Les 4 et 7 décembre 2023, les institutions européennes se sont prononcées pour la suspension du permis de conduire tous les 15 ans. Clément Beaune s'était donc livré deux mois plus tôt, début octobre, à un bel exercice d'enfumage pour tuer dans l'œuf toute contestation, et permettre à l'Europe de faire avancer, tranquillement, cette idée.
La France « ne demande pas » qu'on impose une date de péremption au permis de conduire, assurait le 5 octobre dernier Clément Beaune, ministre des Transports, au micro de Sud Radio. « Il n'y a pas d'idée qu'il y ait un permis lié à l'âge », avait-il continué. Phraséologie subtile… Ce qu'il fallait entendre, c'est qu'il va y avoir une péremption du permis de conduire pour TOUS ! Et que la France y est tout à fait favorable.
En réalité, l'Union européenne est en train de préparer la suspension automatique du permis POUR TOUS, tous les quinze ans, à revalider par des formalités médicales. Ainsi, la péremption n'est effectivement pas « liée à l'âge », mais à toute une batterie de critères médicaux qui, évidemment, sont de plus en plus difficiles à remplir à mesure que l'âge avance.
Contrairement aux assertions de Clément Beaune, si la France ne le « demande pas », elle le soutient, comme il ressort du Conseil des ministres de l’Union européenne du 4 décembre et de l'intervention officielle du représentant du gouvernement français pendant cette réunion.
En effet, pour le Conseil des ministres européen :
- Le permis de conduire (B) doit être revalidé tous les 15 ans.
- La validité du permis (15 ans) peut être réduite pour les plus de 65 ans, au choix du pays.
- La norme est un examen médical obligatoire pour tout renouvellement. Par dérogation, les États peuvent faire remplir un formulaire d’auto-évaluation.
La Commission Transport au Parlement européen, réunie le 7 décembre, propose elle aussi la revalidation du permis de conduire obligatoire tous les 15 ans, par un examen lors d'une visite médicale.
Tout cela sans aucune certitude d’en tirer le moindre bénéfice pour la sécurité sur les routes.
De fait, en dehors de la Finlande, aucun État membre de l’Union européenne ne recueille des données fiables sur l’état de santé des conducteurs impliqués dans des accidents graves.
Mais à l’inverse, les chiffres français de la sécurité routière sont formels sur ce point : les seniors causent deux fois moins d'accidents graves que les jeunes, qui sont pourtant en meilleure santé.
À la Ligue de Défense des Conducteurs, notre analyse est sans appel : tout porte à croire en effet que cette mesure fera peser sur les conducteurs de nouvelles contraintes aussi humiliantes qu'inutiles et coûteuses. Le pire, c’est que les coûts administratifs et d'examens médicaux représentent autant d'argent qui serait si utile, par exemple pour améliorer les secours et la médecine d'urgence qui sauvent des vies. Sans compter qu’avec les déserts médicaux, on va assister à un engorgement des demandes. Que feront les conducteurs dont le droit à la conduite aura expiré et qui devront attendre de longs mois pour le renouveler ?
Le texte devrait être soumis au vote du Parlement européen, en plénière, en janvier ou février 2024. Pour une adoption définitive avant les prochaines élections européennes.
D’ici là, la Ligue de Défense des Conducteurs poursuit le combat avec sa pétition : "Non à la suspension automatique du permis de conduire tous les 15 ans", qui a déjà recueilli plus de 180 000 signatures (si vous n’avez pas encore signée, dépêchez-vous, il y a urgence !) et demande à la place de vraies mesures de sécurité routière. Le facteur infrastructures routières, en cause dans 30 % des accidents mortels en France, devrait notamment figurer en tête de liste des préoccupations de nos élus.