Vignette Crit’Air : les conducteurs mieux informés sur un dispositif aberrant

Début juin, les députés ont examiné le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM). Sous couvert de mobilité écologique, cette loi compromet la liberté de circuler des conducteurs en favorisant la création de zones interdites aux véhicules les moins récents… Et tout cela s’appuie sur la vignette Crit’Air, attribuée dans des conditions paradoxales ! À travers deux véhicules, la Ligue de Défense des Conducteurs vous montre l’incohérence de ce dispositif…

 

 

Le projet de loi d’orientation des mobilités entend, entre autres, promouvoir une mobilité plus écologique. Pour cela, le texte se réfère aux « Certificats Qualité de l’air » (vignettes Crit’Air) pour favoriser la création de Zones à Faibles Émissions (ZFE). Ce dispositif interdit l’accès de ces zones aux véhicules les moins récents, privant les conducteurs qui ne peuvent pas changer de véhicule de l’accès à certaines agglomérations entières. Pour rappel, la ZFE du Grand Paris va concerner 79 communes (à l’intérieur de l’A86) et impacter près de 2 millions de véhicules, et cela dès le 1er juillet 2019 : les véhicules classés Crit’Air 5 (et ceux qui n’ont même pas le droit à une vignette) se verront exclus de ce périmètre !

Depuis sa création, La Ligue de Défense des Conducteurs défend la liberté de circuler. Elle est également favorable aux mesures permettant de garantir une qualité de l’air optimale tant que celles-ci ne sont pas punitives… Or la vignette Crit’Air relève de cette catégorie, et en plus de cela, elle est complètement paradoxale !

 

Crit’Air : une mesure écologique incohérente !

La mode est à la transition énergétique, l’usage d’un véhicule thermique est de plus en plus décrié par des élus autophobes qui cherchent à en limiter la place dans la société alors que 73 % des Français jugent la voiture indispensable pour les déplacements quotidiens1. Ce pourcentage monte même jusqu’à 95 % en zone rurale et 87 % en petite agglomération : la voiture est donc encore centrale dans la mobilité. Pourtant, la vignette Crit’Air tend à priver le véhicule de ce rôle en lui interdisant l’accès aux ZFE.

Pour rappel, les vignettes sont attribuées selon la date de première immatriculation du véhicule et selon la norme Euro à laquelle correspond sa motorisation. Or les normes Euro2 sont fondées sur :

  • les oxydes d'azote (NOx)
  • le monoxyde de carbone (CO)
  • les hydrocarbures (HC)
  • les hydrocarbures non méthaniques (HCNM)
  • les particules (PM et PN)

 

Donc, le CO2, gaz à effet de serre, dont les élus nous rabâchent qu’il est nocif pour la planète, n’est pas inclus dans les critères d’attribution de la vignette Crit’Air, censée lutter contre la pollution : paradoxal !

En revanche, l’achat d’un véhicule neuf peut donner lieu au malus écologique3. Selon l’administration française il s’agit d’une écotaxe qui sanctionne financièrement l'achat de certains véhicules : la taxe financière peut s’élever jusqu’à 10 500 €. Et elle est basée uniquement sur les émissions de CO2 par kilomètre !

Donc, d’un côté, nous avons une taxe écologique calculée en fonction des rejets de CO2 et, de l’autre côté, une vignette qui peut vous priver de circuler dans certaines zones qui ne tient absolument pas compte de ce gaz à effet de serre : l’incohérence est de taille ! Voici donc pourquoi la vignette Crit’Air, sous cette forme, peut constituer une arnaque…

 

Porsche Cayenne 2018 vs Renault Clio 2004

Pour illustrer les aberrations du dispositif Crit’Air, comparons deux véhicules différents. Ici, nul besoin de comparer le 0 à 100 km/h : l’année, la motorisation, la norme euro (donc les polluants énoncés précédemment) et les rejets de CO2 suffiront pour souligner le paradoxe de la vignette Crit’Air. Car certains véhicules bien classés selon la hiérarchie Crit’Air sont pourtant très mal classés en ce qui concerne le malus écologique. À l’inverse, certains véhicules dont les émissions de CO2 sont plus faibles, sont mal classés en ce qui concerne les vignettes Crit’Air.

 

Illustration 1. Comparaison malus écologique et Crit’Air entre le Porsche Cayenne III et la Renault Clio II.

 

La comparaison entre un Porsche Cayenne essence de 2018 et une Renault Clio diesel de 2004 illustre bien cette contradiction (illustration 1). En effet, étant un véhicule très récent (produit à partir d’août 2017), respectant la dernière norme Euro (Euro 6) et ayant une motorisation essence, le Porsche Cayenne se voit attribuer la vignette Crit’Air 1. Il n’est donc actuellement concerné par aucune restriction de circulation. Pourtant il rejette 209 g de CO2/km ! L’acheteur de ce modèle subit donc un malus écologique de 10 500 € (montant maximal du malus écologique). En revanche, la Clio II diesel de 2004 et de norme Euro 3 entre dans la catégorie de vignette Crit’Air 4. En conséquence, elle ne pourra plus circuler à Paris à partir du mois de juillet 2019. Pourtant elle n’émet que 110 g de CO2/km, soit presque deux fois moins que le Cayenne, pour un malus écologique nul !

Vus sous cet angle, le paradoxe et l’incohérence du système Crit’Air sont patents !

 

Pour mettre fin aux déconvenues des acheteurs, la Ligue de Défense des Conducteurs se fait entendre à l’Assemblée Nationale

Malgré tout cela, il faut bien continuer à s’offrir un véhicule pour garder sa liberté de mouvement. Or l’achat d’un véhicule engendre toujours son lot de questions. Avec l’écologie punitive, de nouvelles questions émergent :

  • Quel est le montant du malus écologique ?
  • Combien de CO2 rejette le véhicule ?
  • Quelle est la classe de la vignette Crit’Air attribuée à ce véhicule ?
  • Le véhicule concerné est-il autorisé à entrer dans les villes qui utilisent les vignettes Crit’Air ? Si oui, pendant encore combien de temps ?

Si, en concession, l’affichage commercial permet de répondre aux deux premières questions (illustration 2), il n’en est rien pour les deux dernières. Celles-ci sont pourtant essentielles pour assurer le rôle premier d’un véhicule : se déplacer. Les informations qui concernent l’environnement permettent essentiellement au consommateur de déterminer si l’achat du véhicule qu’il envisage donne lieu à un malus financier (illustration 2) mais en aucun cas elles ne renseignent sur la capacité du véhicule à circuler dans telle ou telle ZFE car la catégorie de la vignette Crit’Air est absente de l’affichage alors qu’elle est essentielle pour respecter les restrictions de circulation. L’aide à la décision est pourtant capitale lors de l’achat d’un véhicule car l’effort financier du conducteur ne saurait porter sur un modèle de véhicule qui ne lui permettrait pas de circuler partout.

Illustration 2. Fiche de présentation en concession.

 

Le consommateur ne dispose donc pas d’informations qui lui permettraient d’estimer immédiatement les futures capacités de circulation de ce même véhicule dans une ZFE.

Dans un souci de transparence, de clarté et d’accès à l’information, la Ligue de Défense des Conducteurs a proposé, pour le projet de loi d’orientation des mobilités, l’idée suivante : le vendeur d’un véhicule doit désormais afficher distinctement le numéro de Certificat Qualité de l’air associé au véhicule à côté de l’information détaillant le malus écologique. Et cette idée a été retenue puisqu’elle est inscrite dans ce texte de loi par l’article 26 bis4 !

Cette proposition améliorera grandement l’information du consommateur lors de l’achat d’un bien très coûteux. Elle aurait aussi l’avantage de mieux faire connaître le dispositif Crit’Air qui pourrait concerner toutes les agglomérations dont l’accès serait alors refusé à certaines catégories Crit’Air…

 

Voilà pourquoi la Ligue de Défense des Conducteurs a promu l’idée qui figure à l’article 26 bis : c’est une avancée pour l’information des conducteurs lorsqu’ils effectuent un achat aussi important et complexe que l’est celui d’un nouveau véhicule. Mais au-delà, l’association œuvre quotidiennement pour sauvegarder la liberté de circuler des conducteurs et lutter contre les interdictions de circulation qui entravent la mobilité des Français qui n’ont pas d’autres alternatives à la voiture.

 

 

1 Etude Kantar - AramisAuto - Rumeur-publique, « Les Français et l’automobile », juin 2019.

2 Norme européenne d'émission, Wikipédia

3 Fiche pratique : malus et taxe CO₂, Service-public.fr

4 Article 26 bis, Projet de loi d’orientation des mobilités, texte de la Commission du développement durable, mai 2019.