Puisqu'il ne concernera que 2 % des ventes de voitures neuves en 2022, le malus au poids, voté l'an passé et s'appliquant à partir du 1er janvier prochain pour les véhicules de plus de 1,8 tonne, ne fait plus polémique. Pourtant, cette mesure symbolise l'extrémisme fiscal dans lequel le gouvernement plonge les automobilistes depuis des années, estime Alexandra Legendre, porte-parole de la Ligue de Défense des Conducteurs.
Note : cet article a été initialement publié le 22 novembre 2021 sur le site Capital.fr, où la Ligue de Défense des Conducteurs tient une tribune libre bimensuelle.
Malin, le gouvernement. En faisant voter une grille de malus CO2 sur trois ans l'année dernière, il a quasiment fait mourir dans l'œuf la traditionnelle polémique qui surgit chaque automne, à parution du Projet de loi de finances de l'année à venir. Le barème qui durcit encore en 2022 et alourdit la facture jusqu'à 40 000 euros (50 000 € en 2023 !) est littéralement passé inaperçu, surtout que la hausse du prix du carburant échauffait bien davantage les esprits au même moment.
Idem pour le malus au poids, lui aussi voté en 2020, mais applicable dans un peu plus d'un mois seulement, au 1er janvier prochain. Plus un doigt pour se lever et remettre en question la pertinence de cette décision, au point que la remettre sous les feux de l'actualité pourrait s'assimiler à un combat d'arrière-garde.
Et pourtant. Ce malus, né de la Convention citoyenne pour le climat et activement soutenu par Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, n'est rien d'autre qu'une nouvelle taxe déguisée, reprenant la recette mixant écologie punitive et perspective de recettes fiscales du malus CO2. Il repose d'ailleurs sur la même logique : en effet, ce dernier varie déjà selon le poids, puisqu’une voiture plus lourde émet naturellement plus de CO2… et paie plus cher de malus. Les industriels automobiles estiment ainsi que pour chaque tranche de 100 kg, ce sont 10 g de CO2 supplémentaires qui sont émis par kilomètre. Le malus existant traitait donc déjà ce problème.
S'il est de bon ton de dénoncer l'embonpoint des voitures d'aujourd'hui, il ne semble pas superflu de rappeler que ces "kilos en trop" sont, entre autres, la conséquence d’une meilleure conception : le renforcement de la cellule de l'habitacle protège mieux les passagers, les zones déformables absorbent mieux les chocs en cas d'accident. Mais aussi, de l’ajout d’équipements que gouvernements successifs et parlementaires ont parfois fini par imposer eux-mêmes, alors qu’ils étaient déjà présents sur la quasi-totalité de la production automobile (airbags, antiblocage de roues ABS, antidérapage ESP…), pour des raisons évidentes d’amélioration de la sécurité. Forcément, ce surpoids engendré par la modernité influe sur la consommation d’énergie, donc les émissions de gaz à effet de serre et les polluants. Mais qui aujourd'hui, dans nos pays européens, accepterait de dégrader le niveau de sécurité des voitures au profit du CO2 ? Personne.
De toute façon, contraints, sous peine de lourdes amendes à l’échelle européenne, d'optimiser le rendement de leurs motorisations et de répondre aux normes d’émissions, les constructeurs travaillent d'arrache-pied pour alléger leurs véhicules. Mais les matériaux auxquels il faut requérir pour aboutir à un allègement notable (aluminium, carbone) demeurent plus onéreux que l’acier. Or, le temps industriel pour rendre financièrement accessible une technologie qui profite finalement à tous n’a rien à voir avec le temps politique : par exemple, entre le premier ABS arrivé sur la Mercedes Classe S en 1978 et l’obligation pour tout véhicule d’en être équipé (2003), il s’est écoulé vingt-cinq ans. Ce qui est regrettable, c'est que l'Etat français fasse retomber cette pression de l'Europe sur les acheteurs de voitures neuves, comme le fait déjà, malheureusement, le malus CO2. D'ailleurs, comme pour ce dernier, à la Ligue de Défense des Conducteurs nous ne doutons pas un seul instant que si le malus au poids ne concerne dans un premier temps que les véhicules pesant plus de 1 800 kg, ce seuil ne manquera pas d'être revu à la baisse à la première occasion.
Alors qu’aucune étude sur l’impact de cette taxe sur le poids, qu’il soit d’ordre environnemental, technique ou économique, n’a été diligentée, c’est donc, une fois de plus, le portefeuille des conducteurs qui est sollicité*. Sur fond de crise économique et sanitaire, d’industrie automobile française fragilisée, de filière de vente affaiblie, ce nouvel impôt déguisé ne sert qu’une seule cause : celle du gouvernement, qui s’achète une bonne conduite auprès des écologistes.
*Seuls acheteurs exemptés : les familles de plus de trois enfants, qui bénéficient d'un abattement de 200 kg par enfant. Un autre abattement, de 400 kg cette fois, sera aussi appliqué pour les entreprises et personnes morales acquérant un véhicule d'au moins huit places assises.