Retour du 90 km/h sur le réseau secondaire : « En Ardèche, ce n’est pas Paris qui décide »

En repassant l’ensemble de son réseau départemental à 90 km/h, l’Ardèche a rejoint les départements pionniers de l’Allier, de l’Aveyron, du Cantal, de la Corrèze, de la Creuse et du Puy-de-Dôme. Olivier Amrane, le Président du Conseil départemental de l’Ardèche, nous explique les raisons de ce choix fort. L’occasion aussi de parler entretien des routes et sécurité routière, auxquels il est très attaché.

Le 1er septembre 2022, l'Ardèche a repassé 3 500 kilomètres de routes départementales à 90 km/h. Au terme de quel cheminement avez-vous pris cette décision ?

Premièrement, c'était une promesse de campagne. C'était donc très important d'aller jusqu'au bout, de respecter la parole donnée. Deuxièmement, la voiture est essentielle dans un département rural comme le nôtre. C'était donc aussi un moyen de réaffirmer la place de la voiture en Ardèche et une reconnaissance vis-à-vis de mes services techniques, de la voirie départementale. On connait nos routes, on sait où c'est dangereux et les endroits où l'on peut rouler, dépasser un poids lourd ou un camping-car. C'était la vision que je souhaitais apporter.

Quel était l’avis de la population ?

Cette décision vient justement de l'écoute et de l'attention vis-à-vis de la population, des professionnels, notamment ceux dont le réseau routier est l'outil de travail. Quand j'en ai parlé aux chauffeurs routiers par exemple, eux me disaient « avec le 80 km/h on est dangereux, parce qu'on crée des bouchons et les gens ne peuvent pas effectuer de dépassement ». Le 90 km/h permet donc d'avoir plus facilement des paliers de 20 km/h pour dépasser en toute sécurité. C'est le fruit d'un gros travail avec mes équipes.

Avez-vous rencontré des oppositions (juridiques, associatives) à cette décision ?

Je n'ai pas été attaqué. J'ai consulté la Commission départementale de Sécurité routière et j’ai signifié au préfet mon intention de repasser nos routes à 90 km/h, en mettant en avant le fait que c'était une décision politique qui n'était pas de son ressort. Le message que je veux également faire passer, c'est qu'en Ardèche, ce n'est pas Paris qui décide. On connait notre département, on y est né, on y vit, on sait où on peut rouler et où on ne peut pas.

Autour de l'Ardèche, certains départements comme la Loire ont choisi de rester à 80 km/h, tandis que d'autres comme la Lozère ou la Haute-Loire ont fait le choix de repasser tout ou partie de leur réseau à 90 km/h. Avez-vous eu des échanges sur le sujet avec vos voisins ?

J'ai eu quelques échanges avec certains, notamment avec le département « frère » de la Drôme. Eux sont pour l'instant restés au 80 km/h, pour des raisons qui leur sont propres. En matière de cohérence et de visibilité c'est compliqué pour les usagers, qui sont très nombreux à passer d'un département à l'autre. C’est d'ailleurs la raison pour laquelle en Ardèche, nous avons fait le choix de repasser l'ensemble de notre réseau à 90 km/h et pas uniquement des portions. Pour la lecture et la compréhension du message c'est important. Là on sait que quand on entre en Ardèche c'est 90 km/h, hormis les portions dangereuses à 70 km/h. Sinon on aurait brouillé le message et on se serait retrouvé avec des zones 30, 50, 70, 80, 90. C’était trop.

Quelles sont les particularités du réseau routier ardéchois ?

Le réseau départemental c'est 3 500 kilomètres de routes, parfois très sinueuses, dont 142 portions dangereuses et très accidentogènes qui restent limitées à 70 km/h. Mais c’est aussi 800 agents de voirie qui travaillent dessus et un budget de 20 millions d'euros.

Quelles actions menez-vous pour le réseau routier ardéchois ?

Quand je suis arrivé à la tête du département en 2021 j’ai lancé un « Pacte routier » sur la voirie communale pour aider les maires à maintenir un bon niveau d’entretien de leurs routes. C'est inédit, nous faisons partie des rares départements à aider les maires à investir financièrement sur ce réseau afin d'avoir une vraie cohérence. Car en l'absence d'aides, la voirie est souvent le parent pauvre de la politique communale. Le fait d'avoir une aide, ça les pousse. Ma grande fierté c'est que 203 communes, sur les 335 du département, m'ont sollicité en ce sens. Elles pourront être aidées jusqu'à 20 000 euros, ce qui permettra d'avoir de belles routes communales, autrement dit un gage de sécurité et d'attractivité. Quand on assume la volonté de mettre de l’argent sur les routes, cela pousse les maires à agir en ce sens et c’est du gagnant-gagnant, y compris pour les entreprises locales.

Quelle est votre vision de la sécurité routière en Ardèche ?

Une seule et même boussole : la sécurité et le nombre de morts. En Ardèche, le 80 km/h n'a pas permis de faire chuter la mortalité. J'en discute avec les services de gendarmerie et de Police nationale. Ce qu'ils me disent c'est que les décès sur les routes du département sont liés en grande partie à la prise de stupéfiants ou d'alcool. Avant 2018, cela représentait 14 % des accidents mortels en Ardèche, aujourd'hui on est à près de 40 %. Cela explose. Il y a un énorme travail à faire là-dessus de la part des forces de l'ordre, plus que sur la vitesse.

Comment percevez-vous les discours appelant à des politiques de mobilité favorisant un usage moindre de la voiture ?

Nous sommes le seul département de France métropolitaine à n'avoir ni autoroute, ni gare SNCF, ni le moindre train. Sans la voiture on ne peut pas y arriver. Le retour au 90 km/h était donc aussi une volonté d'arrêter avec ce « voiture-bashing », tout ce qu'on peut entendre de nos gouvernants très parisiens, les injonctions à se déplacer à pied ou en vélo, etc. Si vous allez travailler en vélo en Ardèche, c'est que vous êtes le meilleur grimpeur du Tour de France.