Feucherolles est une charmante commune des Yvelines, située à proximité de la forêt de Marly. Il y fait bon vivre, mais ici comme presque partout dans le pays, la voiture n’est pas une option. Gérard, 80 ans, papier rose en poche depuis la fin des années 1950, nous reçoit au beau milieu de son jardin. Il a connu les années fastes de l’automobile, l’époque où l’on célébrait cette liberté que procurait la voiture. Une notion chère à notre sympathisant qui, il le confesse volontiers, adorait conduire et a possédé quelques voitures « rapides ». Mais aujourd’hui, l’impression que chaque conducteur est perçu comme « un pirate de la route » l’a fait changer de critères en matière de choix de véhicule. Désormais, Gérard privilégie le confort. Il possède deux voitures : une Toyota iQ, dont il se sert pour se rendre à Paris y voir des amis, et une Hyundai ix35, SUV de gabarit moyen, pour ses longs trajets. Entretien avec un conducteur résigné, mais toujours souriant, témoin privilégié de décennies dorées pour l’automobile qui juge avec un véritable effarement la situation actuelle.
LDC : Pourriez-vous vous passer de votre voiture ?
Gérard : Habitant Feucherolles, où il doit y avoir deux ou trois bus par jour, la voiture est indispensable. Aujourd’hui ce n’est pas possible autrement.
Un autre type de mobilité serait-il néanmoins envisageable pour vos déplacements ?
Je possède un vélo électrique, dont je me sers pour aller me balader, en forêt par exemple, mais je ne me vois pas le prendre pour aller à Paris. Et puis c’est tellement dangereux, entre les trottinettes, les deux-roues, les voitures, il faut des yeux partout !
Depuis plusieurs années, les médias et les politiques n’ont eu de cesse de stigmatiser la voiture. Trouvez-vous cela justifié ?
Il faut bien évidemment faire attention à l’écologie, à notre planète, mais de là à devenir des ayatollahs anti-voiture… Il n’y a pas de juste milieu, on part toujours dans les extrêmes. On veut pénaliser à fond les automobilistes et c’est inadmissible. Or Avant de les pénaliser, il faudrait peut-être envisager une organisation des transports en commun qui soit complètement différente, mais arrêtons de taper sur la voiture.
Que vous inspirent les Zones à faibles émissions, ces périmètres dont l’accès est interdit aux véhicules jugés les plus polluants ?
C’est un manque de liberté totale. Il faut trouver un équilibre entre la réduction de la pollution et la capacité financière des gens à acheter des véhicules plus récents. Sans saquer personne. Laissons le temps au parc automobile de se régénérer. Sur le tout-électrique, je ne suis pas du tout d’accord, car un jour on sera complètement rationnés sur l’électricité. Déjà que l’hiver on nous demande de réduire notre consommation, alors quand toutes les voitures seront électriques, je ne vois pas comment on va faire…
Vous qui avez connu l’absence de limitation de vitesse, comment percevez-vous des mesures comme le 80 km/h ou la généralisation du 30 km/h en ville ?
Vous savez, je suis prêt à descendre à côté de ma voiture et à la pousser pour, peut-être, arriver à 10 km/h. Je crois que ce serait beaucoup plus prudent parce qu’à 30 km/h on risque quand même gros (rires). Blague à part, je trouve ça ridicule, tout simplement. On abaisse constamment la vitesse de quelques kilomètres/heure. Mais jusqu’où va-t-on pousser cette logique ?
Justement sur la sécurité routière, quelle est votre opinion sur la politique d’implantation des radars ?
Aujourd’hui, n’ayons pas peur des mots, c’est une entreprise à fric. J’ai remarqué que bien souvent les radars ne sont pas placés à des endroits dangereux, mais là où ça rapporte. Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles, c’est fait pour rapporter un maximum d’argent. Qu’il y ait des contrôles je n’ai rien contre, mais c’est toujours pareil, on en arrive à de l’extrémisme alors qu’il faudrait plus de modération sur cette question.
La Ligue de Défense des Conducteurs a justement récemment soutenu un amendement visant à réaffecter une partie du budget 2022 consacré aux radars à l’entretien des routes. C’est une préoccupation pour vous l’état du réseau routier ?
Vous savez, le maire de ma propre commune, alors que je lui faisais remarquer que la route est en très mauvais état et que j’avais failli perdre une roue, m’a répondu qu’il la laisse volontairement telle quelle afin que les gens roulent moins vite… Voilà où on en est arrivés, c’est honteux. À la campagne, bien trop souvent, les départementales sont dans un état épouvantable.
Prêterez-vous attention à la politique voiture des candidats à l’élection présidentielle ? Bien sûr que c’est important pour moi, mais j’ai quand même l’impression que peu en parlent, hormis Éric Zemmour qui s’est exprimé entre autres sur le permis à points (Note : à fin novembre 2021, date de l’entretien). Je trouve par exemple qu’il faudrait diminuer les taxes sur les carburants… Surtout, plus généralement, ce serait bien que les candidats réfléchissent à une vraie politique consacrée à la voiture.