Ne laissons pas ce nouveau projet de malus sur le poids se concrétiser et peser sur nos finances, une fois de plus, au moment de l'achat d'une voiture ! Alors que le Sénat débat à son tour de ce sujet, la Ligue de Défense des Conducteurs rappelle pourquoi, de même que le malus CO2, cette nouvelle taxe à peine déguisée doit être enterrée.
Vous le savez si vous nous suivez avec régularité, notre association s’est farouchement élevée contre le malus indexé au poids des véhicules dès que Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, s’est ressaisie du sujet. C’était fin septembre et entre reculades, confirmations, négociations et petites manœuvres, ce projet a fini par être validé par les députés, mi-novembre. Bâclé, improvisé, l’amendement, espérons-le, se fera retoquer par le Sénat. Les arguments ne manquent pas.
Le contexte
Avec l’abaissement du seuil du malus CO2, chaque année, il est de plus en plus difficile pour les acheteurs de voitures neuves d’échapper à cette taxe : ils étaient 37 % en 2019 (sur deux millions), ils seront plus de 50 % en 2020.
Rappelons que, malus CO2 français ou pas, l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre automobile visé par l’Europe sera tenu, les constructeurs y étant eux-mêmes astreints, sous peine de lourdes amendes. Sous couvert de réduire les émissions de gaz à effet de serre, le malus CO2 français est en réalité une mesure fiscale visant à renflouer les caisses de l’État.
Le malus sur le poids des véhicules part de la même logique d’écologie punitive et de perspective de recettes fiscales. Ce projet repose par ailleurs sur un paradoxe : le surpoids grandissant des véhicules est, entre autres, la conséquence d’une meilleure conception (renforcement de la cellule habitable pour la protection des passagers, zones déformables en cas de choc). Mais aussi, de l’ajout d’équipements que gouvernements successifs et parlementaires ont parfois fini par imposer eux-mêmes, alors qu’ils étaient déjà présents sur la quasi-totalité de la production automobile (airbags, antiblocage de roues ABS, antidérapage ESP…), pour des raisons évidentes d’amélioration de la sécurité. En contrepartie, ce surpoids engendré par la modernité influe sur la consommation d’énergie, donc les émissions de gaz à effet de serre et les polluants.
Autre paradoxe : le malus sur le poids ne fait que reprendre, sur le fond, la même logique que le malus CO2. En effet, celui-ci varie déjà selon le poids, puisqu’une voiture plus lourde émet naturellement plus de CO2… et paie plus cher de malus. Les industriels automobiles estiment ainsi que pour chaque tranche de 100 kg, ce sont 10 g de CO2 supplémentaires qui sont émis par kilomètre. Le malus existant traite donc déjà ce problème.
La réalité de terrain
De même qu’ils sont mobilisés pour optimiser le rendement de leurs motorisations et répondre aux normes d’émissions mentionnées ci-dessus, les constructeurs travaillent aussi d'arrache-pied sur la problématique de l’allègement des véhicules. Et pour cause : les scientifiques estiment qu’une réduction de 10 % de la masse équivaut à 5 % de consommation de carburant en moins (source : *A. Mayyas, et al., Design for sustainability in automotive industry: a comprehensive review, 2012).
Moins de consommation, c’est moins d’émissions de CO2, donc de meilleures chances de répondre au cahier des charges de l’Europe… Ce cercle s’avère évidemment vertueux.
Mais les matériaux auxquels il faut requérir à ce jour pour aboutir à un allègement notable (aluminium, carbone) demeurent plus onéreux que l’acier. Or, le temps industriel pour rendre financièrement accessible une technologie qui profite finalement à tous n’a rien à voir avec le temps politique : par exemple, entre le premier ABS arrivé sur la Mercedes Classe S en 1978 et l’obligation pour tout véhicule d’en être équipé (2003), il s’est écoulé vingt-cinq ans.
Vu les sanctions financières qui les menacent à l’échelle européenne, il ne fait aucun doute que les constructeurs étudient toutes les pistes pour réduire pollution et émissions de gaz à effet de serre. Mais pourquoi, en France tout spécialement, cette pression devrait-elle à nouveau retomber sur les acheteurs de voitures neuves, comme le fait déjà, malheureusement, le malus CO2 ?
Par ailleurs, si le projet de malus sur le poids ne concerne dans un premier temps que les véhicules pesant plus de 1,8 tonne, comment ne pas imaginer, à l’instar du barème déclenchant le malus CO2, que ce seuil ne sera pas revu à la baisse chaque année ?
Malgré les progrès réalisés par les constructeurs en matière d’émissions de gaz à effet de serre, l’arrivée d’un malus sur le poids en 2022, même « limité » à 1,8 tonne, ajouté au barème durci du malus CO2, aura la conséquence suivante : 45 % des véhicules du marché français, toutes marques confondues, seront touchés par l’une et/ou l’autre de ces taxes (source : Conseil National des Professions de l’Automobile).
Une conclusion s’impose : supprimer cet amendement
Alors qu’aucune étude sur l’impact de cette taxe sur le poids (qu’il soit d’ordre environnemental, technique ou économique) n’a été diligentée, c’est en effet, une nouvelle fois, le portefeuille des conducteurs qui est sollicité. Sur fond de crise économique et sanitaire, d’industrie automobile française fragilisée, de filière de vente affaiblie, ce nouvel impôt déguisé ne sert qu’une seule cause : celle du gouvernement, qui s’achète ainsi une bonne conduite auprès des écologistes.
Le bénéfice – plus qu’hypothétique – n’ayant pas été évalué, les conséquences néfastes, elles, sont déjà clairement identifiées. Une seule conclusion s’impose donc : jeter ce projet de malus sur le poids aux oubliettes.