L’échange de données d’immatriculation entre États membres de l’Union européenne pour récolter le fruit des amendes routières est né en 2013. Aujourd’hui, une vingtaine de pays se prêtent à ce petit jeu… qu’une nouvelle directive de janvier 2025 s’apprête à durcir. Un texte qui n’est pas encore applicable en France, mais cela ne saurait tarder.
Avis à tous ceux qui franchissent les frontières françaises en voiture, en direction d’autres pays de l’Union européenne : attention aux infractions routières, car elles se retrouveront dans votre boîte aux lettres ou votre messagerie une fois de retour dans l’Hexagone. L’impunité n’est en effet plus de mise depuis 2013 ! Si, au départ, trois pays ont commencé à procéder à des échanges transfrontaliers d’informations, la liste s’est largement élargie depuis. Entre voisins, on s’en donne à cœur joie pour faire parvenir les PV à leurs destinataires de retour chez eux. Exemple avec l’Espagne : selon les chiffres de la Direction générale du trafic locale (DGT), les conducteurs français se sont rendus coupables de 67 482 infractions l’an passé : la France est ainsi la première nation des étrangers qui relèvent d’un PV de l’autre côté des Pyrénées. Ce qui est somme toute assez logique, puisqu’avec les Britanniques (qui viennent plutôt en avion) et les Allemands, nous sommes près de deux millions chaque année à traverser les Pyrénées…
Bref, tous les pays cités ci-dessous se sont engagés dans un partenariat réciproque : les Belges envoient des amendes aux Français, et les Français peuvent aussi sanctionner les conducteurs wallons et flamands.
Quels sont les pays avec lesquels la France échange des informations sur les infractions ?
Leur liste n’a pas vraiment bougé depuis plusieurs années :
- Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Suède, Tchéquie… sans oublier la Suisse, même si elle ne fait pas partie de l’Union européenne !
Tous ces pays sont cités dans la directive européenne entrée en vigueur en 2015, revue le 19 janvier 2025. Mais outre ce mécanisme législatif, il existe aussi le système Eucaris, pour « European car and driving license information system » (Système européen d'information sur les véhicules et les permis de conduire). Remontant à 1994, ce programme avait été imaginé pour lutter contre le trafic international de voitures. Tous les pays qui participent à Eucaris échangent en réalité à propos des infractions routières depuis bien longtemps. À la première liste « officielle » ci-dessus, il faut donc en réalité ajouter les pays suivants :
- Bulgarie, Chypre, Croatie, Finlande, Gibraltar, Grèce, Islande, Liechtenstein, Malte, Norvège, Royaume-Uni, ainsi que l’île de Jersey.
Quelles sont les infractions qui peuvent être sanctionnées ?
La théorie veut que seules certaines infractions peuvent donner lieu à l’établissement d’un PV transfrontalier, c'est-à-dire lorsqu’il n’y a pas interpellation directe du conducteur sur le lieu où le celles-ci ont été commises :
- Excès de vitesse, non-port de la ceinture de sécurité, absence de casque sur une motocyclette, conduite en état d’ivresse, conduite sous l’emprise de stupéfiants, téléphone portable tenu en main et circulation sur une voie interdite.
La directive de janvier 2025 (qui n’est donc pas encore applicable en France) est venue ajouter de nouveaux motifs d’infraction à ceux qui existaient déjà :
- Stationnement interdit, dépassement dangereux, franchissement de ligne continue, non-respect des distances de sécurité, circulation en sens interdit, circulation sur un couloir de secours, surcharge, délit de fuite et non respect des règles à un passage à niveaux.
Toutefois, méfiez-vous. La réalité est bien différente. Les polices des différents pays des États membres se fichent pas mal de savoir si l’infraction peut être « motif de sanction » pour un conducteur étranger ou non. L’infect exemple de la « LEZ » à Anvers, en Belgique, en est l’illustration même. Une LEZ est une zone à faibles émissions, que l’on appelle « ZFE » en France. Pour entrer légalement dans la LEZ d’Anvers, il convient de s’enregistrer au préalable sur un site internet. En cas de circulation dans la LEZ anversoise sans enregistrement préalable, les autorités infligent une amende de 150 euros, que le véhicule soit conforme avec la limite de pollution ou non. Cette affaire a défrayé la chronique et continue de le faire régulièrement tant de nombreux conducteurs français se font piéger. Car en dépit du fait que le non-respect d’une LEZ n’entre pas dans le champ des infractions qui peuvent être sanctionnées au niveau international, les intraitables autorités d’Anvers n’hésitent pas à envoyer PV, menaces et courriers d’huissiers à tous les contrevenants. Tout ceci forme un abus de pouvoir caractérisé, évidemment couvert avec bienveillance par les autorités françaises.
Peut-on perdre des points sur son permis pour une infraction commise à l’étranger ?
Comme il a déjà été indiqué, la directive de janvier 2025 n’est pas encore transposée en droit français. Elle devra l’être au plus tard en juillet 2027 pour être applicable. Or, cette nouvelle directive n’introduit pas que de nouveaux motifs d’infraction. Elle consacre aussi le fait – inédit – qu’un conducteur peut perdre des points sur son permis en vertu d’une faute commise à l’étranger. La perte de points qui découle de la faute à l’internationale dépend des règles du pays où l’infraction a été commise : si par exemple l’Espagne décide de retirer 4 points pour un feu rouge grillé, ce sera -4 points pour le conducteur hexagonal. Mais si ce sont 3 points au Portugal voisin, le conducteur français ne perdra que 3 points.
Certes, il n’y aura pas de perte de points avant 2027. Mais ce qui semble incroyable, c’est que le permis de conduire, dans les pays concernés, ne compte pas le même nombre de points qu’en France, voire en ajoute à chaque infraction au lieu d’en retirer, voire n’en dispose pas du tout… L’égalité entre citoyens européens ? Elle passe à la trappe !
Et à l’étranger, à quoi sert l’argent des amendes ?
La Ligue de Défense des Conducteurs a déjà bien du mal à tracer la destination finale de l’argent récolté par les autorités françaises grâce aux amendes routières, il n’est donc pas envisageable d’aller voir comment se comportent nos voisins dans ce domaine. La directive de janvier 2025 contient toutefois un article qui semble avoir été rédigé sur mesure à l’intention des pouvoirs publics français : « Les États membres devraient s’efforcer de veiller à ce que les recettes générées par les sanctions pécuniaires pour les infractions en matière de sécurité routière (…) soient utilisées pour accroître la sécurité routière et garantir la transparence des mesures de sécurité routière ». La LDC ne saurait mieux dire.