Un grand nombre de mesures pourraient se substituer efficacement à la politique française du tout radar et de la sanction permanente. Tour d'horizon des solutions développées par nos voisins européens, qui font preuve de pragmatisme à travers une sécurité routière au service des citoyens.
Alors que les mauvais chiffres de la mortalité routière en 2015 mettent en lumière la politique inefficace d’un gouvernement qui n’utilise sans retenue que la répression, les politiques publiques de sécurité routière de plusieurs pays d’Europe suggèrent un éventail d’alternatives efficaces.
La majorité des pays européens ont limité la vitesse à 50 km/h dans leur agglomération. Alors qu’en France la nouvelle lubie des maires est de mettre en place une vitesse réglementaire de 30 km/h, certains pays comme la Pologne, modulent la limitation en fonction de la fluidité du trafic. En journée, avec une circulation très dense, la vitesse est limitée à 50 km/h. Entre 23 heures et 5 heures du matin, en revanche, avec un trafic fluide, la limite de vitesse autorisée est de 60 km/h. Les autorités s’adaptent donc au trafic et ne décrètent pas une baisse généralisée des vitesses sous couvert de faux arguments.
De plus, la Finlande ou la Lituanie ont mis en place des limitations de vitesse différentes l’été et hiver, au vu des conditions climatiques difficiles.
Dans cette logique d’adaptation à l’environnement, la Suède fait figure de très bon élève. Les autorités ont décidé d’agir sur la mortalité routière en transformant l’approche route/conducteur : c’est désormais le réseau routier qui s’adapte aux conducteurs et à leur comportement, et non l’inverse. En effet, comme l’erreur est humaine, il faut une route qui pardonne.
En adaptant le réseau à ces inévitables petites fautes d’inattention, on réduit les risques. Dans certaines zones particulièrement dangereuses, les routes à 2 voies ont été transformées en routes à 2+1 voies comprenant une glissière de sécurité sur le terre-plein central, les conducteurs peuvent ainsi doubler facilement et en toute sécurité. Les pistes cyclables sont bien séparées des routes empruntées par les véhicules, des zones protégées comprenant des ponts et une signalisation renforcée ont été installées pour permettre aux piétons de traverser les routes. Enfin, pour diminuer les sorties de routes, des bandes rugueuses sont crénelées dans l’asphalte des bas-côtés. Avec 2,9 morts pour 100 000 habitants, contre 5,3 en France, la Suède fait figure d’exemple.
Quel contraste entre une politique pragmatique au service des citoyens et un système français ultra répressif qui s'apparente de plus en plus à du "dressage" à coup de sanctions !
À la suite de chaque accident mortel, en Suède, une équipe spéciale mène l’enquête pour voir comment transformer la configuration des lieux et éviter ainsi un nouvel accident. En France, 37 % des causes d’accidents mortels ne sont pas résolues. Dès lors, quelle est l’utilité des commissions « Enquête Comprendre Pour Agir » ? Sont-elles actives ? Se réunissent-elles ? Les préfets les utilisent-ils ?
Les Pays-Bas sont également un modèle au regard de leur politique de « rues dégagées ». Contrairement à l'inflation de panneaux, d'interdictions et d'obstacles à la circulation – chicanes, dos d'âne, etc. – qu'on observe en France, ce concept consiste à limiter, voire à supprimer la signalisation en ville dans le but de réduire le nombre d’accidents, en responsabilisant les usagers de la route afin de les rendre acteurs de leur propre sécurité. C'est en mettant le conducteur, et non plus la règle, au cœur du système de sécurité, que le concept de "rues dégagées" permet de limiter les accidents. Ainsi, avec 2,8 morts pour 100 000 habitants aux Pays-Bas, soit un résultat presque 2 fois meilleur que celui de la France, cette politique devrait inspirer nos élus.
En 1992, la France a choisi de mettre en place le permis à points pour lutter contre la mortalité routière. Cette formule n’est pas une garantie d'efficacité puisque des pays comme la Finlande ou la Suède n’en n’ont pas et affichent pourtant de meilleurs résultats. Mais surtout, il y a, à l'intérieur même de cette formule, des procédés plus efficaces que la double peine (retrait de point et amende) systématique appliquée en France.
En Allemagne par exemple, le code de la route fait la différence entre une petite erreur et celle qui peut entraîner la mise en danger d’autrui. Ainsi, lorsque l’automobiliste dépasse de quelques km/h la vitesse autorisée, il paye une amende mais n’accumule aucun point sur son permis : le système de permis à point fonctionne à l’inverse du nôtre : les conducteurs allemands accumulent des points à chaque infraction. Pour un excès de vitesse inférieur à 20 km/h, pas de double peine. C’est pour une politique intelligente de ce type que se bat la Ligue de Défense des Conducteurs. En effet, en France 80 % des amendes liées à la vitesse concernent un dépassement de la vitesse de moins 20 km/h.
Enfin, pour une politique plus intelligente qui responsabilise les conducteurs, certains pays ont mis en place une formation qui se distingue par deux phases d’apprentissage. Après plusieurs mois de conduite suite à l’obtention du permis, le jeune conducteur revient confirmer ses acquis et peut ainsi par exemple, mieux analyser et comprendre une conduite sur circuit. Former les jeunes conducteurs est crucial pour leur permettre d’acquérir la confiance nécessaire et surtout la responsabilité du conducteur qui s’adapte aux circonstances. L’exemple de l’Autriche et de la Finlande est en ce sens instructif. En Autriche, cette formation a ainsi permis, en quelques années, de faire baisser d’un tiers la mortalité des jeunes conducteurs. Des audits de conduite, une formation sur circuit pour favoriser notamment la prise de conscience des limites du système homme/véhicule/espace sont ainsi organisés.
Au regard d’exemples concrets, utilisons ces méthodes. La politique du tout radar ne fonctionne pas et des alternatives crédibles existent. Qu’attendent les responsables politiques pour mettre en place une politique de sécurité routière vraiment efficace ?