Dans l’obligation légale de créer une Zone à Faibles Émissions (ZFE) au plus tard le 1er janvier 2025, les métropoles de plus de 150 000 habitants s’organisent. Celle de Bordeaux a invité la Ligue de Défense des Conducteurs à se joindre à son processus de mise en place. Notre association, très au fait de l’impact social de ces futures ZFE ne pouvait refuser. La première réunion de ce comité a eu lieu le 11 mai 2022 au siège de la Métropole. Nous y étions… mais pas les élus concernés.
Si vous avez lu notre étude « ZFE, la grande cacophonie », vous savez déjà que d’ici à 2025, quarante-cinq aires urbaines de plus de 150 000 habitants devront instaurer une Zone à Faibles Émissions, interdisant leur accès aux véhicules les plus polluants. La loi est stricte : à terme, leurs rues ne seront plus ouvertes aux modèles affichant des vignettes Crit’Air 3, 4, 5 et « non-classé » !
En revanche, les conditions d’application sont laissées à la discrétion de ces métropoles.
D’où la création de groupes de contact comme celui que Bordeaux vient de mettre en place et auquel la Ligue de Défense des Conducteurs a été conviée, en tant qu’experte du sujet et lanceuse d’alerte sur les risques d’exclusion des ménages les plus modestes. Voici donc le compte-rendu de la première réunion.
La Métropole de Bordeaux s’est donc lancée dans une phase de concertation, et semble vouloir prendre le temps de bien réfléchir aux caractéristiques de sa ZFE. Ce groupe de contact, composé « d’experts et de têtes de réseaux » représentant habitants, usagers, professionnels, particuliers, etc. doit l’aider à prendre en considération l’ensemble de leurs problématiques respectives liées à la mise en place du dispositif.
Ce dernier est encore à l’état embryonnaire et bien des aspects sont à définir : quelles seront les catégories de véhicules concernés (tous les véhicules ou uniquement les utilitaires et poids-lourds par exemple) ? Quelle sera la période d’application (jours de la semaine ou week-end inclus) ? Selon quelles modalités horaires (tranche horaire délimitée en journée ou 24h/24) ? Quelles seront les vignettes Crit’Air interdites de circuler (seulement les « non-classés », Crit’Air 5 et au-delà ou dès Crit’Air 4) ?
Quatorze communes sont concernées
Des questions primordiales auxquelles il faut ajouter celles de la progressivité des conditions d’applications dans le temps et de la mise en place d’un calendrier de déploiement, des dérogations qui pourront être octroyées ou encore les modalités de contrôle d’accès une fois la ZFE opérationnelle. Le chantier est donc vaste, ardu et délicat, car les conséquences sociales et économiques de ce dispositif auront un impact réel sur la mobilité des ménages.
Si rien n’est encore prêt ou acté, la Métropole de Bordeaux a néanmoins commencé à travailler sur certains points. Le premier, pas des moindres, c’est le périmètre géographique de cette future Zone à Faibles Émissions. Seront donc concernées les quatorze communes situées dans l’intra-rocade : Bègles, Bordeaux, Bouliac, Bruges, Cenon, Eysines, Floirac, Gradignan, Le Bouscat, Lormont, Mérignac, Pessac, Talence, Villenave-d’Ornon. La rocade en elle-même n’est en revanche pas intégrée au périmètre afin d’éviter, selon l’exécutif, un report de trafic de transit trop important en extra-rocade.
75 % des habitants ne savent pas ce qu’est une Zone à Faibles Émissions
Va pour le périmètre. Pour le reste, tout reste donc à expliquer, à définir, à mettre en œuvre. Qu’est-ce qu’une ZFE ? Pourquoi en créer une ? Qu’est-ce que les vignettes Crit’Air ? Cette première réunion (trois sont prévues au total) est là pour ça : poser les bases et évoquer des scénarii possibles.
Pour ce faire, la Métropole a commandé un sondage IFOP qui a pour objectif de se donner une vue d’ensemble de la situation. Mené auprès d’un échantillon de 1 022 personnes, représentatif de la population des 28 communes de Bordeaux Métropole âgée de 18 ans et plus, mais également auprès de 1 001 personnes, représentatives de la population des communes de Gironde hors Bordeaux Métropole âgées de 18 ans et plus, il ne permet malheureusement pas d’apporter suffisamment d’informations précises, et les clés de lecture des différents graphiques sont difficilement compréhensibles.
Au-delà de quelques évidences, comme le fait que 93 % des habitants de Bordeaux Métropole jugent que la pollution de l’air a un impact important sur la santé, les quelques chiffres intéressants révèlent surtout un manque de connaissance profond : par exemple, 75 % des habitants de Bordeaux Métropole ne savent pas ce qu’est une Zone à Faibles Émissions, 34 % ne connaissent pas la vignette Crit’Air de leur véhicule et une part importante donne un classement erroné.
Aucun élu n’était présent à la réunion
Cette étude IFOP, si elle part d’une bonne intention, ne permet malheureusement donc pas de réellement saisir les enjeux. Hormis une courte prise de parole de Claudine Bichet, la vice-présidente de la Métropole en charge du Climat et de la transition énergétique, aucun élu métropolitain, aucun édile des communes concernées n’était présent lors de cette première réunion du groupe contact. Une absence remarquée et dénoncée. On peut effectivement se demander l’intérêt qu’il peut y avoir à faire échanger des « experts et des têtes de réseau », y compris nous la Ligue de Défense des Conducteurs, si ceux qui in fine prendront les décisions ne sont pas là pour les écouter.
Nous espérons que le tir sera corrigé d’ici la prochaine réunion prévue le 16 juin 2022 (nous y serons !), et avant la phase de consultation du grand public. Celle-ci débutera en septembre et reposera à la fois sur des enquêtes de terrain et des réunions publiques organisées en coopération avec les communes, afin d’informer, d’expliquer et d’accompagner au mieux tous ceux pour qui la future ZFE entrainera une modification importante de leurs habitudes de déplacement et de mobilité. Tout l’enjeu est là, à Bordeaux Métropole de s’en saisir pleinement. De notre côté, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que les conducteurs de la métropole bordelaise ne soient pas lésés.