Mise à jour 20/05/2020
Depuis le 1er janvier 2017, les entreprises sont dans l’obligation de désigner les salariés responsables d’infractions routières commises avec un véhicule de société lorsque la verbalisation n’a pas donné lieu à une interception. C'était le début du calvaire de dirigeants d’entreprises individuelles (dans lesquelles le dirigeant est à la fois le seul salarié et le seul conducteur), qui bien souvent se font piéger lorsqu’ils règlent leurs PV… Bonne nouvelle toutefois : dans un arrêt du 21 avril 2020, la Cour de Cassation en exonèrent certains de cette obligation, selon leur type de structure.
- La procédure de désignation :
Depuis quand la désignation est-elle obligatoire ?
La désignation des salariés n’est obligatoire que si la date de l’avis de contravention est postérieure au 1er janvier 2017. Cette démarche est rendue obligatoire par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du 21e siècle, qui a inséré dans le code de la route l’article L.121-6, source de tant d’imbroglios.
Quelles sont les infractions pour lesquelles la désignation est obligatoire ?
L’obligation pour l’employeur de désigner le salarié ne concerne que les infractions constatées par un appareil de contrôle automatique homologué, soit un radar (article L.130-9 du code de la route). 11 infractions sont concernées :
- Le défaut de port de la ceinture de sécurité,
- l’usage d’un téléphone portable tenu en main par le conducteur,
- l’usage de voies réservées à certains véhicules,
- la circulation, l’arrêt ou le stationnement non justifiés sur une bande d’arrêt d’urgence,
- le non-respect des distances de sécurité,
- le chevauchement et le franchissement d’une ligne continue,
- le non-respect d’un stop ou d’un feu rouge,
- les excès de vitesse,
- le non-respect des règles de dépassement,
- le non-respect des sas vélos situés juste devant un feu tricolore,
- le défaut de port de casque sur un deux-roues motorisé.
Comment faire pour désigner un salarié ?
Le représentant légal de la société à qui a été adressé l’avis de contravention dispose de 45 jours à compter de la date de l’avis de contravention pour désigner le salarié ou contester l’infraction (voir notre fiche pratique Comment contester mon PV ?), autrement il encourt de lourdes sanctions financières.
- Désignation du salarié : L’employeur doit notifier l’identité, l’adresse et la référence du permis de conduire du salarié via le formulaire joint à l’avis de contravention et par lettre recommandée avec accusé de réception à l’officier du ministère public près le tribunal de police dont l’adresse figure sur l’avis de contravention. L’employeur peut également faire cette démarche en ligne sur le site de l’ANTAI (Agence nationale de traitement automatisé des infractions) : www.antai.gouv.fr
Le salarié concerné recevra ensuite chez lui un nouvel avis de contravention qu’il pourra payer ou contester.
- Contestation de l’infraction : L’employeur peut également contester l’infraction en faisant parvenir à l’officier du ministère public (par courrier ou en ligne) des éléments permettant de justifier l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre évènement de force majeure, seuls cas justifiant la contestation de cette infraction.
Enfin, si l’employeur ne désigne pas le salarié, il peut utiliser le formulaire de requête en exonération joint à l’avis de contravention en cochant le cas n°3 « autre motif de contestation ». Dans ce cas-là, la consignation du montant de l’amende est obligatoire. (La consignation est un dépôt de garantie qui est encaissé. Elle correspond au montant forfaitaire de votre amende. Si vous obtenez gain de cause, vous recevrez un courrier de l’officier du ministère public que vous devrez présenter au comptable du Trésor pour obtenir le remboursement du montant que vous avez consigné.)
NB : Pour effectuer vos démarches nous vous conseillons de privilégier internet (www.antai.gouv.fr), cela vous évitera de payer des frais liés à l’envoi d’une lettre avec accusé de réception.
Qui est concerné par cette désignation ? Qui ne l'est plus, depuis le 20 avril 2020 ?
Cette mesure s’applique pour tous les véhicules détenus par des personnes morales, c’est-à-dire ceux dont le titulaire du certificat d’immatriculation n’est pas une personne physique. Sont donc concernés les véhicules de société, des administrations ou des établissements publics.
Dans l’arrêt n°530 du 21 avril 2020, la Cour de cassation exonère désormais certaines sociétés de cette obligation. Maître Rémy Josseaume, responsable de la commission "Droit routier" au barreau de Paris et président de l'Automobile-Club des avocats, partenaire de la Ligue de Défense des Conducteurs, cite pour exemple "les entreprises individuelles ou en nom propre (artisans), les professions libérales (médecins, infirmières…) ou encore les auto-entrepreneurs".
Dois-je me désigner même si je suis employeur et seul salarié de l’entreprise ?
Avant l’arrêt du 21 avril 2020 de la Cour de cassation, tous les salariés étaient soumis à cette obligation, même si une société ne comptait qu’un seul salarié et que le véhicule était au nom de l’entreprise. L’article L.121-6 précise bien que cela concerne : « une infraction […] commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d'immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale ». Dans ce cas, le salarié était dans l’obligation de se dénoncer lui-même.
Si l’employeur est aussi seul salarié et qu’il a omis de se désigner comme étant le responsable de l’infraction initiale, il a également la possibilité de contester l’infraction de non-désignation dans les mêmes conditions que pour n’importe quelle contravention. Mais cette contestation était systématiquement rejetée et de nombreuses entreprises devaient s’acquitter d’amendes allant de 450 à 1 875 €…
C'est face à l’ampleur du nombre de dossiers où employeur, salarié et conducteur sont l’unique et même personne de l’entreprise que la Cour de cassation, dans l'arrêté d'avril 2020 mentionné ci-dessus, a enfin décidé d'exonérer de cette obligation toutes les entreprises dont la personne morale et la personne juridique ne sont pas différentes.
"La Cour de cassation précise, poursuit Maître Josseaume, qu'un dirigeant d’entreprise, poursuivi au titre de l’infraction de non-désignation, ne peut en effet être sanctionné s’il n’est pas une personne morale".
- Les conséquences en cas de non désignation :
Pour les autres cas, si l’employeur ou le salarié a payé l’amende liée à la contravention sans désigner le conducteur responsable de celle-ci, l’entreprise va recevoir un « Avis de contravention pour non désignation du conducteur » et s’expose à une amende allant de 450 à 1 875 €. L’entreprise peut ensuite soit payer l’amende soit la contester.
L’entreprise qui paye l’amende pour non désignation du conducteur entraîne l’extinction de l’action publique. Le salarié concerné ne se verra pas retirer de point.
En revanche, si aucune amende n’a été payée à la suite de l’avis de contravention initial, le représentant légal sera puni d'une contravention de 4e classe qui viendra s'ajouter à la contravention reçue.
Pour contester un PV, consultez la Fiche pratique « Comment contester mon PV ? » en cliquant ici.
Pour en savoir plus :
- Le nouvel article L.121-6 du Code de la route
- L’article L.130-9 du code de la route
- Arrêt n°530 du 21 avril 2020 de la Cour de cassation
- PV dans l’entreprise, pas de dénonciation dans les entreprises individuelles, Me Rémy Josseaume