La mesure est méconnue et socialement injuste, mais elle se concrétisera bel et bien le 1er janvier 2025 : après cette nouvelle étape de l’instauration de la Zone à faibles émissions du Grand Paris, ce seront près de 1,2 million de véhicules qui seront interdits de circulation, selon les chiffres réactualisés et tout juste publiés par le ministère de la Transition écologique… Comble du cynisme, la métropole vous demande officiellement votre avis dans le cadre d’une consultation publique, sans la moindre intention d’en tenir compte.
Entre l’absence quasi-totale d’information du grand public, le calendrier d’application illisible et les reculades, les Zones à faibles émissions (ZFE) sont l’une des mesures les plus obscures actuellement en phase d’application.
Aujourd’hui, elles continuent à ne pas faire parler d’elles… Illustration avec la ZFE du Grand Paris. Après avoir interdit son accès, dès 2021, aux véhicules diesel d’avant 2006 (pour ceux à qui cela parle, ces modèles « senior » doivent afficher sur leur pare-brise une vignette Crit’Air 4, 5 ou NC pour non classé), cette large zone urbaine passera en effet à la vitesse supérieure le 1er janvier prochain. Alors que l’interdiction ne concerne jusqu’à présent « que » 341 000 voitures particulières et utilitaires (soit un peu moins de 7 % des 5,12 millions de véhicules roulant dans la ZFE*), son élargissement début 2025 aux modèles Crit’Air 3, c’est-à-dire immatriculés entre janvier 2006 et décembre 2010 (diesel) ou entre janvier 1997 et décembre 2005 (essence), concerne cette fois 842 000 conducteurs de plus. Au total, on arrivera donc à 23 % des véhicules de la ZFE du Grand Paris… interdits de circuler dans la ZFE du Grand Paris !
Aucune échappatoire ne se profile : la casse sociale qu’implique cette mesure ne touche guère les élus, qui se réfugient derrière la qualité de l’air et les subventions (manifestement insuffisantes pour les 1,2 million de propriétaires de Crit’Air 3, 4, 5 et NC concernés, dont la plupart ne conservent probablement pas leurs vieux véhicules pour le plaisir). On se demande donc à quoi sert la consultation publique diligentée par la Métropole du Grand Paris, depuis le 19 septembre jusqu’au 14 octobre. Tout d’abord, personne n’en a entendu parler (ça devient une habitude : en avril 2020, alors que nous étions confinés à cause du Covid, c’était déjà avec une pudeur de violette que le gouvernement avait « consulté » la population pour connaître son avis sur les Zones à faibles émissions). La preuve, c’est qu’en sept jours, au moment où nous écrivons ces lignes, elle a reçu 51 contributions… À ce rythme, il faut donc s’attendre à moins de 200 participations, soit 0,003 % des 7,2 millions d’habitants de la Métropole du Grand Paris (dont 5,6 millions résidant au sein même de la ZFE). Joli débat démocratique. Mais, pire, l’avis des citoyens ne comptera absolument pas, puisque la ZFE parisienne, comme celle de Lyon, est « effective ». Cela signifie que son application est obligatoire, contrairement aux ZFE dites « de vigilance » qui, depuis mars 2024, bénéficient d’une souplesse d’application liée à leur niveau de pollution et/ou aux décisions de leurs dirigeants (la métropole de Strasbourg vient ainsi de renoncer à l’interdiction des Crit’Air 3 dès 2025, la repoussant à 2027). Autrement dit, que vous soyez pour, que vous soyez contre, vos élus s’en fichent.
« Les conducteurs qui ont besoin de leur voiture tous les jours, qui n’ont pas d’autre choix parce qu’ils habitent dans des zones éloignées des transports en commun ou travaillent loin de chez eux en horaire décalé, à qui on n’offre donc pas d’alternative satisfaisante, entendent déjà dire tous les jours que c’est mal. Que leur budget restreint devienne un facteur supplémentaire d’ostracisation est déjà scandaleux, s’agace Nathalie Troussard, Secrétaire générale de notre association. Mais faire semblant de nous demander ce que nous en pensons, c’est ajouter une sacrée dose de cynisme à cette injustice ! »
L’instauration précipitée des ZFE est injuste, car elle fait des conducteurs n’ayant pas les moyens financiers de changer de véhicule en temps et en heure des citoyens de seconde zone. Pire, le sujet demeure très largement méconnu du grand public et la consultation en ligne organisée en catimini par la métropole du Grand Paris ne va rien arranger. La transition écologique mérite mieux.
*Tous les chiffres et pourcentages cités ici puisent leur source dans l’onglet Données et études statistiques du ministère de la Transition écologique, dont les derniers résultats ont été réactualisés et publiés le 23 septembre 2024. En lien ici.