Création obligatoire d’une ZFE : le gouvernement vous consulte… mais en douce

Lancer en catimini une Consultation publique sur l’instauration obligatoire des Zones à faibles émissions mobilité (ZFE), ouverte seulement du 23 mars au 13 avril, en pleine épidémie de Covid-19 : il fallait oser ! Le gouvernement avait pourtant déclaré mettre en pause de nombreuses réformes… mais pas celle-ci, susceptible de compliquer encore davantage la vie des automobilistes, à l’avenir.

Pour éviter le débat, le procédé est idéal. Alors que l’actualité tourne exclusivement autour du coronavirus, le gouvernement n’hésite pas à consulter la population sur un sujet primordial pour notre liberté de circuler, une fois la crise sanitaire derrière nous. Le moment n’aurait donc pas pu être plus mal choisi… Le thème, « l’instauration obligatoire des zones à faibles émissions mobilité (ZFE) », étant par ailleurs abscons pour ceux qui n’y sont pas directement confrontés, ou qui ont oublié ce que signifie cette mesure. A la Ligue de Défense des Conducteurs, nous allons donc commencer par vous rafraichir la mémoire, puis vous expliquer pourquoi et comment le gouvernement agit aussi discrètement.

 

La ZFE mobilité, qu’est-ce que c’est ?

Ces Zones à Faibles Émissions mobilité (anciennement Zones à Circulation Restreinte), ou ZFE mobilité, définissent un espace où la circulation des véhicules est autorisée ou interdite en fonction de leur niveau de pollution. Leur objectif principal est de réduire la part de la pollution issue du transport routier et, notamment, les taux de particules en suspension dans l’air1.

La mise en place de ces zones est une réponse de la France aux injonctions et pressions de la Commission européenne quant aux trop nombreux dépassements des seuils d’émissions de polluants dans certaines aires urbaines. C’est la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte2 du 17 août 2015 qui a institué ce dispositif.

En France l’accès à ces zones est déterminé par le numéro de vignette Crit’Air, mise en place dès 2016 et attribuée à chaque automobile. Son but : restreindre l’accès de nombreux véhicules à certaines villes dépassant régulièrement les seuils de pollution (pour tout savoir sur la vignette Crit’Air, relisez notre article ici). Mais chaque agglomération possède ses propres règles, lorsqu’il s’agit de bannir les véhicules hors de leurs murs : les catégories Crit’Air autorisées et les horaires peuvent donc varier. Et ce ne sont pas les seules aberrations du système.

La Loi d’orientation des mobilités3 (promulguée le 24 décembre 2019) en ajoute en effet une couche, dans l’article 86 :

« L’instauration d’une zone à faibles émissions mobilité est obligatoire avant le 31 décembre 2020 lorsque les normes de qualité de l’air mentionnées à l’article L. 221-1 du même code ne sont, au regard de critères définis par voie réglementaire, pas respectées de manière régulière sur le territoire de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent. A compter du 1er janvier 2021, l’instauration d’une zone à faibles émissions mobilité est également obligatoire, dans un délai de deux ans, lorsque les normes de qualité de l’air mentionnées au même article L. 221-1 ne sont pas respectées de manière régulière, au regard de critères définis par voie réglementaire, sur le territoire de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent et que les transports terrestres sont à l’origine d’une part prépondérante des dépassements. »

Ce même article indique que « des dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules peuvent être mis en œuvre par les services de police et de gendarmerie nationales » pour contrôler le respect de ces ZFE mobilité. Le gouvernement ne perd jamais une occasion de gagner de l’argent sur le dos des conducteurs…

 

Quelles conséquences pour vous après la mise en place d’une ZFE ?

Même si le but initial de la création d’une ZFE est la lutte contre la pollution, pour les élus ouvertement autophobes, comme la maire de Paris, il s’agit d’une aubaine pour réduire la place de la voiture en ville. La capitale en a d’ores et déjà profité pour interdire son accès aux vignettes 4 et 5 (en plus des « sans-vignette »).

Toutefois, une « zone » ne se limite pas forcément à l’enceinte d’une ville. Elle peut s’étendre à une aire urbaine entière. C’est ce qui se joue actuellement pour la Métropole du Grand Paris, dont les 79 communes situées à l’intérieur du périmètre de l’autoroute A86 seront concernées (53 ont déjà engagé la mise en place de la ZFE). Soit, au total, 2 millions de véhicules ne répondant pas aux standards exigés et potentiellement privés, à terme, de déplacements.

Le problème, c’est que ce dispositif, qui s’avère être un moyen certain de restreindre drastiquement la circulation dans les villes, ne concerne pas forcément les véhicules les plus anciens, donc les plus polluants : dans la Métropole du Grand Paris, les diesels datant de 2010 seront bannis dans deux ans. Quid de l’infirmière libérale ou du petit artisan qui possède une Peugeot 207 ou un Renault Kangoo bientôt interdits ? Quid de ceux habitant la périphérie des grandes villes, mais qui doivent s’y rendre seulement quelques fois dans l’année pour consulter un médecin spécialisé et qui ne possèdent pas le véhicule autorisé ? La réponse est simple : il faudra en changer ! L’État vous l’impose… Si vous n’obtempérez pas, vous ne pourrez plus accéder aux commerces ou emplois situés dans ces ZFE, sans risquer une contravention quotidienne.

Vous avez bien lu : en plus de vous priver de l’accès à certaines villes, de vous inciter fortement à changer de véhicule, vous devrez payer une contravention si vous gardez votre ancien véhicule, peu importe s’il fonctionne encore parfaitement. Son montant : 68 €.

Ces ZFE, même si elles avaient pour objectif de réduire la pollution, risquent de transformer les villes en forteresses inaccessibles. Le constat est simple : la place de la voiture dans la ville est menacée par une caste d’ultra-urbains qui se déplacent en transports en commun, en taxi, en VTC ou en véhicules avec chauffeur…

 

Pourquoi le gouvernement agit-il en douce ?

Pour faire appliquer l’article 86 de la Loi d’orientation des mobilités et ainsi rendre la création de ZFE obligatoire avant le 31 décembre 2020, le gouvernement a besoin de lancer une Consultation publique (conformément au Code de l’environnement). Si le moment est mal choisi pour nous, qui avons d’autres préoccupations en tête, il est au contraire idéal pour nos édiles : tout est fait pour faire passer une nouvelle mesure de restriction de circulation des véhicules sans faire de vagues et sans la moindre communication. Sans oublier le texte de la Consultation publique, incompréhensible. C’est ainsi qu’une mesure anti-conducteurs discrète se met en marche et que le gouvernement, qui s’était pourtant engagé à mettre en pause de nombreuses réformes en pleine crise sanitaire, profite de l’épidémie de Covid-19 pour faire passer son projet.

 

Répondez à la Consultation publique !

Pour que nous puissions conserver notre liberté de déplacement, il faut absolument lutter contre ce projet de création obligatoire de ZFE partout en France. Et le faire rapidement parce que le gouvernement, dans toute sa malice, n’a ouvert la Consultation publique qu’entre le 23 mars et le 13 avril. D’ailleurs à l’heure où nous écrivons cet article, moins de 400 commentaires ont été laissés en ligne. La Ligue de Défense des Conducteurs vous invite donc à vous opposer à ce projet, en cliquant sur le lien suivant, qui vous mènera directement sur le site de la Consultation publique. A vous de jouer et de faire savoir ce que vous pensez des ZFE…

http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-de-decret-relatif-au-non-respect-de-maniere-a2143.html

 

1 Zones à Faible Emission (ZFE) : de quoi parle-t-on exactement ?, Cerema, 8 août 2019.

2 Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, 17 août 2015.

3 Loi d'orientation des mobilités, 24 décembre 2019.