Ralentisseurs illégaux : le Conseil d’État fait un premier pas vers les conducteurs

Sans trancher dans le vif en imposant à tous les ralentisseurs de respecter la réglementation de 1994, le Conseil d’État vient de casser l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille, qui entérinait de facto la possibilité pour le département du Var de construire ces infrastructures à la « va-comme-je-te-pousse ». Une bonne nouvelle, mais un long chemin reste à parcourir pour venir à bout de toutes les irrégularités.

« Il va falloir revoir votre copie ». C’est en résumé l’injonction que le Conseil d’État vient d’adresser à la Cour administrative d’appel de Marseille, annulant l’arrêt dispensant le département du Var d’appliquer la réglementation en vigueur sur les ralentisseurs. Son argument : « insuffisance de motivations » ! Le Conseil d’État considère en effet que la Cour de Marseille ne peut pas se contenter de soutenir que les « plateaux traversants » du Var ne sont pas soumis au décret 94-447 régissant les dimensions des ralentisseurs, simplement parce qu’ils n’ont pas toutes les caractéristiques d’un ralentisseur dit « trapézoïdal ». Car quelle que soit leur appellation (traversant, surélevé…), ces infrastructures, qui ont toutes pour même fonction de ralentir les véhicules, sont forcément constituées de deux rampants et d’un plateau, dont la forme en coupe, sauf à remettre en cause tous les fondements de la géométrie, reste… trapézoïdale.

Notre illustration permet de mieux comprendre la problématique des ralentisseurs illégaux (pour creuser le sujet, n’hésitez pas à télécharger notre étude publiée en 2022) :

Ralentisseur trapèze

La Cour d’appel de Marseille se voit donc contrainte de rejuger l’affaire et si elle veut convaincre, elle devra définir ce qu’est un plateau traversant, un plateau ralentisseur, un plateau surélevé… et on se demande bien comment elle pourrait se dispenser de recourir à l’adjectif « trapézoïdal » pour en décrire la forme. À la Ligue de Défense des Conducteurs, ce qu’on en déduit, c’est que les modalités techniques et conditions d’implantation du décret et de la norme ont donc forcément vocation à être appliquées…

Mais faut-il pour autant voir ici, enfin, la fin des ralentisseurs illégaux, contre lesquels nous luttons depuis si longtemps aux côtés de notre partenaire, l’association Pour un mobilité sereine et durable, qui a saisi le Conseil d’État ? Il aurait été plus clair d’opérer une « lecture constructive » de la situation et de déclarer que tous les ouvrages surélevés, destinés à faire ralentir les automobilistes et les motards, doivent obéir au décret et à la norme de 1994. C’était d’ailleurs l’une des pistes suggérées par le rapporteur public au Conseil d’État, durant une audience à laquelle notre association avait assisté début octobre (lire ici).

En attendant qu’à Marseille, on rejuge cette affaire – ce qui pourra prendre plusieurs mois –, le meilleur conseil qu’à la Ligue de Défense des Conducteurs, nous pourrions donner aux élus envisageant de construire un ralentisseur sur leur commune, c’est de lire attentivement notre étude et de se conformer à la norme et au décret de 1994. Parce qu’à tous ceux qui ont pris des libertés avec les textes en vigueur, en se basant notamment sur des recommandations délivrées par le Cerema (organisme d'État traitant notamment des infrastructures routières), n’ayant aucune valeur réglementaire, cette perspective de devoir tout refaire doit donner des sueurs froides.