité des agents, ou bien encore s’il n'a pu distinguer l'uniforme spécial des agents.
Pour condamner le prévenu, le délit suppose que les agents de la force publique portaient les insignes distinctifs de leur fonction et/ou ont fait part de leur qualité au conducteur.
L’infraction est retenue lorsqu’il ressort que le prévenu ne pouvait se méprendre sur l'ordre qui lui avait été donné et avait manifesté des signes de réaction (freinage, regard en direction des policiers, etc. Cass.Crim., 30 septembre 1992, pourvoi 92-81020) ou lorsque l'omission volontaire d'obtempérer à la sommation de s'arrêter relève de la mauvaise foi du prévenu qui se déduit de son comportement (Cass.crim., 3 mars 2004, pourvoi 03-85209).
Il en est de même lorsque l'agent en civil a arboré devant l'usager un brassard « police » et ses menottes administratives, éléments considérés comme signes extérieurs de la qualité de policier (Cass.Crim., 7 mai 2003, pourvoi : 02-86664) - lorsque la visibilité des lieux était bonne et les fonctionnaires de police porteurs de leurs uniformes, gilets réflectorisés et munis de lampes torches étaient parfaitement visibles (Cass.crim., 29 février 2000, pourvoi 99-83210) - lorsque brutalement le conducteur a changé de direction à la vue de gendarmes qui faisaient un contrôle d’alcoolémie (Cass.crim., 7 septembre 2004, 04-82214) -lorsque les agents ont procédé aux gestes réglementaires et utiliser leur sifflet à roulette (Cass.Crim., 13 janvier 2009, pourvoi: 08-83869).
En cas de poursuite du véhicule du prévenu par un véhicule des forces de l'ordre équipé d'un gyrophare et d'un investisseur en action, la jurisprudence estime le délit caractérisé.
La compétence des agents
Seuls des agents de la force publique ayant autorité et compétence pour constater des infractions au Code de la route peuvent donner l'ordre d'immobilisation du véhicule.
Il ne peut être reproché un quelconque délit si l’automobiliste n’obtempère pas aux sommations d’une personne n’ayant aucune compétence légale en la matière.
Les limites de l’infraction
Le refus obtempérer doit se limiter au refus de s'arrêter (ou encore de se soumettre aux vérifications ou d'immobiliser son véhicule selon les dispositions reprises par les articles L.224-5 et L.232-2 du Code).
A titre d’exemple, l'automobiliste interpellé ne peut être poursuivi de ce chef de prévention s’il refuse de faire état de sa filiation. Les tribunaux estiment encore qu'on ne peut exiger des papiers d'un véhicule à un piéton à proximité de celui-ci dès lors que les agents ne l'ont pas vu conduire ledit véhicule. La jurisprudence impose une concomitance de temps entre le refus d'obtempérer et l'infraction reprochée.
Doit ainsi être relaxé le conducteur qui refuse de suivre les agents de la force publique se présentant le lendemain d'un contrôle routier à son domicile.
Notons que le refus de prélèvement et/ou de se soumettre aux vérifications de dépistage de l’imprégnation alcoolique ou de stupéfiant sont des infractions autonomes (et distinctes) et ne relèvent pas du refus d’obtempérer.
Le doute : exonératoire de responsabilité
Il ressort des éléments précités que la méconnaissance et/ou la compréhension confuse de la gestuelle des agents de la force publique peuvent exonérer l’usager.
L’automobiliste pourra démontrer par exemple que les gestes ne lui étaient pas destinés.
Pour que l’infraction soit constituée, le juge doit aussi s’assurer que le conducteur ait été expressément identifié (la relaxe doit être prononcée en cas de doute sur les caractéristiques du véhicule (marque, modèle, couleur ...) et sur la présence du prévenu sur les lieux du contrôle).
L'identification du conducteur peut néanmoins être retenue par la reconnaissance du conducteur en la personne du prévenu par les agents de la force publique ayant suivi le véhicule en cause ou par la description détaillée du conducteur dans le procès-verbal et l'analyse de la photographie du conducteur sur le permis de conduire (Cass.crim., 17 février 1993, pourvoi 92-82691).
Les peines encourues
Les peines sont correctionnalisées.
Le fait pour tout conducteur d'omettre d'obtempérer à une sommation de s'arrêter émanant d'un fonctionnaire ou agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité est puni d'un an d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende.
Toute personne coupable de ce délit encourt également les peines complémentaires suivantes :
1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;
2° La peine de travail d'intérêt général
3° La peine de jours-amende
4° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus ;
5° La confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;
6° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière.
Ce délit donne lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire.
Lorsque le délit a été commis dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, ils sont punis de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.
Les personnes coupables du délit prévu au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes,
1° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire ; cette suspension ne peut être assortie du sursis ni être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;
2° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;
3° L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;
4° La confiscation d'une ou plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition.
Ce délit donne lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre de points initial du permis de conduire.
Rémy JOSSEAUME
Avocat au Barreau de Paris
Président de l’Automobile Club des Avocats
www.josseaume-avocat.fr