Présentation des recettes et dépenses de la répression routière illisible, budget correspondant s’éloignant de sa mission initiale. Comme chaque année, la Cour des comptes a mis son nez dans l’argent des radars et des PV pour 2020. Et comme chaque année, l’institution ne mâche pas ses mots pour critiquer la copie rendue par le gouvernement. On parle pourtant ici de près de 1,4 milliard d’euros !
Si vous vous inquiétez de l’état de santé des radars, un récent rapport de la Cour des Comptes vous donne une information pratique : ceux qui avaient été endommagés en 2018 et 2019 sont désormais tous en état de marche sur les départementales et en grande majorité sur autoroute. Le taux de disponibilité des radars se situe ainsi, en 2020, entre 79 % et 86 %. De même, le taux de transformation des messages d'infraction (émis par les dispositifs de contrôle automatisé des vitesses) en avis de contravention est passé de 65,1 % en 2019 à 75,6 % en 2020.
Ainsi remis sur pied, les radars ont rapporté l’an dernier 553 millions d’euros d’amendes forfaitaires, ce qui porte les recettes des amendes de circulation et de stationnement à 1,387 milliard d’euros. Certes, c’est 25 % de moins que prévu, dans ce contexte si particulier de crise sanitaire, où les véhicules sont souvent restés au garage. Mais tous les ingrédients sont là pour une nouvelle explosion des PV, dès que les conducteurs reprendront vraiment la route. Il faut savoir que l’État dépense des sommes folles pour entretenir ses outils de contrôle et de sanction. Par exemple, une voiture radar nécessite chaque année 30 693 euros de maintenance, pour être apte à flasher sans relâche. Le chiffre initialement prévu par Emmanuel Barbe, l’ex-Monsieur Sécurité routière, plafonnait à 18 000 €… Multipliez par 450, le nombre de véhicules du même type qui circuleront à terme sur notre territoire, et vous obtiendrez de quoi vous offrir cinq Bugatti Chiron, la voiture la plus chère du monde !
Or à force de recevoir des avis de contravention depuis l’implantation du premier radar en 2003, bien des conducteurs se demandent si tout cet argent concourt pleinement à la sécurité routière ou également à financer la dette publique. C’est pour lever cette ambiguïté qu’en 2006, a été créé le Compte d’affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». Cette niche budgétaire devait permettre de comprendre où allaient les recettes des radars. Mais pour l’année dernière encore, seuls 72 % de l’argent récolté lui ont été réellement affectés… notamment parce que l’État s’est d’abord généreusement servi, prélevant 342 millions d’euros pour son désendettement. Comme le souligne Caradisiac dans son excellent article passant en revue la gestion de ce « pactole routier » (lire ici), il faut ajouter à cela la quasi impossibilité de savoir avec exactitude quelle part des 404 millions d’euros reversés aux collectivités territoriales et supposés être consacrés à l’équipement de transports en commun et à la sécurité routière, l’est réellement… Si la Cour des comptes s’arrache elle-même les cheveux pour suivre l’argent de la répression routière, où allons-nous !
Dernier point à retenir : même si elle attribue une large responsabilité de la baisse des recettes des radars en 2020 aux périodes de confinement, la Cour des comptes n’écarte pas « l’hypothèse d’un changement de comportement des conducteurs ». À cette « menace » de chute de rentabilité, nul doute que nos gouvernants répondront par la seule arme qu’ils connaissent, sous couvert de sécurité routière : le contrôle toujours plus intensif de la vitesse. Ce n’est pas de gaîté de cœur qu’à la Ligue de Défense des Conducteurs, nous vous rappelons que d’ici à 2021, 4 700 radars se planqueront au bord des routes, mais aussi dans la circulation, pour vous fliquer d’encore plus près.