La Ligue de Défense des Conducteurs soutient les Présidents de département passés à 90 km/h qui font face à des recours administratifs

La Ligue de Défense des Conducteurs avait anticipé les défis qu’allaient rencontrer les présidents de Conseils départementaux qui souhaitaient repasser certaines de leurs routes à 90 km/h : en juin 2020, nous leur avions fourni un argumentaire juridique sur ce sujet. Or aujourd’hui, la décision de certains élus de rétablir cette limitation de vitesse fait l’objet de recours administratifs, alors même que leur objectif est la sécurité sur les routes !

L'Allier, le Cantal, la Creuse et la Corrèze abandonnent le 80 km/h et repassent l'intégralité de leur réseau départemental à 90 (lire notre interview sur le sujet du président de l'Allier, Claude Riboulet), tandis que 29 autres départements ont circonscrit le rehaussement de la vitesse à certains tronçons. Un élan de fond, positif, que des représentants d’usagers de la route s'opposant à cette mesure veulent aujourd'hui briser dans l'œuf ! En effet, des recours administratifs visant les présidents de la Sarthe et de l'Hérault, dont le réseau a partiellement relevé ses limitations de vitesse, viennent d'être lancés.

Bien sûr que les départements peuvent repasser à 90 km/h !

Pourtant, la loi d’orientation des mobilités (LOM), promulguée fin décembre 2019, permet bien aux départements de relever à 90 km/h la limitation de vitesse sur les routes passées à 80 km/h le 1er juillet 2018. Certes, cette possibilité a vite été encadrée de recommandations dissuasives du Conseil national de la sécurité routière. La circulaire de janvier 2020, adressée aux préfets et les enjoignant de systématiquement retoquer les dossiers présentés par les Commissions départementales de Sécurité routière, a ajouté une pression supplémentaire… En juin dernier, pour rassurer les élus, la Ligue de Défense des Conducteurs avait d'ailleurs sollicité l’Automobile Club des Avocats pour la rédaction d'un dossier juridique intitulé « Retour au 90 km/h : la responsabilité des élus locaux peut-elle être engagée en cas d’accident ? ».

Quel argument ces "anti-90" avancent-ils pour contester la décision de la Sarthe et de l'Hérault ? C'est simple : ils estiment, en substance, qu'elle constitue un mauvais signal pour les conducteurs, qui seraient ainsi tentés de se rouler à des allures déraisonnables.

La sécurité routière, préoccupation n° 1 des présidents qui repassent à 90

Face à cette focalisation sur la vitesse, la Ligue de Défense des Conducteurs - et bien sûr de nombreux élus - rappelle la multiplicité des causes d’accidents de la route. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, Claude Riboulet, Président du Conseil départemental de l’Allier où le 80 km/h ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir, nous confiait ainsi : « Il apparaît toujours très difficile d'affirmer que la vitesse est la cause première d'un accident. Chaque jour en revanche, je constate les effets ravageurs de l'endormissement, de la distraction, du smartphone… qui sont des causes récurrentes de l'accidentologie et pour lesquelles la prévention reste insuffisante."

Dominique Le Mèner, président de la Sarthe, l'un des deux départements pointés du doigt, précise par ailleurs dans un article du Maine Libre que les tronçons concernés par le « 90 » avaient été soigneusement choisis, d’autres ayant vu leur limitation de vitesse diminuer à 70 km/h ou à 50 km/h, selon les lieux [1]. Des ajustements rendus possibles grâce à l'incontestable expérience sur le terrain des élus locaux, en première ligne pour prendre des décisions les plus adaptées.

Certains départements pro-90 vont encore plus loin pour prouver leur objectivité : par exemple, la Côte-d’Or et le Jura se sont accordés pour repasser la RD 905 Dijon-Dole, axe essentiel de circulation qu'ils ont en commun, à 90 km/h. Pour mesurer les effets du retour à cette limitation de vitesse, les présidents de ces deux entités vont créer des observatoires de la sécurité routière [2] …

Il apparaît donc bien réducteur d'expliquer les accidents de la route par le seul facteur de la vitesse ! La Ligue de Défense des Conducteurs déplore donc ces deux recours administratifs qui contestent l'autorité des présidents des départements de la Sarthe et de l'Hérault… à qui la loi autorise ce retour à 90 km/h. Notre association s’alarme du climat d’inquiétude qui entoure désormais, de ce fait, la prise de décision de leurs homologues, ailleurs en France, en matière de limitation de vitesse. D'autant que ce relèvement de la vitesse s'est accompagné d'engagements en faveur de la sécurité routière : entretien poussé des routes, programme de prévention, vigilance sur les statistiques futures d’accidents… qui devraient convaincre chacun de leur bonne foi en la matière et ramèneront de la sérénité chez les usagers de la route désorientés par ces polémiques. Dans cette perspective, ces tenants d’une approche fine des causes d’accidents mériteraient de ne pas voir leur œuvre réduite une question de vitesse.

 

[1] Noliere (Benjamin), « Le retour de la limitation de vitesse à 90 km/h contesté en justice », Le Maine libre, ouest-France.fr, 14/09/2020.

[2] « Bourgogne-Franche-Comté Routes à 90 km/h : la Côte-d'Or va se doter d'un observatoire de la sécurité routière », Le Bien public, 29/09/2020