Zones à faibles émissions : le gouvernement retourne sa veste, au soulagement de (presque) tous

Pour exiger la suppression des Zones à faibles émissions (ZFE), votre association aura mouillé sa chemise ! C’est donc avec satisfaction que nous voyons aujourd’hui le gouvernement renoncer aux grandes lignes de cette mesure injuste de restriction de la circulation. Une victoire donc, mais pas totale. On vous explique les menaces qui planent encore au-dessus de nos têtes.



« L’objectif n’est pas d’ennuyer les Français ni de faire des mesures anti-pauvres ». La prise de conscience de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, est bien tardive. Car dans leur forme initiale, les Zones à faibles émissions allaient bel et bien provoquer de sérieux dégâts sociaux ! Ce n’est pas faute d’avoir alerté le gouvernement. La Ligue de Défense des Conducteurs était notamment en tête de ligne pour demander le report de leur mise en place : le 1er janvier 2025, c’était bien trop tôt ! Nous avons ainsi rassemblé près de 265 000 signatures à notre pétition « Pour une suspension des ZFE » jusqu’en 2030. Candidats à l’élection présidentielle, Assemblée nationale, Sénat, métropoles, médias… notre association se démène depuis des années auprès des institutions et du grand public pour défendre la liberté de circuler, sérieusement remise en cause par ce dispositif. Car, sous prétexte de lutter contre la pollution, ces ZFE allaient interdire l’accès à une quarantaine des plus grandes agglomérations du pays à tous ceux n’ayant pas les moyens d’avoir un véhicule récent. Les premières interdictions ont d’ailleurs déjà vu le jour dans onze métropoles. Mais le pire semblait à venir : l’extension à toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants, aux quatre coins du pays.



Face à nos alertes répétées, aux rapports de l’Assemblée nationale et du Sénat, aux retours inquiets des élus locaux, le gouvernement a enfin pris acte de la menace d’un retour des Gilets jaunes et a trouvé plus sage de mettre le holà : le terme « ZFE » s’applique toujours à 42 métropoles, mais pour 37 d’entre elles, il se vide presque de tout sens…



Quels sont les gros changements ?

1/ Ne reste plus que 5 « ZFE effectives »… avec 1,6 million de voitures « non grata »

Il faut désormais faire le distinguo entre les « territoires ZFE effectifs » et les « territoires ZFE de vigilance ». Ainsi, seules les agglomérations qui dépassent de manière régulière les seuils réglementaires de qualité de l’air demeurent obligées de respecter l’interdiction des voitures Crit’Air 3 au 1er janvier 2025. Ce qui ne concerne "plus que" Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg et Rouen. Au total, cela fait quand même 1,6 million de véhicules directement concernés (les 11 558 000 restants l'étant également lorsqu'ils entreront dans ces zones même s'ils n'y habitent pas). 1,6 million de conducteurs qu’il va falloir continuer à sensibiliser et à accompagner, notamment financièrement, pour qu’ils ne se retrouvent pas du jour au lendemain à la porte de ces cinq métropoles. Nous y veillerons.

2/Les 37 autres agglomérations ne sont quasiment plus concernées

Les 37 autres agglomérations de plus de 150 000 habitants deviennent quant à eux des « territoires de vigilance ». Seule obligation légale ? Interdire d’ici au 1er janvier 2025, les voitures particulières "non-classées" (immatriculées avant le 31 décembre 1996). Soit des véhicules de plus 26 ans représentant moins de 3 % du parc automobile français. Les six métropoles (Nice, Grenoble, Toulouse, Montpellier, Reims, et Saint-Etienne) ayant déjà atteint cette étape n’ont donc « plus aucune obligation de renforcer les restrictions actuelles », confirme le gouvernement. À noter que depuis la loi Climat et Résilience de 2021, venue renforcer les dispositions entérinées par la loi LOM de 2019, nous sommes donc passés de 45, puis 43, et enfin 42 ZFE. Dernière agglomération à disparaître de la liste, Saint-Nazaire.

3/Les professionnels finalement non concernés

Souvent sans alternative de motorisation satisfaisante, sur fond de forte inflation, les professionnels passent finalement entre les gouttes des ZFE. Le gouvernement le confirme : les métropoles n’ont « aucune obligation légale de calendrier concernant les poids lourds, […], les véhicules utilitaires légers ». Alors même qu’une partie de ces mêmes véhicules, arborant une vignette 3, 4 ou 5, étaient d’ores et déjà bannis de certaines ZFE…

4/Les véhicules diesels récents épargnés

Les métropoles qui réfléchissent à interdire tous les véhicules diesels, à l’instar de Paris ou Strasbourg, font clairement du zèle puisque que le gouvernement confirme : « la loi ne prévoit en aucune manière l’interdiction de l’ensemble des véhicules diesel (dont les Crit’Air 2) ».

5/Les ZFE « de vigilance » en avance sur le calendrier feront… ce qu’elles veulent

Toulouse et Reims, par exemple, ont déjà exclu tous les véhicules Crit’Air 4 au 1er janvier 2023. Ces ZFE qui se retrouvent finalement en avance sur leur temps « doivent pouvoir être adaptées à la suite d'une fin de dépassement des seuils réglementaires d'émissions », selon le gouvernement. Par ailleurs, si certaines métropoles décident d’aller au-delà de leurs simples obligations légales, elles pourront tout à fait le faire.



À l’origine, malgré les propos tenus par Christophe Béchu, c’était bel et bien 13 millions de véhicules qui allaient être interdits de circuler à cause des ZFE. Si l’on se félicite que leur nombre redescende à 1,6 million aujourd’hui, cela reste encore beaucoup de Français qui devront rester sur le bas-côté de la transition écologique… sans compter ceux qui ne résident pas dans les métropoles concernées, mais qui devront s’y rendre en voiture pour une raison ou pour une autre. Alors que le gouvernement annonce d’éventuelles « évolutions juridiques » concernant les ZFE pour cet automne, n’oublions pas que parallèlement, l’État peaufine le processus de verbalisation appliqué dans le cadre des « violations » de restrictions de circulation (voir notre article sur le sujet). Les ZFE ont pris du plomb dans l’aile, mais restent de potentielles sources de revenus, lesquels seront ponctionnés aux Français les plus pauvres n’ayant pu changer leur véhicule trop ancien… Drôle de sens de la justice et de la transition écologique.