Chronique d’un couac annoncé : la révolution Crit’Air en marche (silencieuse) dans les « ZFE-m » !

La Ligue de Défense des Conducteurs estime particulièrement intéressant de publier cette tribune de Françoise Dumont, sénatrice du Var, sur le développement des « Zones à Faible Emission mobilité » (ZFE-m) dans les agglomérations françaises et leurs conséquences sur le pouvoir d’achat des Français. Son point de vue lucide sur le sujet est rare au sein de la classe politique et surtout, son constat rejoint celui fait par notre association dans notre étude intitulée "ZFE, la grande cacophonie" à lire ici.

Une information presque passée inaperçue : en 2025, 45 « ZFE-m » auront vu le jour.

Derrière ce sigle, un peu barbare, se cache en réalité la notion de « Zone à Faible Emission mobilité ».

En effet, certaines « ZFE-m », comme la Métropole du Grand-Paris, existent déjà et appliquent un certain nombre de critères environnementaux restrictifs, pour les véhicules les plus polluants. La Loi « Climat et Résilience » est venue multiplier le nombre de ces espaces, passant progressivement de 10, l’année 2021 à 45 « ZFE-m » en France, au 31 décembre 2024, incluant toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants.

Ainsi, dans mon département, par exemple, depuis le 1er juillet 2021, la métropole Toulon Provence-Méditerranée est devenue une « ZFE-m ». Les conducteurs y seront donc prochainement invités à disposer leur vignette Crit’Air (à commander sur le site officiel) sur leur pare-brise pour pouvoir continuer à circuler.

Les usagers des routes de la métropole toulonnaise devront s’attendre à une interdiction qui visera :
- En 2023, les Crit'Air 5 (véhicules à motorisation diesel, catégorisés dans la norme Euro 2 ou immatriculés entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2000),
- En 2024, les Crit’Air 4 (voitures diesels immatriculées avant le 1 er janvier 2006 et les deux-roues motorisés d’avant juillet 2004),
- et en 2025, les Crit’Air 3 (véhicules utilisant de l'essence ou un autre carburant, mais conformes aux normes Euro 2, Euro 4 et commercialisés entre 1997 et 2005. La même classification Crit'Air est utilisée pour les voitures diesel répondant aux normes Euro 4 et commercialisées entre 2006 et 2010)[1]

En conséquence, se profile donc devant nous un renouvellement probablement historique du parc automobile français, puisque d’ici 2025, 41% du parc automobile national actuel aura interdiction de rouler dans l’ensemble des « ZFE-m » et même la quasi-totalité des véhicules du parc automobile actuel, dans la Métropole du Grand-Paris, en 2030 (avec l’exclusion annoncée des Crit’Air 1).

Dans un pays comme le nôtre, où 59% des habitants utilisent leur voiture pour se rendre au travail et 71% pour faire les courses, comment expliquer que 60% des Français ignorent ce que sont les « ZFE-m » et les obligations y afférant et que 47% des Français estiment être mal informés sur les mesures mises en place pour favoriser le renouvellement du parc automobile (comme le bonus écologique, la prime à la conversion, etc…) ?

Cette révolution, sans précédent dans le domaine du transport, pâtit d’un manque évident d’informations pour les usagers de la route. Aussi justifiée soit-elle dans le domaine de la santé publique et de l’écologie, c’est encore une décision qui est prise, sans qu’un accompagnement des principaux concernés ne soit prévu !

Demain, nombre de Français vont apprendre la nouvelle de l’interdiction de leur véhicule dans l’agglomération où ils travaillent et vivent parfois, sans moyen de l’anticiper ou de trouver une solution pour réaliser leurs trajets du quotidien.

Dans un contexte économique inflationniste – qui touche aussi la vente des véhicules (ainsi, le prix d’une voiture neuve a augmenté de 15% en moyenne, ces trois dernières années[2]) - qui grève le pouvoir d’achat des Français, comment feront-ils pour changer une, voire deux voitures par foyer, en un temps si contraint ?

Seule une information, très en amont, et un accompagnement dans la recherche d’aides à la transition écologique des véhicules, permettra aux Français, mais aussi aux entreprises disposant de véhicules, de pouvoir continuer à se déplacer pour leurs trajets quotidiens.

L’Etat et les Régions doivent se mobiliser pour informer et accompagner les conducteurs français dans cette révolution.

La mobilité de demain ne pourra pas se construire contre les Français, mais uniquement avec eux !

 

[1] BONNET (Julien), « Tout comprendre – ZFE ; ces millions de voitures bientôt (ou déjà) interdites de circuler dans les grandes villes », BFMTV, publié le 22.01.22, mis à jour le 02.02.22.

[2] FLEUROT (Aurélien), édité par GARNIER (Juline), « Automobile : pourquoi le prix des voitures neuves s'envole », Europe 1, publié le 19.04.22.