Nous avons calculé que la montée en puissance des Zones à faibles émissions menace aujourd’hui l’emploi d’un demi-million de salariés. Tout ce qu’on peut leur reprocher, c’est de ne pas avoir les moyens de changer leur vieille voiture contre une plus récente, qui les autoriserait à rouler dans la ZFE où se trouve leur entreprise sans risquer de PV. Car ces derniers ne vont pas tarder à pleuvoir !
De plus en plus, notre association reçoit des témoignages de jeunes en emploi précaire, ou des mères célibataires en intérim, nous alertant sur ce nouveau risque qui plane sur leur tête : ils n’ont pas les moyens de changer leur vieille voiture, mais ils travaillent dans une Zone à faibles émissions (ZFE) interdisant désormais leur accès aux véhicules les plus anciens… Entre PV à répétition ou chômage, va-t-on vraiment les obliger à choisir ?
Pour illustrer nos propos, nous avons retenu le message d’Yvette, particulièrement symbolique : « Notre petit-fils a enfin trouvé un travail en décembre. Il lui fallait une voiture pour y aller. On l'a aidé, et il a pu s'acheter une occasion à 2 000 €. Mais maintenant, on lui dit que l'entreprise est dans une "ZFE" et qu'avec cette voiture, il n'a plus le droit d'y aller. C'est révoltant. On ne demande rien. Tout ce qu'on veut, c'est qu'on nous laisse travailler et gagner notre vie honnêtement. Mais ça, ceux qui font les lois n'en n'ont rien à faire. »
Cette inquiétude parfaitement légitime nous a amenés, à la Ligue de Défense des Conducteurs, à évaluer très concrètement cette menace qui plane sur les salariés circulant dans les ZFE et dans l’incapacité financière de remplacer leur vieux véhicule.
Tout d’abord, qui sont ces « travailleurs bannis », dont le véhicule est trop ancien pour circuler dans les ZFE ?
Selon l’étude publiée en août 2024 par l’association Apur, qui se concentre sur la métropole du Grand Paris, 2,13 millions de véhicules circulent du lundi au vendredi dans la métropole (les salariés du week-end étant compensés par les « simples » visiteurs des jours de semaine). Parmi eux, 27 % sont porteurs de vignettes Crit’Air 3, 4, 5 ou NC : or, ces niveaux sont interdits de circulation depuis le 1er janvier 2025. Ces observations de terrain datant de juin 2022, ce pourcentage a été abaissé à 23 %, tenant compte de l’évolution du parc automobile.
Résultat : 490 000 véhicules concernés. Soit un gros 30 % des 1,66 million de voitures particulières et véhicules utilitaires légers que compte l’aire d’attraction[1] de la ZFE du Grand Paris.
Nous avons appliqué ce taux de 30 % aux autres ZFE rejetant elles aussi les Crit’Air 3 et plus (Lyon, Grenoble et Montpellier). Mais aussi aux ZFE excluant les Crit’Air 4, 5 et NC (Strasbourg, Rouen, Toulouse…). Les autres ZFE interdisant majoritairement les modèles Crit’Air NC (datant d’avant 1997) n’entrent pas dans ce calcul car peu de véhicules sont concernés.
Total :
- 687.000 "travailleurs bannis" dans les ZFE excluant les Crit'Air 3 et +
- 98.000 "travailleurs bannis" dans les ZFE excluant les Crit'Air 4, 5 et NC
Ensuite, nous avons évalué, parmi ces « travailleurs bannis », ceux qui n’ont pas les moyens de changer de voiture
En 2022, l’association Eco Entretien a publié une étude réalisée par l’Institut CSA révélant que 36 % des Français n’avaient pas le moindre sou pour changer de voiture. 27 % d’entre eux ne pouvaient pas non plus mettre plus de 3 990 euros… Or, à moins de 4 000 €, les Crit’Air 1, et même les Crit’Air 2 sont des perles rares !
Si l’on additionne 36 + 27 %, on obtient 63 % de citoyens pour qui un modèle récent, avec un vignette Crit’Air 1 ou 2, n’est pas envisageable financièrement. Soit près de 433 000 personnes parmi les 687 000 « travailleurs bannis » dans les ZFE excluant les Crit’Air 3 et plus. Pour les ZFE excluant les Crit’Air 4, 5 et NC, nous n’avons retenu que les 36 % sans le début d’un euro. Soit 35 000 personnes sur 98 000.
Faites le calcul : 433 000 + 35 000 personnes, cela fait 468 000 salariés qui risquent de perdre leur emploi, uniquement parce que leur voiture est trop ancienne ! Il faut ajouter à ce quasi-demi-million de personnes – sachant que nos estimations sont basses – tous ceux qui ne répondront pas à une offre d’embauche, car l’entreprise qui la publie est localisée dans une ZFE dans laquelle ils n’ont plus le droit de circuler. Ou alors, c’est une pluie de PV qui les attendra, dès 2026 ! Des PV à 68 euros, majorés à 180 euros…
Comptez sur la Ligue de Défense des Conducteurs pour continuer à militer pour la suspension des Zones à faibles émissions. Notre objectif : les voir reportées de cinq ans. La transition écologique est un noble projet, l’amélioration de la qualité de l’air aussi, à condition que les mesures qui l’accompagnent incluent toute la société, pas seulement les plus aisés. De votre côté, si vous ne l'avez pas encore fait, rejoignez les plus de 266 000 signataires de notre pétition exigeant cette suspension et faites-la tourner : Pour une suspension des ZFE ! - Ligue de Défense des Conducteurs.
Merci pour votre soutien !
[1] Aire d’attraction : depuis 2020, ce zonage utilisé par l’INSEE « définit l’étendue de l’influence d’une ville sur les communes environnantes », à partir de critères de densité de population, de population totale et d’emploi (source : INSEE).