« Au chômage et avec peu de moyens, ma voiture c’est ce que j’aurais abandonné en dernier »

La connexion est établie, car c’est à distance que nous réalisons cet entretien. À l’écran, Emmanuel, jeune retraité de 65 ans, domicilié à Baisieux, dans la périphérie de Lille. Voilà trente ans qu’il roule en 4 x 4, sans attendre la mode des SUV. D’ailleurs, sa première « transmission intégrale » était une… Renault 4 à quatre roues motrices. Très attaché à sa liberté, donc à sa voiture, Emmanuel a toujours choisi ses véhicules pour leurs aspects pratiques et leur maniabilité. « Ma voiture, c’est comme une mule, elle doit être capable de me transporter partout », lance notre témoin du jour, qui rêve de partir faire un road-trip en Mongolie avec son Nissan Terrano diesel de 2003. Mais avant de partir à l’attaque des steppes asiatiques, il y a son quotidien d’automobiliste dans la France d’aujourd’hui. Lui qui a son permis depuis 1974 a longtemps enchainé les kilomètres pour se rendre à son travail, un trajet de quarante kilomètres allerretour : « Ça représente dix mille kilomètres par an, pendant vingt ans, rien que pour le travail. J’habite à la campagne et la voiture, c’est indispensable ici. J’y porte même un attachement viscéral. Il y a une vingtaine d’années, j’ai traversé une période au chômage. Eh bien même si j’avais peu de moyens, ma voiture c’est ce que j’aurais abandonné en dernier ».

Aujourd’hui, Emmanuel parcourt environ vingt mille kilomètres par an. Abordant le sujet de la stratégie de la Sécurité routière, il se désole : « Je suis de nature prudente, mais objectivement, les limitations de vitesse aujourd’hui sont insensées, lorsque l’on sait à quel point l’infrastructure et les véhicules sont tellement plus sûrs qu’auparavant. Mais ce n’est pas forcément ce qui m’agace le plus car je ne roule pas vite. En revanche, je passe mon temps à devoir regarder le compteur, à cause des changements de vitesse incessants. Le danger, aujourd’hui, c’est de se faire flasher pour le moindre kilomètre-heure supérieur à la limite autorisée. Pire, les radars ne sont pas tous placés, loin de là, dans des endroits accidentogènes. Pour moi, ça revient à du racket », résume notre sympathisant.

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L’autre sujet automobile du moment, pour Emmanuel, c’est la future Zone à faibles émissions (ZFE) de l’Eurométropole de Lille, qui le concernera directement. « Tout cela va beaucoup trop vite, rien n’est prêt, et presque la moitié des Français vont devoir changer de voiture, s’alarme-t-il. À titre personnel, je suis bien que conscient que l’automobile devient un problème majeur du point de vue de la pollution en ville, mais je voudrais néanmoins voir le dispositif de la ZFE repoussé de cinq ans. » Il rejoint ainsi la demande de moratoire que la Ligue de Défense des Conducteurs avait formulée au printemps 2021… et se révèle même un brin provocateur : « Au moins, ça me permettrait, pour la dernière fois, de m’offrir une voiture diesel »! À quelques semaines de l’élection présidentielle, Emmanuel admet que la « politique voiture » des candidats sera l’un de ses principaux critères de choix : « L’important, c’est qu’on ne me prive pas de ma liberté de circuler ! » s’exclame-t-il. Surtout, celui qui se revendique « un peu cycliste, ancien motard » aimerait enfin voir des politiques de sécurité routière qui « favorisent la tolérance entre tous les usagers, et limitent le trop répressif, surtout quand on sait que c’est pour faire de l’argent ». À bon entendeur !